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La stratégie du gouvernement français au Mali doit être interrogée

Il s’appelait Kevin. Le soldat français tué au Mali le 4 mai dernier avait 21 ans. Cette extrême jeunesse ajoute au drame et donne un visage à cette guerre qui s’enlise au Sahel. D’autant qu’en face, des jeunes du même âge, parfois moins, se retrouvent aspirés et broyés par la mécanique d’une guerre où tout se mélange, entre misère, banditisme, trafics, absence de perspective, obscurantisme, conflits locaux et dominations extérieures…

Depuis le début de l’expédition militaire en 2013, 45 militaires français ont perdu la vie. Le Parti communiste français a dès le départ alerté sur les dangers d’une approche exclusivement militaire au Mali et au Sahel, autour d’objectifs non explicités. Malgré la présence de la force française Barkhane (aujourd’hui 5 100 hommes), et de la Minusma, la lente déstabilisation s’est poursuivie. Depuis 2013, le terreau des injustices, des facteurs de divisions, des prédations des richesses – au profit d’acteurs privés, de multinationales – est toujours vivace. Ce n’est pas la récente élection législative, avec une participation ridiculement basse et des résultats contestés, qui peut créer un climat favorable. Non consulté sur les accords de paix d’Alger, qui restent en échec, le peuple malien semble tenu à l’écart des grandes décisions. Et le contexte économique de la crise sanitaire du Covid-19 aggrave la situation sur le plan social. Comment dans ces conditions s’attaquer au terreau sur lequel prolifère l’engrenage des violences?
Sept ans après le début de l’intervention militaire, l’espoir ou la confiance ne sont pas au rendez-vous.

La stratégie du gouvernement français vis-à-vis du Mali doit être interrogée. Au-delà des déclarations successives visant à rassurer les opinions sur des succès remportés par Barkhane, qu’en est-il réellement? Le général Pascal Facon, commandant cette force, se veut optimiste et parle de «succès tactiques» dans la zone des trois frontières (du Mali, Burkina et Niger). La zone est en proie à des rivalités entre l’EIGS (État islamique au grand Sahara) et le GSIM (Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans, issu de la fusion d’Ansar Dine et AQMI – Al-Qaïda au Maghreb islamique). Ces rivalités affaiblissent certes les deux groupes, mais l’hydre terroriste a montré malheureusement sa capacité à se muer; les combats «internes» alternent avec des jeux d’alliances. La question des perspectives reste posée. Quel est l’agenda poursuivi? Pour quels objectifs? Et avec quelles réponses et solutions politiques? Il ne suffira pas d’énièmes effets d’annonce en juin lors du prochain G5 Sahel à Nouakchott pour sortir du guêpier. La perpétuation de la présence militaire Barkhane ne peut pas être une fin en soi, ni un objectif non-dit.
Sept ans après le début de l’intervention militaire, l’espoir ou la confiance ne sont pas au rendez-vous au sein de la population. Et la montée du sentiment anti-français ne doit pas être sous-estimée. Ces ingrédients ne sont pas neutres dans la difficile équation à résoudre au Mali et dans le Sahel. D’autant que l’État français est perçu – à juste titre – comme un des responsables du désastre, avec la guerre de Sarkozy contre la Libye. Rien ne serait pire qu’un enlisement où les forces étrangères seraient perçues comme armées d’occupation. Les extrémistes islamistes et les entrepreneurs de la violence n’attendent que cela. Pour être crédible, il ne suffira pas d’ajouter des troupes ou de porter des coups à l’ennemi. Il faudra faire la démonstration que l’objectif est de créer les conditions d’un départ des troupes françaises, et à moyen terme étrangères, du Mali, et aussi de respecter ce peuple et sa souveraineté. Des conditions militaires, sécuritaires, politiques, économiques, sociales… Autant de réponses aux immenses défis qui nécessitent dialogue et participation des Maliennes et des Maliens, pour des solutions africaines qui ne soient pas des paravents d’autres intérêts.
Dominique JOSSE
Collectif Afrique du PCF

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