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A la loupe : Un marché dangereux de dupes

Les négociations ont commencé depuis le lundi dernier avec la formation des groupes de travail qui doivent se pencher sur le statut juridique du nord, le rôle de l’armée dans la zone, la possibilité de confier la sécurité des régions septentrionales aux groupes armés. De toute évidence, les autorités se dirigent vers des compromissions qui ne manqueront pas d’être lourdes de conséquences.

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Après les pourparlers qui ont abouti en juillet dernier à une feuille de route consensuelle, le gouvernement et les six mouvements rebelles, terroristes et d’autodéfense se sont retrouvés à nouveau, lundi 1er septembre, pour entrer dans le vif du sujet. Auparavant, ces six groupes étaient à Ouagadougou la semaine dernière pour tenter d’aplanir les divergences qui existent entre eux. Mais il semble qu’ils soient arrivés à Alger sans être tombés d’accord sur certains points de revendication.

Pour le présent round de négociation, quatre groupes thématiques ont été constitués le même jour. Ils auront un mois pour aborder et, peut-être, régler les problèmes de fond. Il s’agit essentiellement du statut politique et juridique des trois régions du nord, du rôle de l’armée dans cette zone, de la sécurité des biens et des populations du septentrion.

Sur le premier point, les différents mouvements s’accordent à réclamer une large autonomie des régions du nord malgré le processus de décentralisation en cours, ce qui pourrait avoir des conséquences irréversibles sur l’unité du pays.

En ce qui concerne le deuxième point, tous les accords signés entre les autorités et les précédentes rébellions mentionnent l’allègement du dispositif militaire dans le nord (suppression des postes avancés et fermeture de certaines garnisons). Pour remédier à l’absence des forces armées et de sécurité (Fas), l’ex-président de la République, Amadou Toumani Touré, avait suscité et financé la création de milices armées dans les régions de Kidal et de Tombouctou, des milices qui ont disparu suite à l’occupation armée de ces régions par les jihadistes et les rebelles.

Qui dans les unités spéciales ?

Parallèlement à ces forces paramilitaires, les rebelles touareg avaient exigé en 2006, dans l’Accord d’Alger, la constitution des unités spéciales à la place des Fas pour assurer la défense et la sécurité dans le nord malien. Cette vieille revendication est remise à l’ordre du jour, notamment par le Mnla (Mouvement national de libération de l’Azawad) qui veut que la région de Kidal soit laissée sous le contrôle de ses éléments. Il estime être capable de remplir une telle mission parce que depuis janvier 2013, ce sont ses combattants et ceux du Hcua (Haut conseil pour l’unité de l’Azawad) qui font la loi dans l’Adrar des Ifoghas. Le Mnla est également présent dans le cercle de Ménaka et les abords du cercle de Gao. En 2006, il était question que ces unités spéciales soient composées par des ressortissants des régions du nord, essentiellement des Touareg et Arabes, à l’exclusion des ex-combattants des mouvements d’autodéfense sédentaires qui sont censés ne pas connaitre les confins du vaste désert, terroir naturel des populations nomades. Cet aspect est déjà un point de divergence au sein du Mnla qui compte en son sein Nomades et Sédentaires, entre le trio Mnla-Hcua-MAA (Mouvement arabe de l’Azawad) et les autres groupes armés.

D’autre part, si les négociations aboutissaient à la création des unités spéciales, avec quels fonds fonctionneraient-ils ? Elles ne pourraient fonctionner que sur le budget national. Permettre cela, c’est intégrer ou réintégrer des rebelles, terroristes et criminels dans les FAS, c’est remettre toute une meute de loups dans la bergerie. Permettre cela, c’est également accepter le retrait de l’armée et confier la sécurité des personnes et des biens à des unités spéciales qui se réclameront de l’armée sans en être véritablement membres et se soumettre à son autorité.

Sous la pression de la communauté internationale, le gouvernement et ces six groupes armés tomberont forcément d’accord. Mais après ? Après il faudrait faire face et gérer la réaction de tous les autres mouvements armés qui sont nés récemment et de tous les autres qui pourraient proliférer bientôt. Notamment le Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia) et le Mouvement populaire pour le salut de l’Azawad (Mpsa, une dissidence du MAA). Ils sont tous armés et revendiquent chacun des centaines de combattants et d’importants équipements et armements. Certains, notamment les Imghad, accepteraient-ils d’être sous la coupe réglée d’unités spéciales composées essentiellement de leurs ennemis séculaires, les Ifoghas ? C’est loin d’être sûr quand on sait que les divergences entre ces deux tribus sont loin d’être aplanies, exacerbées sans cesse par une idéologie féodale de vassalisation chez les Ifoghas et par une inimitié foncière entre Iyad Ag Ghali du clan d’Intalla, amenokal des Ifoghas, et le général Alladji Ag Gamou, fer de lance des Imghad.

De plus, avec un Etat qui ferme les yeux sur la création de forces paramilitaires si elle ne la suscite pas, chaque ethnie ou tribu  voudrait créer son mouvement d’autodéfense, et aura des raisons pour se justifier.

Désarmement, Cantonnement et Désintégration

D’avril à juin 2012, le Mnla a montré dans les régions sous occupation ses capacités de nuisance envers les populations et de destruction des biens des personnes et des maigres outils de développement socio-économique (pillages, braquages, vols, viols, assassinats, exécutions sommaires, etc.), exactions auxquelles ce sont bizarrement opposés leurs ex-alliés du Mujao qui y ont mis fin. Les sédentaires ont là une raison de se prémunir pour défendre leurs champs qui servent de pâturages aux animaux des nomades. Ils seront encore appuyés par les cellules et réseaux du Mujao, toujours présents dans le nord, notamment dans certains villages ou ils sont protégés par la population. Longtemps exploités et tenus en esclavage, les Bellah qui sont parvenus à se libérer et veulent affranchir leurs frères toujours asservis auront leur mouvement armé. Les peulh et les Dawsak qui ont longtemps subi les razzias de certains bandits armés touareg auront également leur milice pour protéger leurs troupeaux.

Par ailleurs, la communauté touarègue est loin d’être homogène, soumise à une forte stratification qui occasionne très souvent des frictions entre ses différentes composantes. Ces tensions naissent très souvent de l’exploitation des couloirs de transhumance et de nomadisme, chacune de ses tribus va vouloir sa milice pour protéger ses troupeaux et son couloir.

C’est à tous ces aspects sécuritaires qu’il faudrait trouver une solution. Les unités spéciales, qui ne pourraient être composées que de rebelles, jihadistes, terroristes et bandits de tout acabit, ne seraient certainement pas le remède. Au contraire, comme cela se fait depuis plus d’une décennie, la racaille profitera de l’allègement ou de l’absence du dispositif militaire dans le nord pour y faire prospérer ses activités terroristes et criminelles. Les négociations en cours ne doivent aboutir qu’à deux accords : DCD, Désarmement, Cantonnement et Désintégration sans exception de tous les groupes armés non étatiques ; obligation à toutes les parties d’accepter le processus de décentralisation, poussée et améliorée ou pas.

Les Maliens (les vrais et non pas ces apatrides qui prennent des armes contre le peuple et la nation) sont fatigués de la signature d’accord qu’aucune partie ne respecte.

Cheick TANDINA

SOURCE: Le Prétoire  du   4 sept 2014.
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