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La gloire de François Hollande

président République Ibrahim Boubacar Keïta IBK président français François Hollande

On connaît l’assertion célèbre de Clausewitz : «La guerre n’est que le prolongement de la politique par d’autres moyens». Elle en est aussi souvent la conséquence, directe ou indirecte et, en ce sens, la formule paraît aujourd’hui tout à fait appropriée à la situation qui prévaut dans beaucoup de pays africains, victimes de la colonisation, et marqués par une indépendance sous tutelle et une histoire qui n’ont fait qu’exacerber les conflits ethniques, religieux, territoriaux, ainsi que les enjeux de pouvoir. La France, qui fut une des grandes puissances coloniales et reste un des acteurs les plus influents du continent noir,porte notamment une lourde part de responsabilité dans le déclenchement de guerres et de massacres qui ont embrasé certaines régions d’Afrique depuis la décolonisation (le génocide du Rwanda en est un des exemples les plus tragiques). Quoi qu’ait pu en dire un ancien Président, le «drame de l’Afrique» ne se résume pas à l’homme africain.

Et les deux opérations de police menées tout récemment au Mali et en Centrafrique sont aussi les filles naturelles d’un système organisé, la Françafrique, qui a maintenu dans le dénuement les populations locales pour alimenter les comptes en banque de quelques multinationales et formations politiques françaises en s’appuyant sur des potentats locaux corrompus et sans scrupule dont l’empereur Bokassa Ier fut en quelque sorte la figure la plus accomplie. Dans bon nombre de pays d’Afrique, l’accumulation des frustrations, des désillusions, du ressentiment, a fini par déboucher sur les déchirements internes et le chaos, d’autant plus aisément que, sans tradition démocratique, le pouvoir y a toujours été pris et maintenu par les armes. La perspective d’une catastrophe humanitaire et d’ un désordre peu propice aux affaires peut alors conduire l’ancienne puissance tutélaire à intervenir et à endosser le rôle plus gratifiant de libérateur et de pacificateur (en confisquant les armes qu’elle avait au préalable vendues aux combattants) . . . En moins d’un an, selon la communication officielle, deux interventions militaires ont été menées dans l’unique but de sauver et de protéger des civils innocents. . . avec un succès quasiment assuré, du moins sur le court terme, compte tenu de la disproportion des forces en présence . . . Sous les acclamations et les hourras, «Papa Hollande» a connu au Mali son heure de gloire. Loin des frimas et des tracas nationaux, le président de la République goûtait à nouveau les bains de foule et la chaleur populaire. En Centrafrique, les choses semblent un peu plus compliquées : l’intervention, tardive, fait face à une situation dégradée et à des factions bien implantées au sein de la population. Le rôle de la France – qui n’a pas eu, loin s’en faut, un rôle toujours positif dans ce pays ( le vol d’Air France Bangui-Paris n’était-il pas surnommé le «vol des diamants» ? ) – y est fortement contestée.

Car, sous ce vernis humanitaire, les intérêts nationaux demeurent, évidemment. En matière de politique étrangère, il n’existe pas de geste désintéressé. La France, c’est bien connu, n’a pas vocation à soigner et accueillir «toute la misère du monde». A Roissy, les maliens, les centrafricains, et autres africains, continuent à être expulsés tandis qu’à Lampedusa l’Italie se charge, dans le cadre de la politique de Schengen, de retenir les malheureux migrants dans des camps de détention où, selon les dires de Guisi Nicoli, élue verte de cette île, lespratiques sont « dignes d’un camp de concentration ». Une détresse provisoirement soulagée au pays n’augure en rien une politique généreuse.La gloire de François Hollande a un goût frelaté, l’homme n’est ni un héros, ni un bon samaritain. Les opérations de «sauvetage» du Mali et de Centrafrique rentrent plutôtdans le cadre de ces guerres asymétriques inaugurées avec la première guerre du golfe : elles sont avant tout destinées à imposer une certaine conception du monde et à restaurer l’ordre nécessaire à la prospérité des grands groupes installés dans la région et au bon déroulement des multiples business rapporteurs de devises. Mais François Hollande, décidément très doué en matière de synthèse, arrive à concilier l’humanitaire et le militaire. En janvier dernier, il n’a d’ailleurs pas hésité à déclarer, devant les aviateurs susceptibles d’être envoyés au Mali, sur la base militaire d’Abu Dhabi : C’est aussi un élément très important de votre mission : montrer que les matériels français sont les plus performants… Merci pour votre double mission : à la fois opérationnelle et… commerciale “. Il est vrai que la France fait partie du peloton de tête des exportateur d’armes (le 3ème pays exportateur en 2012, avec une progression de 13 % en 4 ans selon le cabinet d’études IHS) et qu’il faut conserver son rang !

En Afrique, les armes, le pétrole, le nucléaire se cachent souvent derrière le paravent des «bonnes actions». Les principales richesses du continent – humaines et minières – s’envolent toujours vers les pays du Nord pour y être valorisées.

Total, Areva, Bolloré et les autres ne sont jamais bien loin . . .

Même si, officiellement, depuis le discours du 12 octobre 2012 devant l’Assemblée nationale sénégalaise, « le temps de la Françafrique est révolu », la politique de l’actuel Président reste marquée du sceau de l’affairisme et prolonge donc malheureusement les conquêtes, les manipulations, les intimidations ainsi que toutes les actions de corruption et de subordination antérieures. Il est bien difficile de croire en un «partenariat entre la France et l’Afrique, avec des relations fondées sur le respect, la clarté et la solidarité».

L’ordre à rétablir profite certes aux populations civiles mais demeure au service des puissances dominantes.

Il arrive aussi que des forces de l’ordre tombent au combat, au contact des terroristes ou des rebelles. Le Président se rend sur les lieux, prononce des paroles solennelles, honore des soldats qui «sont allés jusqu’au bout de leur devoir au service de la paix», évoque «l’honneur de la France». . . Des médailles sont accrochées sur des boîtes recouvertes du drapeau.

Et ces hommages laissent une impression mitigée, désagréable. Devant micros et caméras, «l’honneur de la France» est facilement usurpé ; il sert aussi à restaurer, par ces temps d’étiage de popularité, l’image et la grandeur du Chef de l’Etat qui décide seul, souverainement, de l’engagement de la nation et de ses soldats. Sous la Vème République, le moyen-âge institutionnel côtoie la modernité et la puissance phénoménale de l’armement.

En de telles occasions, le Président fait l’étalage morbide de sa puissance. Sur ces territoires de guerre, en situation de conflit, l’homme de pouvoir peut rassembler tous ses attributs : les forces armées au garde à vous, la force de frappe, la garde rapprochée, la valise en kevlar, . . . tous les symboles de son autorité et de sa force.

Mais cette puissance ne peut apparemment s’exercer et s’arborer que dans des circonstances et des lieux particuliers, dans des pré-carrés dévastés, sur des terrains lointains. Sur le territoire national, le roi est désespérément nu, soumis à la finance qui lui dicte sa politique. L’ennemi désigné, vilipendé, pointé du doigt pendant la campagne électorale, apparaît décidément invincible ; la force et la gloire du Président sont réservées à certains pays d’ Afrique.

 

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