Le président soudanais Omar el-Béchir est rentré lundi 15 juin du sommet de l’Union africaine à Johannesburg sans être inquiété. Pourtant, le chef de l’Etat est recherché pour génocide par la Cour pénale internationale (CPI). Et lors de son séjour en Afrique du Sud, une décision de la justice sud-africaine lui avait même interdit de quitter le pays. Mais Omar el-Béchir est passé outre cette interdiction et a pu décoller pour rentrer au Soudan.
Dès le 28 mai, la CPI avait demandé à l’Afrique du Sud, en tant que membre de la Cour, de procéder à l’arrestation d’Omar el-Béchir s’il venait au sommet de l’UA. Pourtant, l’Afrique du Sud est passée outre ses obligations à l’égard de la Cour pénale internationale.
Au bureau du procureur de la CPI, on ne cache pas sa déception même si on refuse l’idée d’un camouflet : « C’est évidemment décevant, il y a un mandat d’arrêt. Omar el-Béchir doit être poursuivi devant la Cour pénale internationale pour des crimes très graves : crimes contre l’humanité, crimes de guerre, crimes de génocide. Evidemment il y a une déception qu’il ait pu partir, qu’il ait pu quitter le territoire d’un Etat partie qui a une obligation vis-à-vis du statut de Rome, une obligation claire et non ambiguë, estime Pascal Turlan, membre de l’équipe du bureau du procureur de la CPI. Maintenant, cela rappelle malgré tout qu’il n’y a pas une impunité totale que des personnes comme Omar el-Béchir qui doivent rendre des comptes devant la justice ne peuvent pas malgré tout se déplacer comme ils le veulent et rester aussi longtemps qu’ils le veulent sur n’importe quel territoire au nez et à la barbe de la justice ».
Pour certains observateurs, ce départ est une nouvelle remise en cause de la CPI dont l’autorité n’a pas été respectée, ce que conteste tout de même Pascal Turlan : « Ce que ça démontre, c’est que des personnes veulent se défausser de leurs responsabilités vis-à-vis des victimes, vis-à-vis de leurs populations. Et ça démontre aussi que ces personnes sont obligées de se protéger pour ne pas rendre des comptes devant la justice. Evidemment, c’est décevant, il faut faire plus. Et nous espérons que nous aboutirons à l’arrestation un jour ou l’autre de ces personnes ».
L’Afrique du Sud est passée outre ses obligations à l’égard de la Cour pénale internationale. Au point que Simon Foreman, le président de la Coalition française pour la CPI, s’interroge sur l’état d’esprit des autorités sud-africaines : « Je ne sais pas si l’Afrique du Sud a la volonté de défier la Cour pénale internationale. En tout cas, elle n’a pas la volonté de jouer le jeu. Elle est tenue en tant qu’Etat qui a ratifié le statut de la Cour normalement d’exécuter les mandats d’arrêt émis par la cour, de coopérer avec la Cour lorsque celle-ci le demande. C’est une obligation juridique que l’Afrique du Sud a ignorée. Elle lui a tourné le dos pour des raisons politiques parce qu’en tant qu’Etat hôte du sommet de l’Union africaine, elle a fait ce choix politique ».
Source: RFI