Depuis plusieurs mois, les relations entre la France et de nombreux pays africains connaissent un bouleversement sans précédent. Après les ruptures avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger, le Tchad et le Sénégal ont, à leur tour, décidé de se distancer de l’ancienne puissance coloniale. Ces décisions marquent une nouvelle étape dans la quête de souveraineté des États africains et interrogent sur l’avenir des relations entre Paris et ses anciens partenaires du continent.
La fin de l’accord de défense entre la France et le Tchad
Bamada.net-Dans une annonce officielle faite dans la nuit du 28 au 29 novembre, les autorités tchadiennes ont déclaré la fin de l’accord de coopération en matière de défense signé avec la France en 1966. Cette décision s’accompagne également de la rupture d’un accord de 2019 visant à renforcer la coopération sécuritaire et militaire entre les deux pays. Selon la Confédération des États du Sahel (AES), composée du Burkina Faso, du Mali et du Niger, cette initiative reflète une volonté claire du Tchad de “reprendre en main sa souveraineté et de redéfinir ses partenariats stratégiques”.
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Le Tchad, cependant, n’exclut pas un dialogue futur avec Paris, affirmant son intention d’explorer de nouvelles formes de partenariat. Cette ouverture diplomatique contraste avec la fermeté de la décision, révélant une volonté de maintenir des relations équilibrées sans dépendance excessive.
Le Sénégal demande la fermeture des bases militaires françaises
Quelques heures avant l’annonce tchadienne, le Sénégal a également surpris l’opinion internationale en exigeant la fermeture des bases militaires françaises sur son territoire. Cette décision, portée par le président sénégalais, illustre une dynamique similaire : une remise en question de l’omniprésence militaire française en Afrique de l’Ouest. Ce désaveu constitue un double coup dur pour Paris, déjà affaibli par les ruptures successives avec d’autres partenaires africains.
Une perte d’influence accélérée
La France, autrefois acteur incontournable en Afrique, voit son influence s’effriter rapidement. Outre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, qui ont récemment réaffirmé leur indépendance face à Paris, les départs du Tchad et du Sénégal réduisent encore davantage sa présence militaire. À ce jour, la France conserve des bases en Côte d’Ivoire, au Gabon et à Djibouti, mais leur pérennité reste incertaine.
Cette situation résulte de plusieurs facteurs :
- Un ressentiment post-colonial persistant : De nombreux pays africains critiquent la politique française jugée paternaliste et interventionniste.
- La montée en puissance de nouveaux acteurs : La Russie, la Chine et la Turquie intensifient leur présence économique et diplomatique sur le continent, proposant des partenariats alternatifs.
- Des décisions unilatérales contestées : Les opérations militaires françaises, comme Barkhane et Serval, ont souvent été perçues comme inefficaces et non concertées avec les populations locales.
Une réponse française hésitante
Face à ces bouleversements, la France semble déstabilisée. À Paris, les autorités n’ont pas encore officiellement réagi aux annonces du Tchad et du Sénégal. Le président Emmanuel Macron, tout en multipliant les gestes symboliques de reconnaissance historique, comme la repentance sur le massacre des tirailleurs sénégalais en 1944, peine à convaincre les dirigeants africains de sa sincérité. Pendant ce temps, la diplomatie française s’efforce de maintenir des relations cordiales avec les rares partenaires restants.
Florian Philippot, président du parti Les Patriotes, a vivement critiqué la gestion de cette crise sur le réseau social X, qualifiant les actions du gouvernement de “tir à bout portant dans le pied”. Ces commentaires traduisent un malaise croissant au sein de la classe politique française.
Vers une redéfinition des relations entre la France et l’Afrique
Les ruptures successives avec les pays africains ne se limitent pas au domaine militaire. Elles reflètent un rejet plus profond d’un modèle de coopération jugé déséquilibré. Pour la France, ce contexte impose une remise en question fondamentale de sa politique africaine. Les discours de repentance, bien que salués par certains, ne suffisent pas à restaurer une confiance érodée par des décennies de relations inégalitaires.
De leur côté, les États africains, portés par une jeunesse dynamique et un désir d’indépendance accrue, cherchent à diversifier leurs partenariats. L’émergence de la Confédération des États du Sahel (AES) illustre cette volonté de créer des alliances régionales fortes, libérées de l’influence occidentale.
Une question cruciale : quel avenir pour la France en Afrique ?
Alors que la présence française sur le continent se réduit, une question demeure : Paris peut-elle encore jouer un rôle significatif en Afrique ? La réponse dépendra de sa capacité à transformer sa stratégie, en adoptant une approche respectueuse des aspirations des nations africaines. Les récents développements au Tchad et au Sénégal, bien qu’inquiétants pour la diplomatie française, offrent également une opportunité de repartir sur de nouvelles bases.
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Pour l’instant, l’avenir de la France en Afrique reste incertain. Une chose est cependant sûre : l’ère des relations inégales et paternalistes touche à sa fin, laissant place à une ère où souveraineté et partenariats équilibrés devront primer. La balle est désormais dans le camp de Paris pour redéfinir sa place dans un continent en pleine mutation.
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Ladji Djiga Sidibé
Source: Bamada.net