En dépit de l’intervention militaire française au Mali en 2013, la situation sécuritaire se dégrade de jour en jour malgré les gigantesques moyens déployés sur le terrain par la France. Baba Dakono, chercheur à l’institut de recherche stratégique (IRS) de Dakar explique les raisons.
Mali-Tribune : Quelles sont les raisons qui ont poussé la France à intervenir au Mali en janvier 2013 ?
Baba Dakono : Les raisons sont multiples. La raison officielle qui est mise en avant c’est que le Mali entretient une relation amicale avec la France, qu’il était important pour la France d’assister le Mali au moment où une colonne armée de groupes qualifiés de terroristes descendait vers le sud du pays après avoir occupé pendant plus de 9 mois plus d’un tiers du territoire national.
Donc officiellement, cette intervention était motivée, selon les autorités françaises par cette relation amicale qu’elle entretenait avec le Mali. Par le fait que si le Mali tombait entre les mains des groupes armés terroristes, cela peu fortement déstabiliser l’Europe y compris la France. Le Mali serait en ce moment, une base arrière pour les terroristes pour se projeter et mener des attaques contre les intérêts français, sur le sol français ou plus largement en Europe.
Mais au-delà de la raison officielle, l’intervention militaire française au Mali d’abord, puis dans le sahel, repose également sur la défense des intérêts économiques parce qu’aujourd’hui, la déstabilisation du sahel va entrainer une déstabilisation des gestions économiques. Par exemple on sait que le groupe Areva est présent au Niger. Une déstabilisation de la région serait préjudiciable à Areva. Il y a aussi le fait que tout autour de la région du sahel à l’exemple de la Coté d’Ivoire, du Sénégal, ce sont des multinationales françaises qui opèrent. Donc, une déstabilisation du sahel aura des répercussions sur ces pays dans lesquels la France a beaucoup investi.
Mali-Tribune : 7 ans après, la situation va de mal en pis. Qu’est-ce qui l’explique ?
BD. : De nombreux facteurs expliquent la situation, le facteur le moins important est que le tout sécuritaire a prévalu jusque-là. On a focalisé l’attention sur l’intervention militaire alors qu’on sait que les problèmes sont de nature très complexes et on a vu progressivement entre 2013-2015 jusqu’en 2019, une certaine forme d’encrage locale des groupes terroristes. L’encrage local de cette menace rend beaucoup plus difficile le succès militaire.
Donc, pour expliquer un peu le fait que plusieurs années après l’intervention militaire française au Mali, on a l’impression que la situation s’est plus dégradée, qu’elle ne s’améliore.
Mali-Tribune : Pourquoi la France a passé de l’opération Serval à Barkhane ?
B D : C’est une question d’objectif militaire. L’intervention Serval a été pensée pour stopper la descente dans un premier temps de la colonne armée vers le sud du pays après plusieurs mois d’occupation du nord, et ensuite essayer de repousser cette menace terroriste et plus tard on a vu qu’il y avait une certaine forme de régionalisation de cette menace qu’il fallait prendre en compte. Il fallait une mutation de l’opération Serval à une opération avec un caractère plus régional.
L’opération serval étant concentrée sur le Mali. Barkhane est envisagée dans un cadre régional qui s’étend de la Mauritanie au Tchad.
Ousmane M. Traore
(Stagiaire)
Mali Tribune