AttentatLe seul pays du Printemps arabe à avoir réussi sa transition démocratique se savait menacé. L’attaque a fait au moins 22 morts.
Depuis la révolution, la Tunisie n’a pas été épargnée par la violence: 70 membres des forces de sécurité ont été tués dans des affrontements avec des groupes armés, la plupart du temps dans des zones proches de la frontière. En plein Tunis, l’assassinat de deux hommes politiques en 2013, Chokri Belaid, en février, et Mohamed Brahmi, en juillet, avait aussi endeuillé la transition tunisienne.
C’est pourtant la première fois qu’une attaque meurtrière vise, avec succès, des touristes. En octobre 2013 toutefois, un kamikaze avait tenté de se faire exploser sur la plage de Sousse à proximité d’un grand hôtel; au même moment, une attaque qui visait le mausolée de Habib Bourguiba à Monastir avait été déjouée.
Sur le plan politique, le pays pionnier du Printemps arabe fait figure d’exemple en regard de la situation en Libye voisine ou en Egypte, en proie au chaos ou à la reprise en main. En 2014, une Constitution a été adoptée, un texte avec des avancées progressistes notables. Le processus fut long mais a donné une base solide à l’après-révolution et à la poursuite de la vie démocratique.
Les dernières élections, à la fin de 2014, ont porté au pouvoir le parti Nidaa Tounès, devant les islamistes d’Ennahdha qui avaient dirigé le pays de 2011 à 2014 à la tête d’une coalition de trois partis. Les négociations entre formations avaient abouti à un gouvernement largement représentatif, où collaborent les adversaires d’hier. On recommençait, un peu vite, à parler croissance et investissements…
Besoin de débat
La loi antiterroriste qui n’avait pas pu être adoptée par la précédente législature est en réexamen. Ce contexte très tendu risque de polariser un débat extrêmement sensible.
Dans les minutes suivant l’attaque, une députée du parti au pouvoir tweetait: «Qu’on ne parle plus de droits de l’homme avec ce genre d’individus, aucune indulgence. La loi doit être votée en toute urgence.» Pour Selim Kharrat, analyste politique, «le risque est qu’il n’y ait plus de place pour la raison. Or nous avons besoin d’un débat apaisé pour abroger cette loi qui date de Ben Ali et contient des dispositions liberticides. On peut veiller à la sécurité en respectant le droit. Mais j’ai peur que cette posture ne soit pas audible en ce moment, vu l’émotion.»
Dans la soirée, des centaines de personnes ont défilé sur l’avenue Bourguiba, pour montrer qu’elles se tiennent debout et veulent aller de l’avant.
Plus tôt dans l’après-midi, le premier ministre, Habib Essid, appelait aussi le pays à faire front. (24 heures)
Source: 24heures.ch