Selon un rapport du Fonds monétaire international, les 500 millions d’habitants des pays d’Afrique – subsaharienne peu dotés en matières premières ont bénéficié cette année d’une croissance de leurs revenus supérieur à la moyenne mondiale. Pour les autres habitants, au nombre de 700 millions, les perspectives sont moins positives.
Bien mais peut mieux faire. La croissance économique des 45 pays d’Afrique subsaharienne devrait se maintenir à 3,2% en moyenne en 2019, comme en 2018, et progresser à 3,6% en 2020, selon le rapport régional annuel du Fonds monétaire international (FMI) présenté ce mercredi à Paris. Un résultat toutefois inférieur de 0,3 % à ce qui était prévu il y a six mois pour les deux tiers des pays de la zone.
« Le résultat est plutôt positif dans un contexte compliqué par les menaces djihadistes, les incertitudes économiques en Afrique du sud, les conséquences des tensions sino-américaines, ou la chute des cours de matières premières », estime Papa N’Diaye, chef de division du département Afrique au FMI. Un contexte qui n’as pas empêché les pays africains peu dotés en matière première de bénéficier grâce à leur industrie légère d’une croissance de 6 % en moyenne cette année. Ces vingt-quatre pays, dont la Côte d’Ivoire, le Sénégal, l’Ethiopie et le Ghana, regroupent 500 millions d’habitants dont le revenu par tête aura augmenté plus rapidement que la moyenne mondiale.
Peu de marges de manoeuvre
A l’inverse, vingt-et-un pays exportateurs de matières premières, regroupant 700 millions de personnes, notamment le Nigéria, l’Afrique du sud , l’Angola, devraient enregistrer une croissance de 2,5 % seulement en moyenne. Le revenu par tête y aura moins augmenté que la moyenne mondiale.
Dans l’ensemble de la région « cette croissance demeure toutefois insuffisante », compte tenu de la dynamique démographique, souligne Rima Le Coguic, directrice Afrique à l’Agence française de développement, qui a présenté un rapport de synthèse sur l’économie africaine. Les projections établissent que le marché du travail de la zone devra absorber chaque année 20 millions de nouveaux entrants, alors que n’y sont créés que 10 millions de postes par an depuis le début du siècle. Papa N’Diaye souligne que, pour doper leur croissance, les pays d’Afrique subsaharienne disposent de peu de marges de manoeuvre budgétaire, en raison du poids de leur dette, ou monétaire, pour cause de tensions inflationnistes.
Libérer les entreprises
La seule issue est donc d’améliorer le climat des affaires en facilitant l’accès au crédit des entreprises privées, qui sont appelées à prendre le relais des grands chantiers publics, ou en baissant les obstacles réglementaires et douaniers. Le FMI recommande de rationaliser les subventions publiques inefficaces et d’ouvrir les marchés à la concurrence (les marges brutes des entreprises dans les deux tiers des pays de l’Afrique subsaharienne sont supérieures de 11% à celles observées dans les autres pays émergents). Le lancement, en avril dernier, d’une zone de libre échange continentale (ETA) sera positive à moyen terme, estime l’économiste du FMI, mais elle mettra des années à produire ses effets.
Le risque djihadiste
Le rapport du FMI met en avant les aléas climatiques, sanitaires et surtout sécuritaires pesant sur la région. Le Mali, le Niger et le Burkina Faso doivent consacrer 4 % de leur PIB, soit le cinquième de leurs recettes fiscales, à leur armée. Cette dernière semble toutefois incapable de faire face, au Mali, faute de moyens et d’entraînement ; 49 soldats y ont été tués vendredi dans un camp militaire de la ville d’Indelimane à la suite d’une attaque surprise du groupe djihadiste EIGS. Un soldat français de l’opération Barkhane, déployée au Sahel depuis 2014, forte de 4.500 hommes, a été tué le lendemain par l’explosion d’une bombe artisanale. EIGS sévit depuis 2015 dans la zone dite des trois frontières, entre Mali, Burkina et Niger, l’une des plus dangereuses du monde.
Yves Bourdillon
Source: lesechos