Les populations ont rapporté de nombreuses attaques et invité les autorités à prendre les mesures qui s’imposent
Avec son regard triste et doux, Mohamed Ag Aguissa est natif de Gourma Rharous, la dernière étape en 6è Région de la caravane « Azalaï Kayes-Kidal » pour la paix et la réconciliation. Vêtu d’un maillot qui épouse son physique de sportif, il faisait partie du groupe de jeunes venus accueillir les caravaniers débarquant du bateau Firhoun Ag El Ansar. Le parrain de la caravane, Modibo Sidibé, et ses compagnons sont arrivés sous les vivats des enfants qui scandaient : « Vive la paix ! Nous voulons la paix ! », et sous le regard admiratif du maire Ablaye Touré et du préfet, Abdoulaye Goïta.
Qu’est-ce que la paix ? « On dépose les armes. Et on se donne les mains », a répondu sans hésiter le jeune Mohamed Ag Aguissa, élève en classe de 6è. Pourquoi ? « La guerre n’est pas bien. Nos parents, amis et frères sont partis au Burkina, à Bamako. On ne mangeait pas beaucoup », a développé l’adolescent.
Comme la plupart des habitants de Gourma Rharous, le jeune Mohamed Ag Aguissa semble conscient de l’importance de la paix et de la réconciliation. Un état d’esprit qui a facilité le travail de la caravane qui a sillonné, du jeudi 22 au mardi 27 octobre, les villes de Niafunké, Tonka, Diré, Rharous et Tombouctou, pour porter le message de la paix. Guidée et encadrée par le parrain Modibo Sidibé qui était appuyé des conférenciers – Ibrahim Sianga Maïga, conseiller technique au ministère de la Réconciliation nationale et Maïmouna Yattara de l’Association des femmes pour les initiatives de paix (AFIP) -, la caravane a été accueillie par les autorités politiques, administratives, militaires locales et une foule manifestement acquise à la cause de la paix.
Les organisateurs de la caravane ont communiqué par l’entremise de conférences débats et de manifestations culturelles et artistiques dans les chefs-lieux de cercle. Le président de la société civile de Rharous, Younous Maïga, a souhaité que les caravaniers descendent jusque dans les villages.
Partout, pour ouvrir les débats, les conférenciers décortiquaient les perspectives de mise en œuvre de l’accord, ses avancées et acquis notables ; la dynamique des femmes et des jeunes dans son application. Ils insistaient surtout sur le redéploiement de l’armée sur toute l’étendue du territoire, la reforme du système de gouvernance, le caractère imprescriptible de certains crimes commis et le rôle de la justice transitionnelle.
DESARROI. A Tombouctou, la conférence et la manifestation culturelle qui se sont tenues au Centre Ahmed Baba, ont drainé peu de monde. « La communication n’a pas passé », s’est-on justifié du coté de l’organisation. Dans la Cité des 333 saints, les habitants estiment que la réconciliation doit être suivie d’actions concrètes et de respect des engagements. « La route Tombouctou-Goundam est impraticable à cause du banditisme et du brigandage », ont déploré nombre d’entre eux. A l’instar de ce maroquinier qui ne cache pas son exaspération. « Nous avons été agressés. Nous avons pardonné. Mais ils nous empêchent de vaquer à nos occupations en toute quiétude », a-t-il lancé en faisant allusion aux bandits qui écument la route Tombouctou-Goundam.
A Diré, caravaniers et populations se sont retrouvés au Conseil de cercle pour la conférence. Le secrétaire général de la section locale de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM), Sidi Touré, a confirmé l’adhésion de la population à l’accord de paix tout en réclamant la réparation des préjudices. « Nombre de nos camarades ont perdu des biens. Ils exigent réparation des dégâts matériels », a-t-il précisé.
Le directeur de l’Institut de formation des maitres (IFM) de Diré, Issa Bocar Haïdara, a signalé le manque d’enseignants dans les écoles car nombre de ses collègues ont quitté leurs postes à cause de l’insécurité. « Cette situation est une menace pour l’unité nationale et la diversité culturelle », a-t-il soutenu en souhaitant le retour rapide des enseignants.
Durant l’escale de Tonka, les caravaniers ont délivré leur message de paix à une population fortement mobilisée. En présence des notabilités et des autorités locales, le maire Mamadou Konipo a assuré que le vivre ensemble dans la diversité est une réalité dans sa commune. « C’est nous qui avons été victimes de violences. Nous avons pardonné », a soutenu l’édile suscitant une longue ovation des participants.
A Niafunké aussi, la caravane a pu goûter la même atmosphère d’entente cordiale entre les différentes communautés. Abdoulaye Traoré, un enseignant de 53 ans, avait adhéré au MNLA et participé aux violences contre la population. Aujourd’hui, il se présente comme le symbole vivant du vivre ensemble dans le cercle. L’éleveur de bétail Demba Almamy Diallo est, lui, venu exposer son désarroi lors de la conférence. Ses animaux ont été enlevés par des bandits armés quelques jours avant la fête de la Tabaski à Takiti Wango, à environ 25 km de Niafunké. L’homme assure avoir perdu une centaine de têtes. A sa désolation s’ajoute l’accablement des femmes. « Nous sommes fatiguées de voir nos enfants mourir ou enlevés par des inconnus », a déploré la présidente de la CAFO, Mme Ascofaré Kadidia Touré, en recommandant plus d’implication des femmes dans le processus de paix.
Les émissaires du ministère de la Réconciliation nationale se sont efforcés de rassurer les populations accablées par l’insécurité. Ibrahim Sianga Maïga a expliqué que le cantonnement et le désarmement réduiront l’insécurité et le banditisme. Quant aux cas de violences, ils seront recensés par la Commission vérité, justice et réconciliation, a-t-il assuré, invitant les uns et les autres à la patience. « La paix est une construction volontaire et progressive », répétait sans cesse le parrain Modibo Sidibé.
Les caravaniers ont exhorté les populations refugiées ou déplacées à regagner leurs villages. « Si tous les réfugiés revenaient, il serait très facile de distinguer le citoyen normal du bandit armé qui se dit éleveur », a argumenté Ahamata Illet El Ansary, le représentant de la Plateforme des chefs traditionnels et coutumiers touareg du Mali.
Envoyés spéciaux
C. M. TRAORE
A. SISSOKO
source : Essor