Héritiers de Kurukanfuga, nos ancêtres nous ont appris que l’on ne bâtit rien de solide avec le service exclusif du fer, de l’arc et du sang. Que pour tenir dans la durée, les ensembles humains ont besoin de compromis, de consensus, d’entente après l’épreuve des joutes épiques. Ils nous ont appris qu’il ne faut ni agresser inutilement ni offenser arrogamment mais sous les Tropiques, il est aussi connu que l’on n’offre pas la seconde joue pour que l’agresseur y dessine des figurines. C’est pourquoi, Enfants de la Paix, nous avons toujours voulu, préféré, désiré et aimé ardemment que le sang ne coule pas sur notre terre de brassages et de symbiose ethnique.
Le Mali, ce laboratoire connu de la Synthèse des différences où le Vivre ensemble a trouvé son Emblème dans le Sinangouya (plaisanterie entre ethnies cousines). Dans la Maison-Mali, nous avons toujours voulu que le fils du touareg et la fille du bambara prennent ensemble le thé sous une tente portant le VERT-JAUNE-ROUGE et qu’ensemble nous nous attelions aux défis majeurs pour tirer notre communauté nationale vers le haut. Nous savons que la guerre détruit, démolit et tue. Nous savons que les enfants décident très souvent de venger les pères tués. Et pourtant, depuis 1958, le ver séparatiste est dans le fruit malien quand des notables touaregs réunis à Tombouctou ont écrit au général De Gaule : « Nous ne voulons pas être gouvernés par des Noirs ». L’hydre se réveilla en 1963 et Modibo Keita, père de l’indépendance du pays, de la trame des dirigeants visionnaires, informé qu’il était des subtilités coloniales et l’hypothèque néocoloniale œuvra pour empêcher l’érection de l’Etat consanguin (Etat touareg justement tel que demandé par les rédacteurs de la lettre). L’hydre séparatiste affronta Moussa Traoré en 1990 qui, face à un Mitterrand vengeur et rancunier, a compris qu’il ne peut faire face à deux fronts hostiles, la rébellion au Nord, le sursaut démocratique au Sud. La guerre pèse surtout sur les Etats démonétisés. Ainsi pondus les accords de Tamanrasset signés le 6 janvier 1991, deux mois avant la chute de Moussa.
Le rêve séparatiste touareg et ses canaux apologistes français devaient encore affronter Alpha puis ATT jusqu’aux honteux accords d’Alger contre lesquels l’auteur de ces lignes marcha avec d’autres jeunes à Paris avec une Lettre donnée à l’Ambassadeur de l’époque pour ATT, avertissant que l’Etat devait faire attention aux actes qu’il pose. Le présent engage le futur et le régalien a de la mémoire. Et nous voilà en 2012 dans le domino géostratégique et tectonique de la crise libyenne. La même France qui déversa des armes sur la Tripolitaine aux odeurs pétrolières et gazières fit un compromis avec les remparts touareg et toubou du guide pour faciliter la victoire finale de Sarkozy. Les nôtres ramassèrent des armes pour regagner le septentrion volcanique, venant s’ajouter à une AQMI implantée, riche des dollars des otages. Alain Juppé vint jusqu’à Bamako exiger qu’il faille négocier sans faire la guerre à ceux qui s’attaquèrent les premiers à l’Etat malien dont Max Weber s’était fait conseiller avec l’anachronisme de l’Histoire. C’est qu’à Paris, le MNLA a toujours trouvé des alliés institutionnels. Ce qui lui manque en force militaire, le mouvement le gagne en habilité diplomatique et en maestria communicationnelle. N’eut été le surgissement des hordes djihadistes, ces pandores qui ont fini par dévorer celui-là même qui a ouvert la boîte (le MNLA), le cheval de Troie s’étant fait piéger, le Mali serait aujourd’hui deux Etats mais la talibanisation a eu ses effets pervers et bénéfiques, suscitant des vagues d’indignation face à la foire des lapidations. Ce pays si empêtré par ses divisions politiciennes et militaires au Sud (après le coup d’Etat du 22 mars 2012) quand le Nord lui échappait a eu une sorte de baraka, l’Histoire aimant surprendre ceux qui croient l’avoir domptée. La France devait changer de tactique et s’atteler dans la guerre contre les fous de Satan, de Dieu, c’est selon. Serval vit le jour suite à l’avancée osée d’Iyad Ag Gali et ses alliés djihadistes vers Mopti. Nous sommes en 2013. Serval se fait altier et héros au Nord du Mali. Absents du terrain, les indépendantistes touaregs entendent exploiter l’opportunité stratégique de Serval pour se tailler un territoire.
Les rêves ancrés ont la vie dure. Et revoilà le soldat MNLA sauvé après les hôtels luxueux du beau Blaise à Ouagadougou. Il fallait se réintroduire militairement sur le terrain depuis que le MUJOA avait chassé le MNLA à Gao. Le mouvement qui s’était hier marié aux djihadistes avant de se « blanchir » pour ne pas être comptable des crimes d’Aguelhok où une centaine de militaires maliens prisonniers furent égorgés ou avec une balle dans la tête (janvier 2012), a, grâce à Serval, cet animal controversé, réussi son retour à Kidal. Et depuis, le mouvement ne tient Kidal que parce que Paris le couve.
Face à l’accélération de l’Histoire (les Etats-Unis viennent de condamner les exactions contre les noirs à Kidal), le MNLA est acculé. D’où la dernière imposture pour arracher une sorte de cessez-le-feu à Ouagadougou. L’Etat malien doit éluder ce piège tactique. La France même a compris que l’opinion malienne exige le respect de la souveraineté et de la DIGNITE des Maliens quand le groupuscule MNLA est loin de représenter les Touaregs à plus forte raison les populations du Nord du Mali (majoritairement noires et résolument attachées à leur patrie, le Mali). Faut-il préciser que même l’officier de l’armée malienne qui fait aujourd’hui trembler le MNLA est lui-même un touareg : Gamou, fin connaisseur des sables, félin rusé, terreur de terrain et ayant juré de donner son sang au Mali, sa patrie indivisible. Et voilà ce Mali beau et complexe : terre de diversités, de partage. La majorité des Touaregs l’ont compris et ont pris leurs distances avec les héros de la martyrologie propagandiste et de la victimologie mensongère.
Nous sommes des enfants de la Paix car nous savons les fleuves de sang plus nombreux que les fleuves naturels en ce bas Monde d’atrocités où partout la bête appelle contre l’Humain mais comment laisser une minorité criminelle qui a fait déguerpir 400 000 Maliens du Nord après des viols, continuer à braver la République, à donner une image de fantasmes et d’imposture au Mali. Le Mali réel n’est pas le Mali présenté par le groupuscule mafieux et autovictimologisant. L’Armée malienne doit impérativement entrer à Kidal. Entrée forcée ou négociée, nous acceptons, au nom de la Paix, l’alternative mais son entrée avant celle de l’administration publique n’est pas négociable. L’Etat malien a compris les attentes des Maliens. La France semble comprendre de plus en plus. À défaut, le divorce est préférable aux humiliations du mariage forcé. Vive le Mali UN et INDIVISIBLE dans une Afrique Unie et Solidaire !
Yaya TRAORE
Politologue, Communicant, Consultant
Directeur OXYGENIE S.S.E.E.C.C.O.