Si la ville emblématique du Nord Mali est une nouvelle fois le théâtre d’exactions sur les différentes communautés présentes, une observation fine et dénuée de tout préjugé offre la possibilité d’un regard plus juste. Révélant qu’à l’instar de la crise survenue il y a tout juste un an à Kidal, celle qui se déroule sous nos yeux tient plus au final de la lutte de pouvoir que de la rivalité ethnique.
Il y a de cela douze mois, la ville de Kidal s’embrasait une fois encore. Cette ville, vue par tous comme le symbole de toutes les rebellions touaregs survenues depuis 1962, est pourtant un lieu où différentes communautés, touaregs ou non, cohabitent de longue date.
Ainsi sur place évoluent au quotidien Ifoghas et Idnans représentés par la CMA qui sont les acteurs majoritaires des luttes d’indépendance survenues par le passé. Egalement les Imghads et les Songhais, qui pour leur part apparaissent comme étant plus proches du gouvernement malien, regroupés sous les couleurs de la Plateforme.
Cependant, les choses ne sauraient être aussi simples. La ville de Kidal était jusqu’au mois d’août passé occupée dans le cadre d’une entente fragile par des représentants et des combattants de la CMA et du GATIA. Hors après d’âpres combats le GATIA fut contraint de quitter la ville. Laissant celle-ci aux mains de la CMA qui de fait devenait seule responsable de la sécurité de ses habitants … lesquels s’avèrent pourtant être très majoritairement Imghads et Songhais, autrement dit plutôt proches du GATIA.
De fait, Alghabass Ag Intallah qui est l’homme fort de la CMA et tout particulièrement du HCUA a bien compris la difficulté d’assoir l’autorité de sa fraction minoritaire. Pour ce faire, celui-ci a su mettre à profit son alliance séculaire avec le chef du Nosrat al-islam, le tristement célèbre Iyad Ag Ghaly. Jouant sur la duplicité, Alghabass Ag Intallah a ainsi réussi à garder la mainmise sur la ville. Alternant les discours positifs et les fausses promesses à l’intention du pouvoir politique avec les menaces et les actions terroristes visant ceux qui menaceraient sa suprématie.
Justement la perspective de retour des fonctions régaliennes à Kidal menace gravement la liberté d’action de la CMA et de ses alliés terroristes. La trop proche mise en place du MOC signerait également le retour du GATIA, et il s’agit là d’une chose qui nuirait gravement aux intérêts de la CMA.
Sachant tout cela, il devient plus aisé de percevoir les réels enjeux qui ont provoqué la dégradation de la situation sécuritaire de Kidal et ses abords. Sous couvert d’une lutte ethnique, il ne s’agit en fait que d’une lutte de pouvoir.
Cherchant à préserver ses sources de profits et son autorité, Alghabass Ag Intallah semble prêt à tout pour arriver à ses fins. Les communautés de Kidal ne sont pas pour part ses alliés et pour part ses adversaires : elles sont toutes ses otages.
Ismaïla DIARRA
La rédaction