«Tout ce qui n’est pas interdit est légal, mais tout ce qui est légal n’est pas bon à faire». Karim Keita doit se méfier des langues mielleuses de Bamako. Il se trouve sur une pente glissante et sa place n’est pas à l’Assemblée nationale.
Rien ne peut ni légalement ni légitimement s’opposer à ce que vous briguiez les suffrages des maliens pour devenir un membre honorable de notre auguste assemblée si ces derniers vous accordent leur confiance après validation de votre candidature par la cour constitutionnelle.
Seulement, votre état de fils du Président de la République nouvellement élu, IBK, sur qui le peuple fonde de réels espoirs pour la restauration des valeurs de la République et de la société, rend votre candidature à la députation négativement chargée.
Cette candidature est inopportune et gênante, car elle risque d’être validée par l’auguste cour simplement parce que vous êtes «fils du Président» et votre élection acquise parce que les populations vous considèrent comme «fils du Président».
Cette candidature est regrettable en ce qu’elle ne contribue pas au changement qualitatif des comportements prônés par votre Président de père au niveau de toutes les sphères de la société, y compris et surtout à l’Assemblée nationale où les lois sont votées au nom et pour le compte des populations du Mali. Votre présence à l’hémicycle risque de fausser les débats en ce qu’elle est susceptible de limiter la liberté et l’indépendance de certains élus du peuple qui seraient tentés (ce n’est pas exclu), à tort ou à raison, de vous considèrer comme l’œil et l’oreille du Président de la République (et non du peuple) dont ils sont sensés (vous aussi) contrôler la gouvernance, voter ou rejeter les propositions ou projets de loi à eux soumis.
Cette candidature est inélégante du point de vue de l’équilibre des institutions, car, une fois élu, vous devenez membre du pouvoir législatif. Vous devez donc, à ce titre, contrôler le pouvoir exécutif incarné par le Président de la République qui en est le chef suprême. Du point de vue de l’éthique, il serait incompréhensible que vous vous dirigiez directement à Koulouba pour dormir « chez le Président » ou manger avec lui, au sortir d’une plénière et sans que vous soyez obligé en quoi que ce soit (c’est votre père) de vous en réfèrer à votre groupe ou au Président de l’Assemblée. Cette confusion des genres ne sert ni la démocratie, encore moins la bonne gouvernance.
Cette candidature est contre-productive, car, en tant que député, vous n’apporterez rien sinon des ennuis au Président de la République. En effet, certains députés, forts de leur immunité confèrée par le peuple, et même de simples citoyens, passeront par votre statut d’élu pour manquer de respect à votre père intuiti personae (pas le Président de la République), mais notre Président quand-même.
Cette candidature est très coûteuse du point de vue diplomatique pour le Mali dont le Président très bien élu (77% des suffrages) et le peuple qui l’a élu, espèraient utiliser les retombées de cette confiance manifeste au sortir d’un scrutin exemplaire, pour peaufiner l’image du nouveau Mali qui se veut un exemple de société démocratique qui promeut l’éthique et la bonne gouvernance autour d’un chef sans aucune tache qui gouverne par l’exemple pour tirer le pays vers le haut. Cette épine (du fils député) le poursuivra partout et l’obligera à expliquer et à se justifier par rapport aux interpellations polies mais gênantes de ses hôtes de marque.
Cette candidature est contre-nature du point de vue des valeurs africaines et défie les fondements de notre culture commune, car il est incompréhensible que le fils se trouve dans une posture qui l’oblige à contrôler et à donner des ordres à son père; surtout dans la société « malinké ». Oh, quel sacrilège !
Malgré tout, vous avez encore et toujours toute la latitude de vous prévaloir de votre droit inaliénable et de votre liberté inaltérable de postuler à la fonction de député. Seulement, du point de vue de la constitution, comprenez que votre père appartient désormais à tout le peuple malien et que, par conséquent, votre relation père-fils a déserté depuis, la sphère strictement privée qui la protègeait.
Je vous sais assez intelligent et très attaché à notre Président bien-aimé pour comprendre que vous pouvez mieux le servir et l’aider ailleurs qu’au sein des parlementaires que nous souhaitons suffisamment en phase avec l’exécutif, mais assez libres et indépendants pour légifèrer utilement dans le sens des intérêts de son seul mandant, le peuple.
A.B.D
Source: L’Enquêteur