Pour Fakuru Keïta, photographe franco-malien, le Mali est devant un processus de transition qui prendra du temps. L’impatience ne mènera nulle part.
Depuis le coup de force militaire du 18 août et la mise en place du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), tous les espoirs des Maliens se sont reportés sur ces militaires, et on voit fleurir sur les réseaux sociaux les attentes, les conseils, les exigences à leur égard. Nous ressemblons à ces enfants qui voient les mangues sur le manguier, et qui se précipitent avec leurs bâtons pour les faire tomber alors qu’elles ne sont pas mûres encore.
Par un étonnant retournement des consciences, nous plaçons soudain ces militaires dans le rôle d’hommes providentiels et les parons de toutes les vertus. Pourtant, nous savons tous que l’armée n’est pas fondamentalement différente du reste de la société malienne et souffre des mêmes maux. Qui n’a pas parmi ses proches quelqu’un qui a acheté ses galons ? Qui ignore les fonds disparus, qui devaient servir à son équipement ?
« Capables du meilleur comme du pire »
Les militaires sont des femmes et des hommes comme les autres, des citoyens capables du meilleur comme du pire. Et leur faire porter maintenant toute la charge de la transformation du pays les place à un niveau de responsabilité qu’ils ne devraient pas avoir à assumer, parce que ce n’est pas leur rôle.
Étant donné la situation, il est évident qu’une période de transition s’impose à nous. Au vu de l’ampleur de la tâche que représente la réforme en profondeur de notre pays, dans absolument tous les domaines, il est illusoire de croire que quelques années suffiront à la faire aboutir.
Cahier des charges
Le cahier des charges d’une transition réussie doit être de créer les conditions initiales de la transformation à venir : permettre le dialogue entre toutes les composantes de la société malienne, veiller au fonctionnement optimal des systèmes vitaux pour le pays (alimentation, santé, éducation, sécurité, transports), assurer les conditions pratiques de la tenue des élections futures, permettre à la justice de travailler sans interférences. Et surtout, se donner le temps nécessaire pour le faire, c’est-à-dire ne pas se laisser dicter un délai par d’autres que les Maliens eux-mêmes.
Les grands chantiers qui nous attendent devront être entrepris par un État malien rénové, tel qu’il sera issu de cette transition. Nous sommes devant un processus qui prendra du temps, l’impatience ne nous mènera nulle part.