Soulager les entreprises, supprimer d’ici 2017 les cotisations familiales pour les entreprises et les travailleurs indépendants, peut-être au risque de soulever la désapprobation de certains syndicats. Une ligne social-démocrate détaillée pendant 2h35, mardi 14 janvier, par le président François Hollande lors de cette fameuse conférence de presse dans la salle des fêtes de l’Elysée. Pour en commenter les grandes lignes – ce tournant, virage, inflexion… On attend de voir, bien sûr, dans les prochains mois – Jean-Daniel Lévy, directeur du département Opinion et Politique à l’institut Harris Interactive France. Alors, François Hollande, social-démocrate ou social-libéral ?
RFI: François Hollande, début 2014, social-démocrate ou social-libéral ?
Jean-Daniel Lévy : A priori, on peut penser qu’il y a une sorte de cohérence, d’une manière générale, dans ce que dit François Hollande. Et lorsque l’on réécoute objectivement ses prises de parole, entre les premiers propos qu’il avait tenus en tant que candidat à la primaire citoyenne, les propos qui la plupart du temps avaient également émaillé ce discours au cours de la campagne électorale, et ce qu’il dit depuis 2012, il dit sensiblement la même chose. Redonner une forme de souplesse à l’entreprise, lui redonner une forme de dynamisme et avoir l’espérance qu’il y ait des conséquences pour les citoyens en termes d’embauche.
Les Français n’ont pas toujours entendu ça. Ils ont souvent retenu le discours du Bourget, où il était question d’une remise en cause de la finance, où les termes « égalité », « justice » étaient également assez souvent mentionnés.
Donc, il y a une forme de dissonance entre ce que peut dire François Hollande entre ce qu’il a dit hier et ce qu’il dit depuis quelques semaines, depuis quelques mois, et la manière dont les Français peuvent entrevoir le message d’une manière un peu différente de celui qui est prononcé.
Y comprit aussi au sein même de sa majorité ?
Y compris au sein même de sa majorité. Ce qui est assez frappant c’est qu’on peut voir que François Hollande n’a jamais vraiment fait campagne à gauche. Et quand on prend même la primaire qui l’a amené à être désigné parmi les différents responsables, notamment du Parti socialiste, Martine Aubry tenait un discours beaucoup plus à gauche.
On peut d’ailleurs rappeler qu’à cette époque-là, elle était Première secrétaire du Parti socialiste et tandis que François Hollande parlait déjà pour la gauche de termes qui étaient des termes relativement nouveaux, notamment ceux de « dette » ou de « poids des entreprises », notamment la place du secteur privé dans la capacité à pouvoir embaucher, notamment le terme « croissance ». Des termes qui, jusqu’à présent, n’étaient pas forcément présents dans le vocable traditionnel de la gauche.
Donc, c’est assez logique qu’il se retrouve en porte à faux, non seulement avec une partie de sa majorité mais même, on peut dire, à partir de sa base électorale. Parce que lorsqu’on interroge aujourd’hui les Français qui ont voté pour lui au second tour, mais surtout au premier tour, on peut voir tendanciellement une forme de désaffection et la perception que le contrat n’est pas exactement celui qu’on pensait passer.
En revanche, du côté de certains, à droite – par exemple, on peut citer l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin – on parle d’un changement de discours bienvenu.
Oui. C’est une partie de la droite aujourd’hui, qui se retrouve aujourd’hui dans certains aspects de ce discours. C’est une partie également du patronat, aujourd’hui on a vu avec le Medef, qui déclare être prêt à jouer le jeu.
On est, malgré tout, dans un moment où l’appréciation pour l’opinion d’une manière générale n’apparaît pas comme étant une forme de dynamisme extrêmement fort. On sait qu’en général l’activité économique ne repose pas uniquement sur des aspects à caractère matériel et technique. Il y a une alchimie qu’il est nécessaire d’arriver à construire, une forme de confiance, une forme de capacité à pouvoir se projeter positivement dans l’avenir.
Et le fait qu’aujourd’hui une partie des Français teintent leurs discours de morosité, ne se projettent pas dans l’avenir comme étant extrêmement optimistes – d’autant plus que la croissance n’apparaît pas aujourd’hui comme étant au rendez-vous – limite ou rend plus difficile l’exercice présidentiel.
Au moins il n’y a pas de procès aujourd’hui qui est effectué à l’égard de François Hollande, qu’on soit à droite ou à gauche, sur deux points :
– Le caractère flou parfois qui lui était accolé, on ne l’a pas entendu ce matin dans les médias.
– Et on n’a pas non plus entendu le fait qu’il ne savait pas précisément où il allait, ou qu’il n’avait pas fixé une ligne claire.
Au moins la ligne est fixée et on peut penser que pour les Français, qu’ils soient d’accord ou qu’ils ne soient pas d’accord, préfèrent en général être face à quelqu’un qu’ils comprennent mais qu’ils n’apprécient pas, plutôt que d’être face à quelqu’un qu’ils peuvent apprécier mais dont ils ne maîtrisent pas véritablement la compréhension.
Transfert des charges, décentralisation… Tout de même, est-ce que ces mesures parlent aux Français ?
Elles ne parlent pas forcément immédiatement. Elles peuvent parler en revanche, si elles devaient se faire jour auprès des responsables médiatiques, auprès de personnes qui sont des économistes avérés. Elles témoigneraient d’une forme de dynamisme, d’une plus grande souplesse dans les entreprises, d’un côté, et d’une plus grande capacité d’embauche à l’avenir, de l’autre.
Aujourd’hui, on est face à des Français qui sont sceptiques. On peut penser que sur cette question-là, comme sur d’autres, les Français vont être amenés à évoluer. Rappelons-nous qu’il y a une quinzaine d’années, lorsqu’on parlait de problèmes relatifs à la dette, au déficit public, les Français ne croyaient pas véritablement qu’il s’agissait d’un enjeu et surtout ils ne voyaient pas forcément la cohérence entre problèmes relatifs en matière de dette ou de déficit public et la conséquence sur les finances de l’Etat. Aujourd’hui, il s’agit d’une des principales préoccupations des Français.