Nous vous proposons dans ce numéro la deuxième partie de la grande interview que le Directeur Général de l’APEX-Mali, Abdoulaye Sanoko, a bien voulu nous accorder.
Quels avantages le Mai peut-il tirer de sa réadmission dans le cercle des pays bénéficiaires de l’AGOA?
…On parlait tantôt de textile, de confection. Ce sont des domaines que nous n’allons pas lâcher, cela est clair. Nous verrons bien comment un pays comme le Royaume du Lesotho, qui a fait des merveilles en la matière, a procédé. Il est possible qu’on puisse lever quelques missions dans des pays voisins, comme la Côte d’Ivoire et aussi, pourquoi pas, au Lesotho.
Nous sommes un gros producteur de coton. Il faut constater avec regret que nous n’arrivons pas à transformer plus 2% de notre production en coton égrené. Face à cette situation, le moins que l’on puisse dire est qu’il y a un problème. Evidemment, ce n’est pas simple. Nous savons aussi que pour faire des textiles, il faut des facteurs de production, notamment l’électricité. Cette industrie est grosse consommatrice d’électricité.
Lorsqu’on voit les coûts qui sont pratiqués, il est possible qu’il y ait des choses que nous devrions entreprendre. Il faut garder en tête également que nous faisons partie des pays dits enclavés, avec toutes les contingences que cela entraîne. Autrement, nous partageons l’enthousiasme du Président de la République qui, sans doute, ne manquera pas de suivre avec nous et le ministère du Commerce, toutes les questions ayant trait à l’AGOA.
Nous sommes dans le commerce, mais cela ne veut pas dire que c’est le seul ministère du Commerce qui sera concerné; il y a les ministères sectoriels, notamment l’Agriculture et l’Elevage, la Pêche, l’Industrie, les Mines. L’AGOA sera concernée, en grande partie, mais n’oublions pas qu’il ya aussi les produits hors AGOA. L’AGOA concerne essentiellement les marchandises, mais nous parlons également du secteur des services, du tourisme, des industries culturelles, avec des potentialités extraordinaires qui n’ont, malheureusement, pas été valorisées jusqu’ici.
Pouvez-vous nous présenter brièvement votre Agence?
L’APEX Mali (Agence pour la Promotion des Exportations du Mali) a été créée en juin 2011, avec comme mission de développer l’exportation des biens et services maliens. A ce titre, nous avons une bonne douzaine d’attributions spécifiques.
Pouvez-vous en évoquer les principales?
Principalement, nous avons à charge d’organiser des activités promotionnelles pour tous les biens et services et de mettre en œuvre des programmes de développement des filières et des stratégies sectorielles de promotion formulées par les pouvoirs publics. Ces stratégies, dois-je le rappeler, lorsqu’elles sont formulées, comportent toujours des éléments de participation en dehors des pouvoirs publics, spécifiquement des éléments du secteur privé et même de la société civile.
J’entends par là des ONG sectorielles d’encadrement sur le terrain à travers le pays. L’APEX a d’autres attributions, comme la mise en œuvre de mécanismes d’incitation à l’exportation, à l’image de la mise en place des facilités techniques, bancaires et d’assurance pour les biens et services d’exportation. Il s’agit aussi de contribuer au renforcement des capacités des cadres des sociétés et entreprises et même de l’administration, par la formation technique et professionnelle.
S’y ajoutent la fourniture aux producteurs et exportateurs d’informations sur les normes de qualité, les conditions d’accès aux marchés des biens et services, des conseils et l’accompagnement des exportateurs, d’une manière générale, dans le cadre de l’assistance aux entreprises. J’aimerais souligner une autre prérogative de très grande importance relative à rétablissement du Certificat d’origine des marchandises destinées à l’exportation.
Je ne serai pas exhaustif, mais nous contribuons à la collecte de données statistiques également, notamment en ce qui concerne les pays à destination desquels nous avons des facilités d’accès. Lorsqu’on parle de Certificat d’origine, c’est particulièrement précieux lorsqu’il s’agit de pays qui nous accordent, à l’instar des Etats-Unis, un accès préférentiel à leurs marchés. C’est le cas, par exemple, de la Chine, du Maroc, de l’Union Européenne, bien entendu, et du Canada.
Bref, il y a près d’une trentaine de pays qui nous ont fait des schémas d’offre d’accès préférentiel à leurs marchés. Voilà une bonne partie des missions que nous nous sommes engagés à mettre en œuvre.
Quel bilan peut-on faire de l’APEX, de sa création à ce jour?
L’APEX a été fille de la crise. On ne pouvait pas commencer plus mal. Malgré tout, d’avril 2012 à ce jour, nous avons pu organiser notre premier Conseil d’administration. Nous avons commencé avec un noyau de trois cadres, en plus de nous-mêmes, Directeur Général, face aux contraintes budgétaires qui étaient les nôtres, résultant des conséquences de la crise.
Nous devions donc procéder à des choix vraiment spécifiques. Ainsi, nous avons pu emménager dans les locaux qui nous avaient été affectés. Nous cohabitons dans l’ex-immeuble Air Afrique avec l’Agence pour la Promotion des Investissements (API-Mali). Ce sont des locaux que nous avons trouvés nus en mai – juin, mais aujourd’hui nous avons la satisfaction de pouvoir montrer à nos clients que tout l’espace qui nous a été alloué a pu être équipé.
S’agissant du personnel, nous avons pu avoir des renforts, mais avec des conditions. L’APEX-Mali est un établissement public à caractère administratif, doté de l’autonomie juridique et financière. Malheureusement, nous n’avons pas encore eu les moyens de notre politique, que nous sommes quand même en train de construire patiemment. Aujourd’hui, nous avons un effectif de 17 cadres, des cadres supérieurs et des cadres de la catégorie B. La caractéristique de l’APEX, c’est que les cadres supérieurs y sont majoritaires. Cela est surtout dû au fait que c’est une structure de réflexion, d’analyse, de projection.
Nous avons fonctionné, comme je le disais tantôt, avec les moyens du bord. Néanmoins, au cours de l’exercice 2012, où nous commencions nos activités, nous étions déjà présents pour représenter le Mali à l’exposition universelle qui s’est déroulée en Corée du Sud pendant six mois et, en 2013, nous avons pu organiser la participation des exportateurs maliens à environ six manifestations commerciales. En 2012, également il y a eu quelques foires, notamment la foire de Dakar.
Nous avons aussi pris part à un certain nombre de rencontres au niveau international sur la promotion des exportations. En l’occurrence, nous étions à la Conférence mondiale des Offices de promotion des exportations qui s’est tenue à Kuala Lumpur, en Malaisie. Il y a eu également quelques séminaires de formation auxquels certains de nos agents ont pu prendre part, au Maroc, en Côte d’Ivoire et à Genève, au niveau de l’OMC. Nous avons aussi entrepris la rédaction de certains termes de référence, à partir desquels nous sommes en train de mettre œuvre quelques actions-phares, notamment une enquête pour l’évaluation des besoins des entreprises exportatrices, une opération très lourde, mais qu’il nous faut absolument entreprendre pour identifier les domaines prioritaires.
En la matière, il faut tenir compte aussi de la demande des opérateurs économiques, à qui nous allons faire une note, dans la mesure où nous avons la responsabilité d’élaborer les programmes et stratégies à l’exportation. Cette enquête est d’une utilité de prime importance. Ce à quoi nous travaillons dans l’immédiat, c’est l’élaboration d’une stratégie nationale de développement et de promotion des exportations, pour promouvoir les exportations et aussi développer les produits exportables. Autrement, on en restera toujours à la gamme étroite qui a été celle qui nous a permis d’engranger, bon an mal an, quelques milliards au cours des décennies passées.
La nouvelle stratégie verra l’association de toutes les structures intervenant dans quelques domaines sectoriels de production avec une capacité d’exportation. Fondamentalement, ce sera le secteur de l’agriculture et de l’élevage, surtout pour les marchés de la sous-région; des produits de cueillette aussi, comme la gomme arabique, le karité et d’autres types de produits qui ne sont pas encore mis très en évidence. Nous allons chercher à les identifier, à voir les moyens de les développer. Il y a aussi le secteur des services, comme je l’évoquais tantôt; on pense tout de suite au secteur du tourisme. Il y a d’autres types de produits, un grand groupe de services, tels que les produits culturels, les industries culturelles. En fait, le Mali, en matière de culture, dispose d’un patrimoine exceptionnel…
Qui n’est malheureusement pas très exploité…
A propos des industries culturelles maliennes, dans la mesure où l’on entreprendra la bonne démarche, on pourra être amené à développer la bonne stratégie. C’est vrai que s’il y avait une Coupe du monde de l’industrie culturelle, nous pourrions être champions assez rapidement. Nous pourrions remporter assez facilement cette Coupe. Donc, les potentialités sont là. Nous devons tout simplement nous apprêter pour pouvoir les transformer.
En attendant, nous avons quelques défis à relever, des défis liés, tout d’abord, à la mise en œuvre des ressources humaines. Le personnel se caractérise surtout par sa jeunesse. Qui dit jeunesse dit besoin de la bonifier et de l’ennoblir, avec des rencontres dans la sous-région. Nous avons un programme de coopération et de promotion commerciale dans le cadre de l’UEMOA et de la CEDEAO.
Ces ressources humaines ont besoin d’être formées. Certaines l’ont été grâce aux NTIC. Nous bénéficions aussi du partenariat de la CNUCED (Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement), du Centre du Commerce International et de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), vis-à-vis des modules de formation à partir desquels notre équipe prend des initiatives. Les ressources financières constituent le deuxième challenge de taille. Il est clair qu’on ne peut pas faire de promotion sans moyens financiers…
Vous réclamez donc de l’Etat qu’il vous donne les moyens de vos ambitions…
Nous demandons à l’Etat de nous fournir les moyens idoines pour que nous puissions remplir effectivement les missions à caractère stratégique de l’économie nationale …
Avez-vous quantifié vos besoins financiers?
C’est que nous avons fait à la faveur du Conseil d’administration du 15 mai 2013. Nous avons demandé autour de 600 millions de FCFA, mais nous ne les avons pas obtenus. Au demeurant, nous n’étions pas très assurés de pouvoir les obtenir. Cette enveloppe provenait d’une projection méthodique, qui se voulait réaliste, tenant compte aussi du statut d’EPA de l’Agence.
Combien avez-vous eu alors, la moitié?
Nous avons eu notre dotation sur le Budget national. On était inscrit par exemple, en 2013, pour 100 millions de FCFA, 50 millions à titre de subvention et 50 millions pour le fonctionnement. Mais, de façon additionnelle, nous avons pu mobiliser des ressources pour nous aider à participer à quelques manifestations commerciales, grâce au Fonds d’appui commercial qui est logé au ministère du Commerce. Dernièrement, il y a aussi une aide qui nous a été accordée sur le Fonds TRIE, cogéré par le ministre des Finances et le Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCIM), soit 25 millions de FCFA.
Grâce à cette aide, nous avons pu assurer une participation de qualité à différentes manifestations. Ce Fonds TRIE, que nous avons pu obtenir courant deuxième semestre de 2013, nous a permis aussi d’entreprendre quelques études de cas.
Quelle peut être, selon vous, l’importance des exportations dans l’économie d’un pays comme le Mali?
L’exportation peut tirer la croissance économique. L’histoire économique nous révèle certains cas très intéressants de pays en développement qui ont pu émerger grâce aux exportations. C’est le cas de la Corée du Sud, de Hong Kong, de Taïwan, de Singapour. C’est aussi le cas, de façon de plus en marquante, de ceux qu’on a appelés les Dragons.
Mais il y a les Tigres également. Des Tigres qui rugissent assez fort, tels que l’Indonésie et le Vietnam, qui arrive de façon extraordinairement forte et qui pousse avec des taux de croissance de son économie de l’ordre de plus de 12%. Toute chose qui aura été permise, certes grâce à son marché national, mais surtout aux exportations.
Les bénéfices d’une politique d’exportation réussie sont considérables. Cela joue nécessairement sur la croissance, car lorsqu’on va calculer le Produit Intérieur Brut on va intégrer les données de l’exportation. Il y a aussi un autre bienfait, cela va aider à améliorer la qualité de la balance des paiements, en ce sens qu’avec toutes les devises qu’on va engranger cela va tendre vers l’atteinte de l’équilibre, même si l’équilibre n’est pas forcément recherché en la matière.
Dans la mesure où nous sommes un pays en voie de développement parmi les moins avancés, il nous faut nous équiper, il nous faut investir dans les infrastructures. Ce sont des éléments qui coûtent extrêmement cher et, pour pouvoir le faire de façon significative et durable, il faut exporter. Lorsqu’on s’en tient à notre marché national, on ne peut pas s’épanouir au rythme souhaité. Pouvoir atteindre le chiffre de 7%, dans la mesure où on a une bonne politique d’exportation, à mon sens sera même pâle par rapport à la réalité, qui pourrait nous voir atteindre deux chiffres de croissance.
Nous avons un marché étroit du fait des faibles revenus. Donc, ce que nous devons rechercher, c’est augmenter notre capacité d’offre, mais surtout d’offre exportable. Voilà le deuxième avantage. Mais il y a surtout l’avantage direct sur l’emploi, notamment l’emploi des jeunes. Des jeunes que l’Etat doit entreprendre de former, ici et maintenant, de façon à ce que leurs profils correspondent aux besoins objectifs. En définitive, une politique d’exportation réussie peut valoir au Mali un taux de croissance à deux chiffres et des milliers, voire des dizaines de milliers, d’emplois.
Propos recueillis par Yaya Sidibé
SOURCE: 22 Septembre