Cinq jours après une visite à Bamako en rapport avec la situation du Mali, le Conseil de Sécurité s’est réuni le 29 octobre 2021 New York. L’objectif était d’examiner le rapport de ladite visite. A cette occasion, l’Ambassadeur, représentant du Mali au Conseil de Sécurité, Issa Konfourou, a tenu a rappelé à ses collègues la position du peuple malien et de son gouvernement dans la gestion de la crise que le Mali vit il y a bientôt dix ans.
Dans son discours, l’ambassadeur, représentant du Mali au Conseil de Sécurité de l’ONU a d’abord rappelé : « Je commence logiquement par la situation sécuritaire : le président de la Transition, Son Excellence le Colonel Assimi Goïta et le chef du Gouvernement, Dr Choguel Kokalla Maïga et tous vos Interlocuteurs ont été unanimes sur le constat que la situation sécuritaire au Mali se dégrade malheureusement au quotidien. Et ce, malgré nos efforts au plan national et en dépit d’une forte présence militaire internationale au Mali depuis 2013. »
Selon lui, les Maliennes et les Maliens ont besoin de sécurité et ils exigent de leur gouvernement prennent des mesures diligentes pour les protéger contre des attaques barbares. « C’est le sens de l’engagement continu des autorités de la Transition à poursuivre les efforts de recrutement, de formation, d’équipement et de renforcement des capacités opérationnelles des Forces de défense et de sécurité maliennes », a-t-il ajouté.
Il a expliqué que l’exaspération de ses concitoyens face à la dégradation de la situation sécuritaire s’adresse également aux partenaires du Mali, y compris la MINUSMA, la Force française Barkhane et autres. « Il ne s’agit pas, et j’insiste là-dessus, de sentiment anti-forces internationales. Bien au contraire, les Maliens sont d’ailleurs très reconnaissants des sacrifices humains, matériels et financiers importants consentis par la communauté internationale pour la paix dans notre pays. Cependant, les populations maliennes exigent que nous travaillions davantage ensemble pour permettre à l’Etat malien de rétablir son autorité sur l’ensemble du territoire national, condition essentielle pour qu’ils vivent en sécurité et en dignité dans les villes et les campagnes. C’est dans ce travail dynamique de coopération que les populations maliennes pourront davantage apprécier la valeur ajoutée de la MINUSMA et des autres forces internationales. Et c’est aussi dans ces conditions que nous pouvons contribuer significativement à l’amélioration de la situation humanitaire et des droits de l’homme au Mali. Enfin, c’est aussi la meilleure stratégie pour contenir les menaces et les multiples défis sécuritaires au Mali, afin d’éviter leurs propagations aux autres pays de la région », a-t-il souligné.
Durant votre visite à Bamako, a-t-il ajouté, les autorités vous ont expliqué dans les détails les conséquences désastreuses de la dégradation de la situation sécuritaire au Mali : des centaines de milliers de mes compatriotes sont obligés de fuir leurs localités d’origine pour se réfugier dans les pays voisins que je remercie ici, ou pour être déplacés internes dans certaines grandes villes maliennes ; la destruction ou l’occupation des infrastructures scolaires a conduit à la fermeture de 1 300 écoles dans les régions du Nord et du Centre du Mali et à la déscolarisation de plusieurs milliers d’enfants ; plus de 9 000 enseignants se trouvent ainsi désœuvrés ; les services sociaux de base ne fonctionnent plus dans les localités concernées et l’Administration publique a dû se replier pour raison de sécurité. « Cette situation sécuritaire préoccupante aggrave la crise humanitaire au Mali. Dans les zones de production par excellence du pays, les populations laborieuses sont empêchées de mener leurs activités agricoles, d’élevage, de pêche et de commerce par divers groupes criminels », a-t-il expliqué.
« Les Maliens ont soif de réformes politiques et institutionnelles… »
Dans son intervention, Issa Konfourou a fait savoir que les Maliens ont soif de réformes politiques et institutionnelles qui puissent garantir une stabilité institutionnelle durable au pays et un avenir meilleur aux populations. « Cette exigence légitime de nos compatriotes a eu des échos favorables auprès des dirigeants de la CEDEAO qui, dès octobre 2018, avaient recommandé, à l’issue de leur Mission d’Information relative à la crise postélectorale de mener des réformes approfondies au Mali. Vous voyez que de l’avis même de la CEDEAO, ces réformes politiques et institutionnelles sont absolument nécessaires. Il est vrai que le gouvernement reste conscient des engagements pris et des délais impartis. Cependant, les autorités de la Transition restent décidées à jeter les bases de quelques réformes, pas toutes, notamment celles qui puissent garantir des élections inclusives, transparentes et crédibles. Il s’agit là d’un passage obligé, si nous voulons épargner au Mali de nouvelles crises pré ou post-électorales, aux conséquences imprévisibles sur la stabilité des institutions et du pays en général. C’est tout le sens des Assises nationales de la Refondation, qui se tiendront de novembre à décembre 2021.»
Parlant de la question de l’augmentation des effectifs militaires et de police de la MINUSMA, Issa Konfourou a déclaré : « Je voudrais souligner, encore une fois, qu’il n’existe pas de sentiment anti-MINUSMA au Mali. Cependant, il y a au sein des populations maliennes, un désir ardent de paix et une soif de sécurité qui font écho à l’exigence d’efficacité des instruments politiques et militaires mis en place. Vous savez que le Mali est devenu de nos jours un pays sur-militarisé mais paradoxalement très vulnérable face au terrorisme et aux autres formes de crime organisé. C’est pourquoi, le gouvernement du Mali est demandeur de consultations approfondies surtout au niveau opérationnel pour mieux apprécier la pertinence de l’initiative de relèvement des effectifs de la MINUSMA. Nous voulons notamment mieux comprendre sa valeur ajoutée, son efficacité, son articulation avec nos propres forces sur le terrain ; nous voulons plus d’actions ou d’opérations communes sur le terrain. Nous souhaitons insister ici sur la nécessaire adaptation du mandat de la MINUSMA aux besoins réels de sécurité du Mali. A cet égard, nous voulons le déploiement de brigades d’intervention rapide capables de mener des opérations de protection des populations contre les menaces extrémistes. »
Renforcer la force du G5 Sahel
Il a par ailleurs souligné que le G5 Sahel, sur ses deux piliers sécurité et développement, constitue une réponse globale, adéquate et durable aux multiples défis de l’espace commun. « C’est pourquoi, pour la pleine opérationnalisation de la Force conjointe, le Mali réitère son appel au Conseil de Sécurité en faveur d’un mandat robuste, c’est-à-dire un mandat placé sous le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies et d’un financement prévisible et pérenne de la Force conjointe, y compris à travers les Nations Unies. Nous soutenons également la proposition de création d’un Bureau d’appui des Nations Unies à la Force conjointe du G5 Sahel », a-t-il déclaré.
Le représentant du Mali au Conseil de Sécurité de l’ONU n’a pas non plus occulté le cas du Représentant de la CEDEAO renvoyé du Mali la semaine dernière. Sur la question, Issa Konfourou a tenu à préciser : « Certains membres du Conseil ont évoqué et regretté le départ du Mali du Représentant de la CEDEAO. Je tiens à rappeler que le gouvernement du Mali a été obligé de prendre cette décision extrême contre cette personnalité dont les activités étaient contraires au mandat que la CEDEAO lui avait confié. Les dirigeants de la CEDEAO avaient été informés plusieurs mois avant et l’intéressé avait été mis en garde, sans succès. Vous avez vu que dans son communiqué du 27 octobre, la Commission de la CEDEAO reconnaît elle-même que le processus de rappel de son Représentant était déjà engagé. Sauf que dans cet intervalle, l’intéressé a malheureusement continué ses actions de déstabilisation. Cela dit, je souligne avec force qu’il s’agit d’une mesure dirigée contre la personne de l’ancien représentant et que la coopération entre le Mali et la CEDEAO va se poursuivre et se renforcer. »
Ismaël Traoré
Source : Ziré