S’il y a aujourd’hui, quelque chose qui ne souffre d’aucun doute, c’est la richesse de notre passé historique, hérité des empires (du Ouagadou, du Sosso, du Mandé, du Songhay, de Ségou, du Macina, du Toucouleur, du Wassoulou) et royaumes (de Djenné, Kaarta, du Khasso, du Kénédougou, du Logo), sans oublier le pachalik marocain.
Au regard de la situation actuelle du Mali, il serait très intéressant que la vie économique, culturelle, sociale, diplomatique, militaire et politique desdites formations étatiques soit assez connue des Maliens, car, à la suite des événements de 2012 et 2013 qui ont bouleversé la plupart de nos compatriotes de l’intérieur comme de l’extérieur dans leur grande majorité, notre Histoire, la lointaine, s’est trouvée au centre de nombreux débats.
Cela démontre à plus d’un titre, que la connaissance de l’Histoire de son pays est une nécessité. S’agissant de l’histoire, nous parlons de ce qui est réel. D’autant plus que ce qui n’a pas eu lieu ne fait pas partie de l’Histoire. Malheureusement, c’est ce qui est souvent considéré comme étant de l’histoire par certains. Contribuant, ainsi de plus en plus à la banalisation de cette discipline.
Or, cette banalisation n’est pas une bonne chose, surtout pour un Etat comme le nôtre qui est dans une perpétuelle recherche de piste pour une meilleure gouvernance, par rapport à son passé dans certains domaines, tels que la politique et la diplomatie. Au rythme où vont les choses dans notre pays depuis un certain temps dans ces deux domaines, il y a de quoi se faire des soucis même si l’heure n’est pas à la désespérance.
Ceci est une nécessité, surtout pour ceux qui souhaiteraient que notre pays ait plus de longévité que les empires et royaumes, qu’on évoque démesurément souvent pour des raisons avouées ou inavouées au prix de maintenir le peuple dans l’ignorance. Une ignorance qui parfois peut amener ce peuple à ne pas changer de comportements nuisibles à la survie de notre jeune Etat.
A cet effet, nous devons mentionner à ce même peuple l’incapacité pour la plupart de nos empires et royaumes de gérer leur apogée, c’est-à-dire le moment où ils étaient au sommet de leur puissance. De quoi, nous donner suffisamment de matière à traiter. D’autant plus que notre pays, qui a à peine dépassé cinquante années d’existence a failli totalement être entre les mains d’une coalition internationale de terroristes, dont certains seraient établis depuis plus de deux décennies le long des frontières nord de notre pays.
Et, cela depuis le début des années 90 du siècle dernier, qui correspond à un moment où le Front islamique du salut (Fis) faisait assez parler de lui en Algérie. Au même moment dans le nord de notre pays, un mouvement rebelle portait la connotation islamiste. Il s’agit du Front islamique de l’Azawad (FIA). Ce mouvement fut officiellement dissout lors de la Flamme de la paix (le 27 mars 1996) à Tombouctou, où la mise au feu de plus de 3000 armes par le gouvernement malien a permis momentanément de mettre fin à la rébellion déclenchée en 1994 par différents groupes armés.
Anciennes habitudes aux conséquences incalculables
En janvier 2013 l’engagement des troupes françaises de l’opération « Serval » et des troupes tchadiennes aux côtés des Forces armées et de sécurité maliennes engagées sur le théâtre des opérations a permis à notre pays de rester sur la carte du monde. Ainsi, de Konna à Kayes, en passant par Bamako, on a pu respirer, et très bien. Hélas !
Ce qui est déplorable dans toute cette histoire, c’est que du commencement des hostilités avec l’attaque de Ménaka (le 17 janvier 2012) à l’héroïque résistance de nos militaires à Aguelhok (le 24 janvier 2012) sous la conduite du jeune capitaine feu Sékou Alidji Traoré dit Bad jusqu’à la bataille de Konna des 8, 9, 10, 11 janvier 2013, il semblerait qu’il a été oublié que chacun des mouvements de contestation même loin du front était une brèche ouverte davantage aux ennemis contre lesquels se battaient nos braves soldats. De ce fait, historiquement parlant, cette situation nous rappelle celles qui ont accéléré la chute de plusieurs de nos Etats précoloniaux.
Pour revenir à ce passé, sachons qu’il regorge de véritables leçons pour nous. Parce que nombreux sont nos empires et royaumes, lesquels après des apogées très remarquables sont vite tombés en décadence, liée soit sur les plans économique (au gaspillage des ressources nationales), diplomatique (à la confiance aveugle des relations d’amitié avec certains voisins), politique (diffamation, réalisation d’ambition personnelle, courses effrénées pour le pouvoir entre princes et entre princes et gouverneurs de provinces attisées par des cercles de courtisans, coups d’Etat, rébellions, etc.). Favorisant par la suite leur invasion ou incursion temporaire par des forces extérieures.
Pour être plus précis, nous prenons l’exemple sur nos trois grands empires : le Ouagadou, le Mandé et le Songhay. Le Ouagadou et le Songhay ont été envahis à partir de leurs frontières nord. Quant à l’Empire du Mandé, il connaîtra de multiples razzias. Notamment celle de 1333 réalisée par le roi Nassiré du Yatenga. Pourtant à cette époque le Mandé était à son apogée. Elles finirent par affaiblir l’empire avant la fin du XIVe s.
Les autres empires et royaumes cités plus haut subiront eux aussi des invasions. Les dernières en date sont l’œuvre de la France. A ce titre, on peut mentionner celles contre l’Empire du Wassoulou, du Royaume du Kénédougou. Tous dirigés au moment des faits par de grands guerriers. Le premier par l’Almamy Samory Touré, et le second par Babemba Traoré.
Les nombreuses invasions contre nos empires et royaumes dont nous nous revendiquons doivent impérativement nous servir de leçons pour l’édification d’un « Mali nouveau ». Un Mali que nous voulons fort, juste, démocratique et capable à tout moment de prévenir les agressions extérieures grâce à l’engagement de tous ses fils.
Sur ce point nous osons croire que les gouvernés et les gouvernants du Mali de Modibo Kéita (père fondateur et panafricaniste) sauront en tenir largement compte pour l’édification du « Mali nouveau » qui est ces derniers temps sur toutes les lèvres. Vivement que cela vienne du fond de nos cœurs. A cet effet, nous devons tout mettre en œuvre pour exploiter à bon escient notre Histoire lointaine et récente afin qu’elle ne soit un instrument de désorientation, de diffamation ou de restauration politique.
En somme, en relation avec tout ce que nous avons dit, il serait bon qu’on médite sur ceci : « … L’Histoire africaine constitue une source de première importance pour la construction de l’Afrique moderne. Elle n’apporte pas des solutions concrètes à nos problèmes, mais des leçons à tirer du passé, une connaissance réelle des traditions, du génie de nos peuples. Responsables politiques, planificateurs, enseignants, tous ceux qui cherchent à agir sur le devenir africain doivent d’abord se référer au passé », écrivait, il y a 34 ans, Sékéné Mody Sissoko dans Afrique Histoire.
Sory Ibrahima Waïgalo
Professeur titulaire de l’enseignement secondaire général
l’indicateur du renouveau