«Vendredi à haut risque ! » ; « Journée de tous les dangers ! » ; « journée explosive ! »… A Bamako, dans tout le pays, les qualificatifs ne manquent pas pour exprimer un sentiment d’inquiétude générale par rapport à la grande marche programmée demain, vendredi 5 avril 2019, dans la capitale et certaines localités de l’intérieur. Une manifestation conjointement organisée à l’initiative du Chérif de Nioro du Sahel, Mohamed Ould Cheicknè, guide de la communauté hamalliste et de l’imam Dicko, président du Haut conseil islamique.
Les deux leaders religieux, après un « meeting d’avertissement », le 10 février dernier, ont, en effet, décidé de passer à la vitesse supérieure et de demander des comptes au Président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, « seul responsable de l’état de déliquescence actuel du Mali ». Au-delà, la marche de demain est, selon l’avis de nombreux observateurs, la conjonction de nombreuses colères et autres mécontentements au sein d’une population malienne désemparée et qui ne sait plus à quel saint se vouer à cause de l’insécurité et des problèmes socio-économique auxquels le pouvoir n’arrive pas trouvé des réponses. Six petits mois après son élection, fortement contestée, IBK fait face à une colère populaire !
Au même moment, l’insécurité avec son lot de victimes, gagne du terrain partout dans le pays. Le front social se dégrade avec des grèves dans de nombreux secteurs d’activités, notamment l’enseignement. Au plan politique ? Le semblant de dialogue politique instauré, au mois de février dernier, entre le président IBK et l’opposition est dans l’impasse. Pour clore le décor, la tête du Premier ministre, Soumeylou B Maïga, est réclamée par une frange importante d’acteurs politiques et de religieux. C’est dans cette atmosphère suffisamment délétère que M’Bouillé et Dicko mobilisent les musulmans pour exiger un changement dans la conduite des affaires de l’Etat. Déjà, la mobilisation est forte au siège du Haut conseil islamique, où des femmes et des jeunes s’apprêtent à prendre part à la manifestation de ce vendredi.
Sur place nos reporters ont rencontré Issa Kaou Djim, porte-parole de l’imam Dicko ; Mme Diawara Zenabe Sidibé, présidente du mouvement pour la lutte contre les antis-valeurs (Mlcav) ; Laya Moussa Guindo, secrétaire général du « Badenya Ton » et membre du groupe de soutien aux deux leaders religieux (M’Bouillé et Dicko).
Le Chérif M’Bouillé et l’imam Dicko religieux sont décidément engagés à contraindre IBK et son régime à opérer un changement dans la conduite des affaires de l’Etat. Cela, dans tous les domaines. Et les deux leaders religieux ont dénoncé, depuis des mois, la gestion d’un homme qu’ils ont aidé à accéder au pouvoir. Aujourd’hui, entre le duo M’Bouillé-Dicko et IBK, la rupture est désormais consommée. Et cause…
La grande manifestation prévue, demain 5 avril, à l’appel des deux religieux, marquera un tournant décisif pour dans les rapports entre le président de la République et ceux-là qui l’ont soutenu à se hisser au pouvoir en 2013. Comme quoi, le divorce (longtemps) consommé, la situation ensemble se dirige vers un point de non-retour entre le chef de l’Etat et les deux leaders religieux.
Dans un enregistrement vocal sur les réseaux sociaux, l’imam Dicko, déclare : « Je lance un appel à tous les Maliens, j’ai foi en eux… Il y a eu manifestations dans plusieurs pays pour dénoncer les atrocités perpétrées dans votre pays. Et pourquoi nous empêcher d’exprimer notre colère… Même en regardant l’Ortm, on a l’impression que rien de grave ne se passe au Mali ».
De son côté, le Chérif de Nioro du Sahel, M’Bouillé, a tenu, hier, une Assemblée générale d’informations dans sa Zawiya. De nombreux fidèles de Nioro et mêmes de localités environnantes y ont assisté. Menu ? La marche projetée à Bamako, le vendredi 05 avril prochain. Ainsi, M’Bouillé a réaffirmé son engagement à soutenir la marche et au-delà toutes les actions visant à ” combattre le régime en place”. ” Je ne céderait à aucune pression, ni financière ni morale.”, a dit le Chérif. Pour lui ” le combat en cours ne s’arrêtera jamais sans aboutir..”. Aussi, il a exhorté ses fidèles à se tenir prêt. Le Chérif a aussi évoqué la situation d’ensemble du pays, notamment Kidal où il a accusé IBK de faire le ” jeu des ennemis du Mali”. ”J’ai parlé avec les gens des mouvements je suis au courant de ce qui se trame à propos de Kidal…”
Par ailleurs, d’autres organisations politiques et de la société civile ont déjà manifesté leur intention de prendre part à la manif. Ces organisations ont lancé des appels à leurs militants, sympathisants et au peuple malien à se joindre à cette « marche patriotique ». Parmi les associations et mouvements qui sont attendus, il y a notamment le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), la Coalition des forces patriotiques (Cofop), et le Comité pour la défense de la République (CDR)…
Mohamed Sylla
L’Aube