Sa voix était un monde, tout un monde, une civilisation : celle des méridiens dont les ruelles respirent les effluves d’orient. Le sable y est la plage infinie d’une mer qu’on ne rencontrera pas et point de train fumeux sifflant son impatience contre des gens qui accourent comme des dingues.
Sa voix était celle des méridiens qui ont le temps pour l’homme. Haïra Arbi, pour tout dire, incarnait Tombouctou, la générosité, la disponibilité, l’art, le sourire et le rire de la ville dont les mystères ne sont pas encore percés, mais qui a le secret d’envoûter son visiteur. Notre sœur devait quitter la vie ce dimanche. C’était son délai. Un délai immuable quand celui qui a donné décide de reprendre. Nous sommes tristes et tu nous laisses nostalgique de ton grand cœur et de ton art sublime. Mais puisqu’il te fallait partir, pars donc Haïra et que s’ouvrent à toi les portes de la béatitude, les jardins fruités du repos bien mérité d’une vie de combat. Longtemps encore ton timbre résonnera aux oreilles de ceux restent après toi, pendant leur temps, le leur qui finira aussi comme le tien. Avec pour beaucoup d’entre nous, la certitude de finir et pas seulement de mourir. Or tu n’es pas finie. Ton chant te survit, recréant la lente ondulation des caravanes sur la bosse des dunes. Il a reverdi les orangers du soleil couchant, réinventé la fureur des flots le long des oueds, distillé le parfum des tamariniers sur les berges du Faguibine, muer la cruauté fauve des sables en fleurs bleues , libérer l’horizon par les bruines d’août. Orphelin de ta voix, Essakane de Mani Ag Ansar méditera longtemps ce silence dont tu n’es hélas pas coupable.
Adam Thiam
La rédaction