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Ibrahim Boubacar Keita : A force de dévier ses adversaires, il a fini par se faire prendre

Soucieux d’un climat social apaisé, le président Ibrahim Boubacar Kéita n’a pas su éviter le piège de l’opposition.

On l’a connu plutôt du genre à ne tolérer aucune provocation, aucune déviation. C’est pourquoi, les Maliens l’avaient surnommé « homme de poigne ». IBK ne transige pas avec les principes encore moins avec des comportements de nature à perturber l’ordre social. L’association des élèves et étudiants du Mali (AEEM), le collectif des partis de l’opposition (COPO), les déguerpis de Niamakoro et l’association des musulmans, en savent quelque chose.

Pour lui, tout se résume au respect de l’autorité publique. Il ne saurait tolérer les mouvements d’humeurs, les marches et grèves répétitives qui tirent l’économie nationale vers le bas. IBK réprime, tabasse et avertit. Ça paie toujours. Ce n’est pas l’ex président de la République Alpha Oumar Konaré qui dira le contraire, lui qui a eu une fin de mandat plutôt tranquille qu’il ne l’avait débuté.

Elu en 2013 avec un nombre de voies dépassant les 70%, les Maliens croient tenir leur homme de la situation actuelle. Une rébellion au Nord qui empêche tous les Maliens de dormir ; une mauvaise gouvernance qui gangrène l’économie nationale ;  des citoyens qui brillent par l’incivisme… Bref, le Mali de 2012 est à genou et beaucoup commencent à regretter l’ère de la dictature.

La guerre de l’intox

Comment empêcher « IBK » d’être lui-même ? Voilà la question que l’opposition malienne a dû se poser avant d’élaborer sa stratégie basée sur l’intoxication. Il s’agit de démystifier le président « IBK » aux yeux de l’opinion nationale et internationale afin de le rendre plus vulnérable. Pour cela, l’opposition peut compter sur certains médias français qui, dès les premières heures de la présidence d’IBK, sortent le dossier « Tomi ». Il faut dire que le gouvernement français préfère traiter avec un président « affaibli » plutôt qu’avec un président « serein ». La France-Afrique est passée par là.

L’affaire Tomi, même si c’est un dossier presque vide, a eu pour conséquence de faire douter les Maliens sur la moralité de leur président. Et c’était cela l’objectif visé.

Aussitôt que l’effet de cette affaire s’est estompé que l’opposition sort de sous son chapeau « Ma famille d’abord » référence fête à l’ « ATTcratie » pour signifier que le président IBK mette en avant le bonheur de sa propre famille au détriment de celui de tous les Maliens. Une histoire tirer par les cheveux mais qui a eu une conséquence dévastatrice dans l’opinion nationale si on sait que plus de 90% de la population est analphabète et croit plus aux rumeurs qu’aux vraies informations.

A propos de « vraies informations », les équipes de communication du gouvernement et de la présidence, n’ont jamais été à la hauteur des attaques. Ce qui n’a fait qu’enfoncer le régime IBK dans l’abîme. En Afrique, on dit « il n’y a pas de fumée sans feu ». Et puis, « qui ne dit mot consent ». Les partis de la majorité présidentielle, de plus de soixante, observent et ne disent mot perdus dans leurs calculs pour les postes nominatifs. Ce qui laisse entièrement le champ libre à une opposition qui gagne de plus en plus la sympathie d’une certaine population chauffée à bloc à travers les réseaux sociaux qui manipulent et ré manipulent à souhait.

IBK semble groggy et tente de temps en temps quelques ripostes malgré lui. Il aurait préféré avoir à mettre en exécution son projet social plutôt que de répondre aux « provocations » d’une classe politique qu’il croit connaitre à fond.  Tous les scandales, mêmes ceux nés sous Alpha Oumar Konaré, Amadou Toumani Touré, Dioncounda Traoré, Amadou Haya Sanogo, sont mis sur le dos d’IBK, l’Etat étant une continuité.

Le président IBK est partagé entre une riposte éclaire et efficace comme il sait le faire et la sagesse qui consiste à ne pas verser de l’huile sur le feu. Il opte pour la seconde. L’opposition peut s’en réjouir et se donner à cœur joie. Marches anarchiques, dérapages sur réseaux sociaux, grèves répétitives aux relents de surenchère… Un front social qui se lève face à un régime hésitant ne sachant plus s’il faut réprimer ou sévir pour mettre de l’ordre ou laisse faire en espérant que cela n’aille pas loin.

En 1993-1994, certains activistes qui chauffent aujourd’hui les réseaux sociaux seraient arrêtés et foutus en prison ; des hommes politiques qui insultent et vilipendent à tout bout de champ seraient eux-aussi arrêtés. Mais, nous ne sommes plus dans les années 90 et IBK n’est plus le même « IBK ». L’âge a fait son effet. Et puis, les fonctions de chef de l’Etat ne sont pas à comparer avec celles de Premier ministre.

Le point faible d’IBK

IBK a été élu président de la République avec plus de 70% en 2013, certes, mais ce n’est pas grâce à la mobilisation de son parti, le RPM. Avant les élections de 2013, le RPM, selon certains observateurs, était à l’agonie. Ou, presque avec des envies de départ de plusieurs de ses cadres. La donne aurait été différente aujourd’hui si le président IBK disposait d’un appareil politique bien implanté et capable de rivaliser avec n’importe quelle formation politique. Ce n’est pas encore le cas du RPM, qui, malgré que son candidat soit élu président de la République, n’arrive pas à serrer les rangs ni à fédérer les énergies pour devenir une « véritable machine électorale ». Le président IBK, au début de son quinquennat, avait misé sur un certain fédéralisme politique qui allait se regrouper autour de son projet de société et composé essentiellement par les partis de la Majorité présidentielle. Là également, les responsables du RPM n’ont pas suivi cette vision et se sont laissés entrainés dans une guerre des postes. Conséquence : le fédéralisme n’a pas eu lieu et la convention des partis de la majorité s’est vidée de sa substance pour devenir une coquille vide qui ne peut opposer une résistance face à l’offensive tous azimuts d’une opposition bagarreuse et déterminée à ne pas se laisser compter pour les échéances futures.

IBK, est bien « seul » au milieu des loups venant des deux camps : majorité et opposition. Il voudrait bien pouvoir bien compter sur son parti le RPM mais dans ce parti, il manque indéniablement du charisme et nul ne peut reprocher à l’opposition d’en profiter.

Seul espoir pour le président, les mouvements associatifs qui se forment à son nom et constitués essentiellement de jeunes qui croient encore en sa capacité à redresser le Mali. Ces mouvements méritent d’être soutenus et encadrés car capables de porter la riposte contre l’envahissement de l’opposition politique prête à tous les coups pour réussir son objectif.

Faudrait-il encore que ces mouvements aient une oreille attentive et un guide qui connait les pièges politiques et capable de transformer les différentes énergies en force qui gagne.

Tièmoko Traoré

 

Le Pouce

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