Les 19 gendarmes tués, dimanche, après l’attaque du camp de Sokolo, dans la région de Ségou, par de présumés djihadistes. C’est l’unique sujet de cette interview, que le président de la République a bien voulu nous accorder. C’était dimanche dernier, aux environs de 14 heures, au Palais de Koulouba où, il nous a reçus. Entretien. Sans concession.
Après une relative accalmie, le Mali vient d’être, de nouveau, endeuillé par l’attaque, dimanche dernier, du camp de Sokolo, qui a fait 20 morts, tous des gendarmes. Qu’est-ce qui s’est vraiment passé à Sokolo ?
Pour l’heure, il m’est difficile de vous dire quoi que ce soit sur cette attaque, avant la fin des enquêtes qui se poursuivent sur le terrain.
Mr le président, les Maliens ne comprennent pas qu’après chaque attaque, les auteurs réussissent à se fondre dans la nature, comme par magie.
Moi, aussi, je n’y comprends rien. C’est pourquoi j’ai convoqué un conseil de crise au Palais de Koulouba, avec la hiérarchie militaire pour prendre des mesures fortes, afin que pareille chose ne se reproduise plus.
Autre question que se posent les Maliens : pourquoi les renforts mettent-ils du temps à arriver ?
Moi même, je ne comprends plus rien, Le Mollah.
Et nos fameux avions, où étaient-ils pendant tout ce temps ?
A mon humble avis, c’est le renseignement qui fait défaut à nos forces armées. C’est cet aspect qu’il faut corriger. Et le plus tôt serait le mieux.
Les Maliens se demandent comment une centaine de djihadistes à moto peuvent traverser des centaines de kilomètres dans notre pays sans être aperçus par qui que ce soit, avant qu’ils ne commettent leur forfait.
Même moi, Le Mollah, j’ai du mal à m’expliquer cela. A force de retourner toutes ces questions dans ma tête, j’ai perdu l’appétit. Jusqu’au moment où nous parlons, je n’ai pas pu gouter à mon « tô couché » qu’on m’a déposé sur la table à manger depuis 13 heures tapantes.
Que répondez-vous aux Maliens qui croient dur comme fer que ces présumés djihadistes bénéficient de l’appui tacite de puissances étrangères ?
Je refuse de croire que nos amis, censés nous soutenir contre ces djihadistes, soient leurs complices.
Certains Maliens citent, nommément, la France d’être derrière ces djihadistes présumés.
Encore un mot de ce genre sur la grande France et je t’envoie au gnouf pour « crime de lèse-majesté ».
Parce que, Mr le président, nos concitoyens ne comprennent pas pourquoi ces présumés djihadistes peuvent attaquer nos camps et disparaître sans être aperçus par nos populations et sans être rattrapés par les renforts dépêchés sur place ?
Que veulent-ils dire par là ?
Les Maliens veulent dire que tout se passe comme si, ces présumés djihadistes sont transportés avec leurs matériels par avion et ramenés, après leur forfait, par le même avion. Sinon, pourquoi ils n’ont jamais été aperçus, à leur arrivée, par les populations, et rattrapés par les renforts dépêchés sur le terrain.
Je crois qu’ils n’ont pas tort de penser ainsi. Surtout, avec la multiplication des attaques.
Qu’avez-vous instruit, Mr le président, à la hiérarchie militaire au cours de votre réunion de crise ?
Je ne peux vous le dire. Secret militaire.
Que leur avez-vous ordonné pour que pareille chose ne se reproduise plus dans nos camps ?
Secret militaire !
Qu’avez-vous à dire aux Maliens pour les rassurer ?
Maliens, Maliennes, continuez de me faire confiance. Tout est mis en œuvre pour mettre la main sur les auteurs de l’attaque du camp de Sokolo. Mais aussi, pour mettre les autres camps à l’abri des attaques terroristes.
Ce n’est pas la première fois que vous leur faites cette promesse …
Oui, je le sais bien ! Sauf que les choses ne sont pas aussi simples. Elles sont complexes. Très complexes. Trop complexes.
Je sais que nos concitoyens ont du mal à comprendre cela. Mais vous, gens de la presse privée… de presse, aidez-moi à faire comprendre à nos concitoyens que je fais le maximum pour être à hauteur de mission. Peut-être c’est insuffisant, mais nous ne baisserons pas les bras. Du moins, tant que notre pays n’est pas débarrassé de ces barbus, qui sèment la mort sur leur passage.
Propos recueillis par Le Mollah Omar
Source: Canard Déchainé