C’est dimanche dernier que la visite de 48 heures d’Ibrahim Boubacar Kéita a pris fin en Algérie. Le président de la république est en effet arrivé le samedi 18 janvier dans la capitale algérienne où l’avaient précédé depuis jeudi le ministre de la sécurité, le général Sada Samaké et le ministre de la réconciliation et du développement des régions du nord, Cheick Oumar Diarra. A sa descente d’avion le chef de l’Etat a été accueilli par le président du Conseil de la nation algérienne, Abdelkader Bensallah qui avait à ses côtés le ministre des affaires étrangères, Lamamra Ramtane et le ministre délégué chargé des affaires magrébines et africaines, Madjid Bouguerra. Cette visite a permis au chef de l’Etat d’avoir des discussions approfondies avec les différentes autorités algériennes notamment le président du Conseil de la nation et le premier ministre algérien auxquels il a accordé une série d’audience dans sa résidence d’Etat de la » Zeralda » sise à une cinquantaine de kilomètres d’Alger.
Au cours de l’audience à lui accordée par le président Abdel Aziz Bouteflika, IBK a été rassuré par son homologue de la pleine disponibilité de l’Algérie à accompagner le Mali dans ses efforts visant à consolider la sécurité et la stabilité, à préserver l’intégrité territoriale du pays et à réconcilier tous les Maliens, grâce au dialogue conformément aux valeurs ancestrales de cohabitation et d’entente qui ont toujours prévalu au Mali. Dans ce cadre, et à la demande des Maliens, l’Algérie a engagé des efforts en vue de contribuer aux démarches en cours de la communauté internationale pour promouvoir un dialogue national inclusif dans le respect des règles de la transparence, et cela en conformité avec les différentes résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies et du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine.
Bert Koenders, représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour le Mali, mais aussi Michel Reveyrand de Menthon, représentant spécial de l’Union européenne (UE) au Sahel, se sont rendus dans la capitale algérienne ces derniers jours. Tous deux ont fait des appels du pied à leurs hôtes pour qu’ils s’investissent davantage dans le dossier du Nord-Mali. Quant au ministre des affaires étrangères du Burkina Faso, Michel Bassolet, dont le pays a abrité courant juin 2013 les pourparlers entre Bamako et les groupes armés, il est attendu la semaine prochaine dans la capitale algérienne. Pour sa médiation, le gouvernement algérien a intensifié le 16 juin dernier ses contacts avec les groupes rebelles du Nord-Mali. Début janvier, une délégation du MNLA a été invitée à Alger et a accepté le principe d’une rencontre avec les autres groupes rebelles du Nord-Mali – HCUA et MAA – en vue d’une reprise des discussions avec le gouvernement malien. La réunion, organisée jeudi, a pourtant tourné court. Alors que la direction du MAA n’a pas reconnu la légitimité de sa délégation, le MNLA et le HCUA ont considéré que les Algériens devaient d’abord se joindre à la médiation internationale en place pour participer aux négociations. Le ministre algérien des affaires étrangères Lamamra Ramtane a déclaré que la communauté internationale a été informée de la démarche de son pays.
La coopération sécuritaire, il en a été beaucoup question au cours de ce voyage. Considérée par la communauté internationale comme incontournable dans la résolution de la crise malienne, l’Algérie est de plus en plus sollicitée pour jouer un rôle majeur dans la résolution de la crise au sahel. Le voyage du président malien s’inscrit dans cette perspective dont l’objectif principal selon des sources concordantes est la relance des négociations entre Bamako et les groupes armés du nord bloquées depuis plusieurs mois. Les mêmes sources indiquent que c’est à la demande de Bamako que l’Algérie va tenter de reprendre en main le dossier des négociations.
La première médiation internationale à Ouagadougou ne semble pas avoir satisfait Bamako. Les groupes armés auraient accepté d’accorder carte blanche aux autorités algériennes pour qu’elles prennent en main cette médiation.
Conflits d’intérêt, ingérence et présence de puissances étrangères sur le sol malien notamment au nord, la CEDEAO, la Minusma font qu’il est difficile de démêler l’ écheveau dans cette partie du pays. D’où la volonté de Bamako de réactiver l’accord de Ouagadougou signé au mois de juin dernier. Le gouvernement malien tient à désarmer les groupes armés pour relancer le processus de recherche de la paix au nord du mali. Les groupes armés contrairement à l’accord de Ouagadougou ne veulent pas lâcher du lest et ne veulent pas désarmer.
Pour l’Algérie qui s’est engagée dans la médiation, il s’agit de trouver un compromis mutuellement acceptable pour les deux parties.
Sur le plan bilatéral, le ministre de la sécurité, le général Sada Samaké a annoncé la tenue dans la première semaine du mois de février d’une réunion du groupe des experts de la commission bilatérale pour la surveillance des frontières algéro-maliennes pour examiner le problème sécuritaire le long des frontières communes entre les deux pays. Le ministre algérien Tayeb Belaiz a indiqué que cette rencontre bien que très brève entre les deux ministres a permis d’évoquer plusieurs questions notamment celles liées au développement des régions frontalières, la coopération entre les communes voisines ainsi que la coopération dans le domaine sécuritaire.
Dans cette perspective, les deux Chefs d’Etat ont décidé de réunir, dans le courant de l’année 2014, les différents mécanismes bilatéraux de coopération notamment le comité bilatéral frontalier et la grande Commission mixte de coopération algéro-malienne. De même ils ont décidé de renforcer les relations dans les domaines spécifiques suivants: La création d’un Comité bilatéral sur le Nord qui se réunira une fois par mois pour suivre la mise en œuvre des décisions en vue du règlement pacifique du problème du Nord; l’élaboration et la mise en œuvre d’arrangements de sécurité commune prenant en considération le renforcement de la coopération militaire, sécuritaire et la lutte contre le terrorisme et les trafics en tout genre; la mise en œuvre d’un programme spécial de développement économique des régions du Nord et des zones frontalières des deux pays ; la réalisation d’un programme spécial d’appui humanitaire au bénéfice des populations affectées des régions du Nord du Mali.
Abdoulaye DIARRA, Envoyé spécial à Alger Le ministre algérien des Affaires étrangères, Lamamra Ramtane : » Il faut tirer des enseignements des précédents accords signés sous l’égide de l’Algérie… »
Au cours d’ une conférence de presse conjointe tenue avec son homologue malien en marge de la visite du président IBK en Algérie, le ministre algérien des Affaires étrangères a déclaré que les discussions qui ont eu lieu entre les groupes armés maliens dans son pays ne sont que des » concertations préliminaires » en vue de relancer les négociations sur le nord du Mali. Ajoutant que celles-ci ne se dérouleront qu’au Mali. Il a réitéré que pour son pays, » l’avenir du Mali est dans son unité nationale, son intégrité territoriale, dans la réconciliation nationale et la démocratie « . Pour sa part, le chef de la diplomatie malienne, Zahabi Ould Sidi Mohamed a rappelé que l’approche de l’Algérie comme par le passé où elle a joué un rôle positif vise à trouver une » voie rapide « pour la reprise des négociations entre les Maliens. Il a précisé que ce sont les groupes armés qui ont demandé aux Algériens de les aider à préparer les négociations inclusives. C’est ainsi qu’il a estimé qu’ » il n’y a ni négociations secrètes ni agenda caché, la démarche algérienne vise à pacifier le Mali et parachever le processus de Ouagadougou « .
Le ministre Zahabi faisait notamment allusion à l’accord préliminaire de Ouagadougou signé le 18 juin 2013 entre les autorités transitoires et les groupes armés du nord du Mali. Il a reconnu que le dialogue est actuellement en panne et qu’il est nécessaire de le redémarrer. Même si l’identité de tous les groupes armés qui ont pris part à cette rencontre n’a pas été révélée, le ministre algérien a nié l’absence du MNLA. « Nous voulons aller plus vite et aider le président malien à pacifier le nord du pays afin de réaliser le programme sur la base duquel, il a été élu « a déclaré le diplomate algérien.
Parrain du pacte national et de l’accord d’Alger de 2006, le rôle de l’Algérie a souvent été dénoncé, car ces accords n’ont pas permis une pacification de la région. Aussi la complaisance de l’Algérie vis-à-vis de certains groupes armés a souvent ébranlé les relations entre les deux pays. Autant de remarques faites par les journalistes maliens lors du point de presse. En réaction, le chef de la diplomatie algérienne a indiqué qu’il est nécessaire de tirer les enseignements des précédentes négociations et voir ce qui a marché et ce qui ne l’a pas été. Rappelons que certains groupes armés avaient déclaré ne pas être concernés par les discussions en cours en Algérie. Cette réaction a été précédée par une manifestation organisée par les réfugiés du camp de M’Béra en Mauritanie qui ont exprimé leur hostilité à la reprise en main des négociations maliennes par l’Algérie. Cette conférence de presse aura donc permis de comprendre la démarche algérienne qui veut appuyer les différents protagonistes de la crise malienne à reprendre les négociations dans la capitale malienne. Comme l’a fait savoir le ministre des affaires étrangères «des démarches sont en cours pour que les discussions inclusives se tiennent au Mali et nulle part ailleurs, l’Algérie jouant un rôle de facilitateur».
Abdoulaye DIARRA
SOURCE: L’Indépendant