Le rappel de Toumani Djimé Diallo, désormais, ex-ambassadeur du Mali en France. C’est l’unique sujet de cette interview que le Chef de l’Etat nous a accordée. C’était, le week-end dernier, dans le bureau ovale de Koulouba où il nous a reçus. Entretien à haut risque.
Mr le président, Toumani Djimé Diallo, ambassadeur du Mali en France, vient d’être rappelé, brusquement, au Mali. Est-ce pour avoir dénoncé, devant la Commission Défense du Senat, ce qu’il appelle les « débordements » de certains soldats de la légion étrangère au Mali ?
C’est bien sûr pour cela. J’ai toujours dit que la France est un pays ami, un allié stratégique dans la lutte contre le terrorisme. Et tous ceux qui demandent le départ des troupes étrangères du Mali, particulièrement, celles de la France, sont des ennemis du Mali ; mais aussi, des complices des djihadistes. Sachant cela, je ne comprends pas comment l’ambassadeur du Mali en France, censé préserver notre amitié avec la « Grande France » puisse tenir de tels propos devant la Commission Défense du Senat. Donc, je confirme que ces propos sont indignes d’un pays ami et allié comme la France. D’où son rappel à Bamako pour « consultation ».
Rappel pour « consultation » ou limogeage ?
C’est du pareil au même. En diplomatie, on n’appelle pas un chat, un chat. C’est ce que Toumani Djimé Diallo n’a pas compris durant toutes ces années qu’il a passées au sein de la diplomatie malienne.
Selon nos informations, il a, encore, du mal à comprendre ce qui lui est arrivé.
Je peux le comprendre, mais il n’a qu’à s’en prendre à lui-même.
Nombre de Maliens peinent à comprendre que vous auriez pu faire cela à votre ami, votre compagnon de plus de 40 ans…
Entre l’amitié et l’intérêt du Mali, j’ai choisi le second. Parce que c’est pour cela que les Maliens m’ont élu. Parce que c’est la réaction de tout homme d’Etat digne de ce nom. Même si je connais le franc-parler de mon ami Toumani Djimé Diallo, il devrait s’abstenir de tenir de tels propos au nom de l’intérêt supérieur du Mali. Et, au nom de notre amitié.
Que répondez-vous, Mr le président, à nos concitoyens qui disent que Toumani Djimé Diallo n’a dit que la vérité ?
Quelle vérité ? Que les soldats de la légion étrangère exhibent leurs tatouages dans les rues de Bamako ? Ou, qu’ils prennent leurs pots dans les bars ?
A chacun sa vie privée, ses choix. Qu’est-ce que nous avons à foutre de leurs tatouages s’ils font le job pour lequel ils sont dans notre pays ? N’importe quoi !
Mr le président, ce n’est pas la première fois que les Maliens se plaignent des comportements des troupes étrangères. Ce fût le cas, en 2014, avec les soldats de la Minusma, qui se prélassaient dans les hôtels et les restaurants, en galante compagnie, pendant que les civils se faisaient tuer, racketter et violer par les groupes armés au Nord de notre pays.
Ce sont là des choses inadmissibles. C’est, d’ailleurs pour cela, que les troupes de la Minusma ont été redéployées au Nord du pays. Et leur quartier général, transféré dans la périphérie de l’aéroport de Bamako-Senou.
Si Toumani Djimé Diallo avait donné des exemples de ce genre, on pourrait le comprendre. Même si c’est le cas avec les soldats de la légion étrangère, il y a une procédure à suivre. L’information doit être transmise aux états-majors des deux pays, qui la fera remonter au niveau politique pour suite à donner.
Mais Toumani Djimé Diallo n’a, semble-t-il, rien vu d’autre que des tatouages. Ces soldats sont libres de se faire tatouer ce qu’ils veulent et où ils veulent.
Donc, pour que ce soit clair pour tout le monde, Toumani Djimé Diallo est limogé ?
C’est bien cela !
Et qui va le remplacer ?
Je n’ai pas encore nommé quelqu’un à sa place.
Pensez-vous, déjà, à quelqu’un ?
Bien sûr !
De qui s’agit-il ?
Je ne vous dirais pas son nom
Et Toumani Djimé Diallo, qu’adviendra-t-il de lui ?
Sais pas ! peut-être qu’il sera mon conseiller spécial ou le futur secrétaire général de la présidence…
Ou bien, il va gonfler le rang de vos opposants ?
Il n’ose pas. On se connaît bien, très bien, trop bien, pour cela. Jamais, il n’acceptera de jouer ce jeu dangereux. Je sais de quoi je parle.
L’avez-vous appelé, depuis cet incident diplomatique ?
Oui, je l’ai appelé pour lui dire de faire, rapidement, ses cartons et de rentrer à Bamako.
Que vous a-t-il répondu ?
Il a mis quelques secondes avant de me répondre en ces termes : entendu Mr le président.
Il n’a rien dit d’autres ?
Je ne lui ai pas donné le temps. Je vous l’ai dit : je le connais plus que moi-même. Alors…
Que lui diriez-vous quand vous le reverrez ?
Je l’inviterai, dès la semaine prochaine, à partager un bon plat de riz à la sauce pâte d’arachide à la maison. Nous en profiterons pour évoquer nos souvenirs.
Propos recueillis par Le Mollah Omar
Source: Canard Déchainé