Même si officiellement le blocage dans la composition du gouvernement de Boubou Cissé est dû à l’exigence de l’Opposition plurielle au Président de la République pour la signature d’un accord politique, force est de constater que c’est l’URD qui refuse d’adhérer à n’importe quel prix à une équipe gouvernementale sans un minimum de garantie. Soumaila Cissé, voyant son heure très proche d’accéder au pouvoir suprême, n’accepterait pas de se compromettre facilement pour des broutilles, d’où sa réticence. Au regard de la gravité de la crise et craignant la grande capacité de mobilisation de l’URD, IBK pourrait-il mettre en place un gouvernement sans le parti du chef de file de l’Opposition ? Quelles pourraient être les conséquences d’une telle aventure ?
Sans jeter l’anathème sur les autres partis de l’Opposition, le PARENA et l’URD semblent être les deux partis qui ont donné à l’Opposition malienne son lustre d’antan ainsi qu’un nouveau souffle. Ils ont tenu la dragée haute durant le quinquennat d’IBK. Tiébilé Dramé et Soumaila Cissé ont animé le front de l’Opposition, pas par la violence, mais par des critiques objectives, des rapports détaillés sur les différentes crises et surtout par des propositions concrètes. Grace à leur vigilance et leur combat, le peuple est sorti de l’obscurité. L’URD et le PARENA, en compagnie d’autres partis, ont également animé le front de l’alternance en 2018, avec un bilan mitigé. Aujourd’hui, il est question d’aller à un gouvernement d’union nationale pour sortir le Mali de la crise multidimensionnelle. Les deux gros animateurs du front de l’Opposition ne semblent pas avoir la même grille de lecture et le front risque de voler en éclats, car selon nos informations, le PARENA serait favorable à un gouvernement de large ouverture avec ou sans l’accord politique contraignant, tandis que l’URD exigerait cet accord politique avant de s’engager dans une aventure à l’issue incertaine. Pourrait-on mettre en place un gouvernement sans l’URD dans le contexte actuel du Mali ?
En le faisant le pays pourrait courir trois risques majeurs :
Le premier risque serait le manque de consensus autour des réformes
Sans consensus, l’URD de par son implantation à travers le pays, pourrait s’opposer à la révision constitutionnelle et manipuler l’opinion pour la même cause en évoquant les différentes embuches. Elle pourrait convaincre une frange importante de l’opinion à ne pas adhérer au projet de révision constitutionnelle. Surtout que des voix commencent à s’élever pour juger de l’inopportunité de la révision constitutionnelle dans un pays en proie à une insécurité grandissante.
Le deuxième risque serait la levée des boucliers des travailleurs
Le moratoire sur les revendications corporatistes sollicité aujourd’hui par le pouvoir aux travailleurs, ne verrait pas le jour. L’URD, étant dans l’Opposition et ayant des élus à l’Assemblée Nationale, connaissant le train de vie de l’Etat pourrait attiser le feu en disant aux travailleurs de ne pas céder d’un iota sur leurs revendications. Donc, face à la grogne sociale, aucun gouvernement ne pourrait résister. Le risque d’une paralysie de l’économie est très probable.
Le troisième risque serait un soulèvement populaire
Après six ans de turbulence politique, de crise gravissime, de grogne sociale où tous les secteurs ont observé des heures, voire des mois de grève, le régime IBK ne pourrait plus se permettre de continuer à maintenir le pays dans la léthargie, dans l’irresponsabilité, d’une telle impuissance, au risque de provoquer un soulèvement populaire. Or, tous les ingrédients seraient réunis, s’il mettait à la touche le principal parti de l’Opposition, l’URD.
En définitive, IBK a entre ses mains son destin politique, car l’essentiel n’est pas de se hisser au sommet, mais d’y rester. Le Mali a souffert, il souffre encore, alors aucune concession ne serait de trop pour le sortir de l’ornière. Au premier responsable de comprendre cela.
Youssouf Sissoko
Source: Infosept