Dans les régions disputées par différents groupes armés, les humanitaires doivent procéder à des arbitrages pratiques en permanence. Deux exemples dans la région du Sahel, zone de conflit troublée.
L’assassinat glaçant de sept travailleurs humanitaires et de leur guide dans un parc naturel du Niger, le 9 août dernier, a fait remonter à la surface médiatique de nombreux stéréotypes erronés sur la pratique humanitaire en zone de conflit armé. Deux registres de discours opposés ont notamment été mobilisés, celui de l’héroïsation du travailleur humanitaire, sauveur intrépide des populations en danger, et celui, à tendance conspirationniste, de la suspicion, présentant les humanitaires comme agents infiltrés des États ou des puissances internationales… quand ils ne sont pas complices des mouvements djihadistes.
Ces discours se déclinent à plusieurs échelles (locales ou globales), résultent de motivations diverses (naïves ou carrément malveillantes) et sont de fait très bien connus des humanitaires. Une partie du travail de ces derniers en zone de conflit armé consiste précisément à savoir ce qu’on dit d’eux, car cette information est déterminante pour l’acceptation ou non de leur présence sur le terrain et, in fine, pour la sécurité de leurs opérations et de leur personnel. Toute distorsion de leur image à leurs dépens peut avoir des conséquences fatales.
La saturation par des informations contradictoires de l’environnement où travaillent les humanitaires gêne leurs opérations. Ils préfèrent par conséquent travailler dans la discrétion. Une certaine confidentialité garantit l’efficacité de l’action. En contrepoint de ces discours polarisés, nous souhaitons donner ici un bref aperçu de ce qu’est l’activité humanitaire dans les zones du Sahel disputées militairement et politiquement par différents groupes armés, étatiques ou non.
Nous insistons sur les arbitrages pratiques perpétuels, mais encadrés au plan organisationnel, que sont conduits à faire les humanitaires pour mener à bien leurs actions. Les humanitaires dans une zone grise et volatile Les humanitaires se sont dotés d’une mission « noble » (aider les populations vulnérables), encadrée par des principes transcendants a priori consensuels.
Mais rien ne va de soi dans l’espace dans lequel ils s’insèrent. L’information qu’ils peuvent glaner est parcellaire et peut être manipulée ; les ressources qu’ils distribuent sont l’enjeu de compétition ; les populations ne sont pas que victimes, elles sont aussi politiquement actives et poursuivent des stratégies propres.
Enfin, les humanitaires se présentent face aux acteurs armés dans un rapport fortement asymétrique : les premiers n’ont pas d’armes, les seconds si. Et ces derniers peuvent être alternativement source de protection ou de danger. Par ailleurs, les organisations humanitaires se positionnent les unes par rapport aux autres dans un univers concurrentiel. Prendre en charge la gestion de tel hôpital ou camp de réfugiés dans telle localité est souvent loin d’être le produit d’une concertation bienveillante. En cas de communication maladroite sur le terrain, ces choix peuvent être perçus à tort par les communautés et/ou les porteurs d’armes comme du « favoritisme » et/ou comme un choix délibéré pour exacerber les tensions locales. Dans cet espace complexe et changeant, les principes humanitaires servent au mieux de boussole pour l’action mais ne sauraient dicter la myriade de choix à effectuer quotidiennement. Les humanitaires opèrent donc dans une zone grise volatile et sont sujets à l’erreur.
Les opinions exprimées dans ce blog sont celles des auteurs et ne reflètent pas forcément la position officielle de leur institution ni celle de l’AFD.
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