Le 7 mars 2006, Ali Farka Touré s’éteignait à Bamako. Alors que les initiatives pour honorer sa mémoire fleurissent au Mali et dans la sous-région, dix ans après sa disparition, que reste-t-il du guitar hero malien ?

« La mort a enlevé son âme, mais son nom reste gravé jusqu’à la fin du monde », explique au téléphone depuis Bamako, la diva de Tombouctou Haïra Arby, qui a commencé sa carrière aux côtés de feu Ali Farka Touré. Sur la scène du Centre International de Conférences de Bamako (CICB), samedi 5 mars, elle a repris le morceau Hilly Yoro, accompagnée par le Ali Farka Touré band. Avec elle, la nuit durant,« toute la crème de la musique malienne » a honoré la mémoire du guitar hero de Niafunké, en puisant dans son très large répertoire.Alors que le label World Circuit prépare une compilation d’inédits, au Mali, dix ans après sa disparition, les hommages se multiplient pour que demeurent son ouverture culturelle et son héritage artistique.
Rue Ali Farka Touré
La Fondation Ali Farka Touré (FAFT), qui avait déjà installé en 2014 une statue à son effigie à Lafiabougou, son quartier de Bamako, posera lundi 7 mars dans l’après-midi la première pierre de la rue pavée à son nom. Et au fil des prochains mois, un Tribute to Ali, porté par ses musiciens historiques, entourés de Vieux Farka Touré, Afel Bocoum et Samba Touré tournera au Masa d’Abidjan, Dakar, Conakry et au festival Jazz à Ouaga.
Immense artiste, guitariste talentueux, Ali Farka Touré a porté haut les couleurs de la musique malienne sur les scènes du monde. Il fut le premier à puiser dans le très riche répertoire traditionnel peul, songhaï, bozo et touareg du nord du Mali. Très attaché à sa région, il y rentrait entre deux tournées, lorsque son emploi du temps le lui permettait.
Il fut maire de la commune de Niafunké, à 250 km au sud de Tombouctou et il a beaucoup œuvré pour les artistes locaux et les villages environnants. Ainsi, la petite ville a aussi souhaité lui rendre hommage la semaine dernière. Pendant trois jours de festival, des artistes de toute la région ont partagé une scène en plein air devant mille personnes. « Cela n’était pas arrivé depuis 2011, à cause de la guerre. Les gens sont venus des villes alentour par le fleuve et la route, c’est un signe que la confiance revient petit à petit », rapporte Cheikh Maïga, directeur de la radio rurale Issa Ber, qui a retransmis le concert sur ses ondes.
Initiative locale, portée par les jeunes rockers du groupe Alkibar Junior, le festival Soko n’était pas officiellement dédié à Ali Farka. Cependant « du début à la fin, on ne parlait que de lui, et les artistes ont tous joué un morceau d’Ali. La région ne peut pas se défaire de sa musique », rapporte Cheikh Maïga.
Pépinière
Ali Farka était un notable, respecté et écouté et dans le contexte de turbulences qui a secoué le nord du Mali, sa présence laisse un vide immense. « Les gens pensent que s’il avait été là, il aurait pu nous ramener la paix. Dans ses chansons, il rappelait toujours que nos différences faisaient notre richesse et notre beauté », précise Cheikh Maïga.
Premier artiste malien à remporter un Grammy Award – il en glanera trois dans sa carrière-, il mit en exergue l’exceptionnelle diversité culturelle du nord du Mali, et reste une référence pour les artistes sahariens, comme les Maliens Tinariwen ou le Nigérien Bombino.
« Au Nord, on pourrait presque parler de ‘pépinière Ali Farka’… Songhoy Blues, par exemple est un rameau qui fleurit à partir de son répertoire » précise Aly Guindo, directeur de la FAFT.
A Niafunké, plusieurs artistes revendiquent ouvertement l’héritage du guitariste : Afel Bocoum, Aly Magassa et les musiciens avec lesquels il avait l’habitude de jouer, mais aussi la jeune génération, les rockeurs d’Alkibar Junior, ou plusieurs rappeurs locaux, comme Ablo le Bandit, qui samplent sa musique.
Mais pour Haïra Arby, le charisme et la force de la musique d’Ali Farka Touré transcendent les frontières et les 800 kilomètres de latérite et de poussière qui séparent Niafunké de Bamako : « Il était du Nord bien sûr, mais surtout du Mali tout entier. Plus largement, ses doigts magiques et ses œuvres appartiennent à toute l’Afrique ». Dans le cœur de ses fans et dans la musique de tous ceux qu’il aura inspirés, l’étoile Ali Farka n’a pas fini de briller.
Tribute to Ali, avec Ali Farka Touré Band, Vieux Farka Touré, Afel Bocoum et Aly Magassa en tournée le 9 mars à Abidjan, le 30 avril à Niamey, le 3 mai au festival Jazz à Ouaga, le 14 mai à Dakar, le 27 mai à Conakry.
Source: RFI