C’était «La voix du Nord», a témoigné cet autre artiste en apprenant le décès de Haïra Arby, cette grande cantatrice qui a rayonné de milles feux aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Elle a rendu l’âme dimanche dernier, en fin d’après-midi, à l’hôpital «Mère enfant» dénommé hôpital du Luxembourg.
Née en 1959 à Tombouctou, Haïra Arby commence très tôt la musique. A 11 ans déjà, elle prenait part à sa première Semaine locale et régionale de la jeunesse. La jeune choriste débarque à Bamako en 1970 avec la troupe de Gao.
Cette Tombouctienne a émergé de la Biennale artistique et culturelle aux côtés d’une autre star Fissa Maïga. Toutes les deux ont donné à l’époque des lustres à la Région de Gao dont relevait Tombouctou. En effet, après Fissa, c’est Haïra Arby qui a permis à la 6è région de remporter son second trophée dans la discipline du solo de chant. Une autre voix féminine venait ainsi de naître dans cette partie de notre pays. Rebelle et persévérante, Haïra Arby a convaincu un père autoritaire et un mari qui refusaient qu’elle monte sur scène. Elle était donc, en fait, une femme en colère, qui n’avait d’armes que sa voix et ses chants pour défendre la femme qu’elle estimait en droit de poursuivre son bonheur dans un monde contemporain où il est permis à tout le monde de rêver. La grande dame a vu son rêve se transformer en réalité.
Après son divorce, elle réalise un premier album intitulé «Moulaye», avec l’aide de l’orchestre régional de Tombouctou : le «Djaba». Quelques années plus tard, c’est «Halla» qu’elle sort. Ces deux premiers albums lui permettent d’accéder à une reconnaissance aussi bien au plan national qu’international. Haïra Arby sera l’ invitée de plusieurs grandes manifestations à travers le Mali mais aussi en Tunisie, au Maroc et en France. Elle reçoit le soutien d’un autre grand artiste en la personne de Aly Farka Touré, qui lui offre des instruments pour un orchestre. Ce qui permettra à la cantatrice de mieux répondre aux nombreuses sollicitations de représentation dont elle était l’objet. Son troisième album intitulé «Ya Rassoul» lui offre l’opportunité d’une tournée internationale à travers le Niger, la France, les États- Unis d’Amérique.
L’année 2011 constitue une étape importante dans la carrière de Haïra Arby. Mais c’est en 2017 qu’elle décide de produire «Timbuktu tarab», un album en 12 titres dont le lancement a lieu le vendredi 7 janvier dernier à Tombouctou lors du festival au Désert. «Timbuktu Tarab» signifie Tombouctou, ma patrie. Il a été enregistré en partie au studio en bogolan à Bamako et une autre partie à «Pop Corne Lab» à Paris. Le titre phare «Diaba» est une danse authentique de Tombouctou. Dans les autres titres, elle fait les louanges du Prophète Mohamed (Paix et Salut sur Lui), l’éducation des jeunes, les violences faites aux femmes.
En fait, Haïra Arby a mis sa tournée américaine à profit pour présenter certains morceaux de cet album au public de New York, Seattle, Chicago, Minneapolis, Washington, Baltimore etc. «Je suis prête», tel était le leitmotiv que la diva Haïra Arby ne cessait de répéter depuis ses débuts en musique. En comparant sa voix aux dunes de sable épurés et ondulants qui entourent Tombouctou, certains n’hésitent pas à la surnommer «la Perle du désert. Lors de l’édition spéciale de la Biennale artistique et culturelle du mois de décembre 2017, elle était le principal soutien de l’orchestre de la nouvelle région de Taoudénit.
Du point de vue récompense, Haïra Arby est Chevalier de l’ordre national du Mali depuis 2009. Elle laisse cinq orphelins et de nombreux petits enfants inconsolables. Haïra Arby a été conduite à sa dernière demeure lundi dernier par une foule d’artistes, de parents et de collaborateurs
Youssouf DOUMBIA
L’Essor