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Hommage à ATT: adieu Amadou Tout Terrain

L’ancien Président Amadou Toumani TOURE, ATT, qui a dirigé le pays de 2002 à 2012 avant d’être renversé par un coup d’État militaire, est mort dans la nuit du lundi 9 au mardi 10 novembre 2020, en Turquie où il était évacué pour des raisons sanitaires, à l’âge de 72 ans. ATT avait subi récemment « une opération du cœur à l’hôpital du Luxembourg de Bamako, qu’il a créé. Tout semblait aller bien. (…) On a décidé ensuite de l’évacuer sanitairement. Il a voyagé sur la Turquie, très récemment, par un vol régulier. Malheureusement, il est décédé dans la nuit de lundi à mardi », informe un médecin de médecin de l’hôpital.

Amadou Toumani TOURE dit ATT, né le 4 novembre 1948 à Mopti (Soudan français, actuel Mali) et mort le 10 novembre 2020, est un militaire et homme d’État. Il est Président de la République du 8 Juin 2002 jusqu’au coup d’État du 22 Mars 2012.
Ceux qui l’ont aimé comme ceux qui l’ont détesté restent tous sans voix à l’annonce de la mort de ce grand homme qui ne pouvait pas et ne devait pas mourir en exil. Homme de paix, il a toujours privilégié le dialogue sur l’emploi de la force. Il en a administré la preuve dans son pays (Accord d’Alger du 4 Juillet 2006, pour la restauration de la paix, de la sécurité et du développement de la Région de Kidal, accueil des combattants touareg rentrés de Libye…), mais également dans les pays des Grands Lacs, lors de ses missions de médiation. Mais, la guerre, le Général savait se résoudre à la mener quand elle s’imposait à lui. Le 21 mai 2008, le camp militaire de Abeïbara est attaqué par des rebelles avec à leur tête Ibrahim Ag BAHANGA. Le bilan serait lourd. Ce fut un carnage : 10 militaires et 17 «assaillants» ont été tués et 31 blessés, précise une source militaire proche du ministère de la Défense. Tandis que selon un communiqué de la rébellion, le bilan est de 2 chars détruits, 60 militaires faits prisonniers, côté armée malienne, et de 2 blessés légers et un mort côté touareg. C’en été trop. Cette fois-ci, le Président ATT est prêt à assumer l’option de la fermeté. En tournée dans la région de Kayes, au moment de l’attaque meurtrière, il fulmine : ‘’Abeïbara ne restera pas impunie’’, tout en invitant les populations maliennes à ne pas céder à l’amalgame, parce que toutes les peaux claires ne sont pas des rebelles.
Le nom du Président ATT restera étroitement lié à l’avènement de la démocratie multipatisanne dans notre pays et aux réformes démocratiques mises en œuvre durant ses deux mandats. Il est celui qui a mis un terme au régime du Président Moussa TRAORE, par un coup d’État militaire, en pleine révolution populaire, pour organiser une conférence nationale avant de céder le pouvoir à un Président démocratiquement élu, après avoir dirigé le Comité de transition pour le salut du peuple qui gouverne le pays du 26 mars 1991 au 8 juin 1992.
Aussi, son nom restera inscrit dans le marbre des grands bâtisseurs de ce pays. Au plus fort de ses œuvres, votre Quotidien l’avait surnommé Amadou Tout Terrain (ATT). Construction de routes, de ponts, de logements sociaux, il était sur tous les chantiers, lui qui avait fait sienne cette formule : ‘’la route du développement passe par le développement de la route’’. Le sens de l’humour de l’ancien Président Amadou Toumani TOURE, ses cousinages à plaisanterie laisseront à jamais nostalgiques plus d’un de ses compatriotes qui avaient pris goût à ses histoires drôles qui étaient les supports de messages pas du tout drôles. Si un coup d’État a mis un coup d’arrêt brutal à sa présidence, alors qu’il n’était qu’à quelques semaines de la fin de son mandat, il le prend comme un coup du sort et continue à mettre le Mali au-dessus de sa modeste personne. Il démissionne de ses fonctions pour permettre au Président de l’Assemblée nationale, le Pr Dioncounda, d’assurer la présidence par intérim, dans le strict respect de l’esprit de la Constitution du 25 Février 1992. Dans ce dossier que nous consacrons à celui qui a présidé pendant plus de 9 ans aux destinées de ce pays, exception faite de l’intermède de la Transition, nous ferons une rétrospective sur le soldat de la démocratie et le grand bâtisseur, l’ami des enfants, le premier défenseur de la patrie face à la déferlante jihadiste. Retour sur le parcours d’un homme d’exception, au parcours exceptionnel.

ATT, le grand soldat de la démocratie et le bâtisseur
Le militaire, l’homme politique ou l’humanitaire, l’ancien Président de la République du Mali, Amadou Toumani TOURE (ATT), a tiré sa révérence, à 72 ans, à Istanbul, ce 10 novembre 2020. Même si le destin de son régime a basculé en 2012 à 45 jours de la fin de son second quinquennat, suite à ce que d’aucuns considèrent comme le coup d’État le plus stupide de l’histoire, ATT aura marqué l’histoire du Mali, à travers ses multiples initiatives et actions sur la scène politique et les chantiers du développement du pays.

ATT, le bâtisseur
Malgré sa gestion controversée du pouvoir de 2002 à 2012, le Président ATT, au cours de règne à la tête du Mali, est à l’origine de plusieurs réalisations importantes d’infrastructures, des logements sociaux aux infrastructures routières.
Le Président ATT disait en 2002 : « Un de mes objectifs majeurs est de pouvoir faciliter l’accès à un logement décent pour tous en renforçant la politique de l’habitat. C’est pour y parvenir que l’État a doté la Banque de l’habitat du Mali de ressources financières appropriées. Dans ce dispositif, les promoteurs privés doivent aussi jouer pleinement le rôle qui leur est dévolu. Pour desserrer certaines contraintes de coûts, j’ai instruit au gouvernement de porter une attention toute particulière au projet de construction de cimenteries au Mali ».
Ce discours de campagne du soldat du développement a été concrétisé dès sa prise de fonction. Ainsi, ATT lance le programme de réalisation des 1 008 logements qui s’inscrivent dans le cadre de la politique gouvernementale en matière de logement, couramment appelée Stratégie nationale de logement (Snl). L’objectif principal de cette Stratégie nationale du logement est de permettre au gouvernement du Mali d’améliorer les conditions dans le pays en favorisant notamment l’accès à un logement décent pour les populations à faibles revenus, constituant aujourd’hui le plus grand nombre.
Le 5 mai 2004, le Président de la République a inauguré, sur le Site de Yirimadio en commune VI du District de Bamako, en présence des membres de son cabinet, du gouvernement, des institutions, du corps diplomatique, des services techniques et des bénéficiaires…
Sur un programme de 3 500 logements sociaux annoncé par le chef de l’État dans son message du Nouvel an 2003, en 2010, le régime avait à son compteur, la réalisation de 2 085 logements sociaux, dont 1700 au compte du programme gouvernemental et 385 dans le cadre du Partenariat public privé (PPP) ; l’achèvement des travaux d’aménagement du lit du collecteur naturel « Diafarana-kô », sur plus de 6,50 Km, en Communes III et IV du district de Bamako.
Le pont de l’amitié sino-malienne est également une réalisation far du Président ATT. Il s’agit d’un pont traversant le Niger, à Bamako. Il a une longueur de 1 627 kilomètres et une largeur de 24 mètres. Son coût, d’un montant de 30 milliards de francs CFA (65 millions de dollars américains) et a été entièrement financé par la Chine. Inauguré en 2011, l’ouvrage gigantesque, impressionnant, beau est ouvert à la circulation après 27 mois d’intenses travaux menés par les ingénieurs et les ouvriers chinois et maliens. Tout le travail a été bouclé huit mois avant le délai contractuel qui expirait en avril 2012. Les travaux qui ont coûté plus de 30 milliards FCFA ont été entièrement financés par un don du gouvernement chinois.
À ces réalisations s’ajoute, l’autoroute Bamako-Ségou, dont le lancement des travaux a été fait un 25 octobre 2010 pour un coût de réalisation de plus de 180 milliards FCFA. Une première pour notre pays de se doter d’une telle infrastructure. Le chef de l’État était accompagné pour la circonstance d’une forte délégation chinoise conduite par l’ambassadeur de la Chine au Mali, Zhang Guoqing, dont le pays finance une grande partie des travaux. Le projet sera aussi exécuté par l’entreprise chinoise «China Road and Bridge Corporation».
Cette route qui a pour base de départ «la Tour de l’Afrique», au niveau de Faladié en commune VI du district de Bamako, est un axe vital et primordial pour le développement économique durable du Mali.

Le Grand soldat de la démocratie
Ce 26 Mars 1991 tourne la page de plusieurs semaines de répressions violentes des manifestations de travailleurs et d’étudiants qui réclament des conditions de vie meilleure. Le général Moussa TRAORE venait d’être renversé par un coup d’État militaire conduit par des officiers. Amadou Toumani TOURE, chef d’orchestre de ce putsch militaire, confiera plus tard qu’il ne pouvait plus en tant que soldat, « regarder les populations civiles, se faire tuer sans réagir ».
En prenant le pouvoir, il donne tout de suite une idée de ce que sera sa mission, par le nom donné au groupe de militaires « putschistes » qu’il dirige : Comité de réconciliation nationale (CNR), le nouvel exécutif du pays. Dès le 29 mars le CNR se mue en Comité de transition pour le salut du peuple (CTSP). Des civils issus du mouvement associatif, (les partis politiques sont interdits), peuvent alors siéger aux côtés des officiers dans un nouveau gouvernement. Dès lors, quatorze mois de transition vont jeter les bases de la 3e République malienne. Plongés dans une douce béatitude, les Maliens découvrent et apprécient les espaces de liberté et d’expression qu’un État peut instaurer et garantir. Les qualités de négociateur de ATT ont permis au Comité de transition pour le salut du peuple (CTSP) de soumettre au peuple, et à un rythme soutenu, des mesures pour l’instauration d’un régime démocratique : tenue d’une Conférence nationale, dont il dirige les travaux (cas unique en Afrique où le président de la République préside la conférence nationale), charte des partis politiques, suppression des juridictions d’exception, projet de constitution, code électoral, liberté de la presse, signature d’un pacte de paix avec la rébellion touarègue dans le nord du pays, référendum constitutionnel, élections municipales, élections législatives et enfin élection présidentielle en avril 1992 à laquelle, bien entendu, il ne participe pas. C’est aussi une première en Afrique.
Le lieutenant-colonel Amadou Toumani TOURE et le Comité transitoire pour le salut du peuple dissolvent l’UDPM et mettent un en place un gouvernement civil, avec à la tête, Soumana SACKO. Le régime promet le retour rapide à une vie démocratique normale.
À l’issue d’élections démocratiques, il remet le pouvoir au nouveau président élu Alpha Oumar KONARE. On le surnomme alors le « soldat de la démocratie ».

L’humanitaire
Selon Didier Samson, dans les archives de RFI, après une transition démocratique appréciée par le monde entier, l’ancien président américain, Jimmy Carter, ne laisse point le temps de la réflexion à l’ancien chef de l’État. Il sollicite ses compétences et services, cinq mois seulement après son départ du pouvoir, pour des œuvres humanitaires. Et le revoilà parti pour de nouveaux défis. En août 1993, il crée sa propre Fondation pour l’enfance, avec le soutien de son épouse, elle-même sage-femme. En regardant leurs trois enfants grandir, c’est aussi aux « petits Maliens » qu’il pense.
« Aujourd’hui, l’avenir des enfants grandissant dans nos villes en expansion non contrôlée, tend à devenir beaucoup plus difficile que celui des parents ayant grandi le plus souvent à l’abri de valeurs et de styles de vie traditionnels procurant un filet de sécurité sociale », annonce-t-il. Cet épisode le conduira également dans le giron des organisations internationales.
Ainsi, sollicité par l’Organisation mondiale de la santé, il est membre du Comité international pour la lutte contre la poliomyélite en Afrique et parraine des actions ponctuelles d’organisations non gouvernementales à travers le monde et qui travaillent en direction de l’Afrique. Les membres du Réseau interafricain en faveur des enfants de la rue, le portent à la présidence de leur mouvement. Bref, le général en disponibilité de l’armée de son pays se reconvertit progressivement à l’action humanitaire avant d’être rattrapé par la politique. « La culture de la démocratie et la paix doivent occuper constamment notre esprit », disait-il, lorsqu’il était encore président du Mali.
Pendant cette mission, les instances onusiennes et l’OUA s’en sont souvenues et se sont rappelées au bon souvenir de l’homme politique qui savait jouer avec le temps sans brûler les étapes tout en orchestrant un changement radical de comportement. Ils lui confient des missions de médiation en République centrafricaine, en prise à des mutineries, dans la région des Grands Lacs où les pays sont en guerre. Il participe également aux commissions d’observation des élections en peu partout en Afrique. À ce titre, l’Observatoire panafricain de la démocratie lui décerne en 1996 une distinction de « promoteur de la culture de la démocratie en Afrique ».
En juillet 2001, il reçoit les félicitations spéciales du Conseil de sécurité de l’ONU et de son secrétaire général pour la « qualité » de la conduite de toutes les missions qui lui ont été confiées.
Ces félicitations qui sont pour lui une satisfaction personnelle ont, par ailleurs, pris la forme de remerciement pour solde de tout compte. ATT est peu à peu gagné par le virus de a politique. Dégagé de toutes ses « obligations » internationales, il se dégage aussi, quelque temps plus tard, de ses « obligations militaires » en donnant sa démission de l’armée malienne.
Le futur candidat à l’élection présidentielle prend ainsi date pour un nouveau challenge. Mais les défis ne sont plus les mêmes. L’homme intègre, volontiers appelé « sage », immergé dans l’arène politique pourra-t-il résister longtemps aux intrigues politiciennes où les « combines » font partie du jeu ?
Ce militaire (para-commando) qui n’a rien d’un tueur risque de s’y « brûler les ailes » disent ses amis restés membres d’organisations humanitaires et non gouvernementales.
« ATT est volontaire et courageux. Il n’a pas peur d’aller au feu », précisent-ils. C’est peut-être cette culture militaire qui s’additionne à ses propres qualités humaines pour faire de lui un homme d’exception. Mais ses adversaires disent de lui qu’il est fin calculateur. Sa carrière internationale est « savamment orchestrée » en vue d’un retour programmé de longue date.

L’homme du consensus
Dix ans après avoir rendu le pouvoir aux civils et un mandat plus tard, voilà l’ex-général consacré par le suffrage universel. La mise en place d’une large coalition avec l’arrivée au pouvoir, en 2002, d’une personnalité indépendante, Amadou Toumani TOURE (dit « ATT »), a constitué une opportunité pour toutes les formations politiques marginalisées par les dix années de règne ADEMA. Cependant, l’indépendance revendiquée du chef de l’État a-t-elle un sens dans un pays aux 106 partis politiques ? De quelles ressources (non politiques) « ATT » disposait-il pour l’emporter face à de puissantes machines électorales comme l’ADEMA, le Rassemblement pour le Mali (RPM) ou le Congrès national d’initiative démocratique (CNID), rompus au fonctionnement complexe du champ politique malien ? Plus généralement, a-t-il fait le choix de la liberté face aux partis politiques ou, au contraire, s’est-il simplement contenté de tous les choisir ?
« Hier chef d’État élu sans parti politique, avec un Parlement dans lequel aucune formation ni coalition ne disposait de la majorité absolue, voici ATT réélu avec le soutien de l’Alliance pour la démocratie et le progrès (ADP, qui regroupe quarante-quatre chapelles, dont l’Adema d’Alpha Oumar Konaré, aujourd’hui président de la Commission de l’Union africaine et bien loin des empoignades postélectorales). Et aussitôt contesté par les quatre candidats du Front pour la démocratie et la République (FDR, dont le RPM du président de l’Assemblée nationale sortante, Ibrahim Boubacar KEITA, et le PARENA de l’ex-ministre des Affaires étrangères, Tiébilé DRAME).
À l’approche du scrutin présidentiel, le consensus qui a prévalu jusque-là a été rangé aux accessoires de la démocratie malienne. Pour les uns, il passe pour une rustine qui masquerait la corruption, le malaise de l’école et de la jeunesse, dont l’exil serait la seule planche de salut. Pour les autres, il a montré ses limites, neutralisé toute opposition, rendu sans objet tout débat. À leurs yeux, ATT, l’homme de la transition tranquille de mars 1991 à juin 1992 chercherait à placer « le pluralisme politique sous anesthésie ». Tous, il est vrai, s’en rendent compte un peu tard pour être véritablement crédibles », décrivent nos confrères de Jeune Afrique.
Que retenir d’Amadou Toumani TOURE ? Le soldat de la démocratie ou le président modéré, adepte de l’arbre à palabres, qui a scellé l’Accord d’Alger 1 qui voit une grande partie de son territoire démilitarisé et livré aux milices ? L’allié inconditionnel de Kadhafi qui n’a pas fait une lecture fine des conséquences de la chute de son mentor financier lequel absorbait les forces vives des Maliens du Nord. Ces ‘’fils’’ reviendront au bercail, en masse, une fois la Libye éclatée par la coalition France, Grande-Bretagne et USA, au nom d’une résolution onusienne portant sur la protection de Benghazi, avec armes et bagages et seront accueillis par le président Touré et son gouvernement.
Dans la nuit du 21 au 22 mars 2012, un peu moins de deux mois avant la fin de son mandat, il est renversé par un coup d’État. Les mutins du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État, dirigé par le capitaine Amadou Sanogo, dénoncent la gestion du conflit au nord Mali entre l’armée et la rébellion touareg dans le cadre de la guerre du Mali6. Ce coup d’État intervient dans un contexte où la prochaine élection présidentielle, à laquelle le président Touré ne se présentait pas, était prévue pour le 29 avril 2012, élection couplée avec un référendum constitutionnel.
Le 8 avril 2012, il annonce officiellement sa démission, avant de s’exiler au Sénégal.

ATT, l’ami des enfants
L’ancien Président de la République, Amadou Toumani TOURE, surnommé (ATT), selon les 3 initiales de son nom, comme ses trois vies de chef d’État du Mali (26 mars 1991-8 juin 1992 ; 8 juin 2002-8 juin 2007 ; et 8 juin 2007-mars 2012) et ses trois vies de soldat, d’humanitaire et d’homme politique. ATT qui vient de nous quitter ce 10 novembre 2020 était surtout connu dans le domaine humanitaire pour sa lutte contre diverses maladies, à l’image du ver de Guinée, de la poliomyélite. Un soldat qui a le cœur sur la main. Par ses actions humanitaires, il touche très vite le cœur des enfants dont il devient, comme il aime à le dire, l‘’ami’’. D’ailleurs, le slogan «ATT An Bè Sa I Nôfè», littéralement traduit du Bambara «ATT, nous sommes prêts à mourir pour toi», constitue une célèbre illustration.
Après la Transition, le Général Amadou Toumani TOURE retourne dans les casernes, pour un repos bien mérité.
Mais, convaincu qu’il peut être utile à l’humanité, il prend son bâton de pèlerin pour se consacrer à la réalisation d’actions sociales en faveur des plus démunis et de médiation là où il y a problème. Et les sollicitations pour bénéficier de son expertise émanant de partout.

La FPE, véritable institution de la solidarité
Véritable institution de la solidarité au Mali, en août 1993, ATT crée la Fondation pour l’Enfance, pour manifester sa reconnaissance à l’endroit des enfants, des jeunes, qui l’ont constamment soutenu durant sa mission à la tête de l’État au cours de la transition démocratique.
Au-delà, la Fondation se veut un organe dynamique, engagé dans l’amélioration des conditions de vie des femmes, des enfants et des jeunes.
Les actions de la Fondation portent sur l’amélioration des conditions de vie des enfants, en intervenant dans leur protection, leur éducation et leur insertion, mais elle se consacre tout aussi largement à la promotion d’actions d’ordre social, économique, et culturel.
Le but est d’œuvrer au développement économique et social des populations maliennes, en luttant contre la pauvreté et l’exclusion, surtout au profit des couches sociales en circonstances difficiles, à savoir les mères, les enfants, et les jeunes. À travers cette Fondation, il s’agit pour ATT de faire reculer la famine, l’analphabétisme, la maladie et favoriser la culture de la démocratie, de la paix et de la solidarité au profit des plus déshérités.
Depuis juillet 2002, cette Fondation était gérée par la Première dame, Mme TOURE Lobbo TRAORE jusqu’en 2018.
Pour atteindre ses objectifs, la FPE a initié plusieurs projets et programmes dont certains sont encore en cours dans notre pays.
C’est le cas du Projet «enfant de la rue » qui est un programme mis en place par la Fondation pour l’Enfance en 1995 dans les villes de Ségou et de Mopti. Ce projet a été financé en majeure partie par la Fondation luxembourgeoise Raoul Follereau qui intervient auprès des jeunes accueillis dans les structures de la Fondation pour l’Enfance en finançant les retours en famille, les formations professionnelles ainsi que la création d’ateliers professionnels, pour les plus âgés.
Dans les villes de Ségou et de Mopti, les projets sont organisés de la même manière. Deux établissements différents dans chacune de ces villes offrent aux enfants des rues un accueil approprié.
A cela s’ajoute le Projet Sidaction qui vise l’améliorer l’accès des jeunes au dépistage et au traitement (médias, interventions ciblées auprès des populations les plus touchées par le VIH, formation des médecins à la reconnaissance des signes d’appel du VIH, séances de dépistage mobile).

Les origines d’une amitié exemplaire
Pour en venir à l’idée qui a incité Amadou Toumani TOURE à créer la Fondation, à savoir s’acquitter de la dette envers les enfants, disons qu’entre ceux-ci et leur mentor, c’est une longue histoire d’amour que ATT, lui-même, a conté dans les colonnes du journal ‘’Le Contrat’’ ainsi qu’il suit : «Depuis le jeune âge, j’ai toujours rassemblé les enfants. Je me suis occupé d’eux en équipe de football. Je les aime bien. Ils sont si spontanés. Je vois des enfants qui peuvent à peine dire un mot, ils prononcent ATT. Partout où je vais, au Mali, en Afrique ou ailleurs, les enfants viennent à moi. Il y a aussi cet élan qui me porte vers eux. C’est très fort et on saurait difficilement expliquer cela de façon rationnelle. Si les enfants devaient voter, je suis convaincu qu’il n’y aurait pas d’élection au Mali, car je gagnerais à tous les coups.
Moi-même, à un certain moment, il faut que je prenne le temps de consulter un marabout Coulibaly ou Kéïta (rires) afin qu’il m’explique la raison profonde de l’attachement des enfants à ma personne.
On m’a raconté une histoire très amusante relative à la dernière élection présidentielle (Ndlr : la présidentielle d’avril 2007). Des enfants étaient à proximité d’un bureau de vote et suppliaient les électeurs de voter ATT au motif que ATT est leur ami.
Entre les enfants et moi, il y a autant de la complicité que de l’affection partagée. Et mon père me disait très souvent que l’enfant aime celui qui l’aime. C’est aussi simple que ça ! Je leur dois tant que tout ce qui les touche ou touche leurs mères est prioritaire pour moi ».
Autre illustration de cette conviction, lors de l’inauguration de l’unité de chirurgie cardiologique à l’hôpital Mère-Enfant de Luxembourg, Att lance des piques au régime et à la classe politique après son retour triomphal au Mali, le 24 décembre 2017. «Mes amis les enfants demeurent toujours mes meilleurs compagnons ; car, eux, ils n’ont jamais voulu ma place», a-t-il déclaré. Une boutade à certains hommes politiques qui avaient fait de son retour au pays un fonds de commerce politique.

L’Hôpital «Mère-Enfant de Luxembourg »
En 1998, il fonde l’hôpital Mère Enfant « Le Luxembourg ». La même année, il est nommé président du Comité de lutte contre le trachome.
Créé par la volonté de la femme du Président malien Amadou Toumani TOURE, le Centre hospitalier mère-enfant-Le Luxembourg, sis à Bamako, Quartier Hamdallaye, est une œuvre reconnue d’utilité publique par le décret n° 93-271 / P-RM du 06 août 1993 et représentée par le Général Amadou Toumani TOURE. L’hôpital est un centre de référence de 2e niveau ouvert aux malades référés par les Centres de Santé Communautaires (CSCOM), mais aussi par les structures de 3e niveau pour les cas nécessitant une intervention spécialisée. Le CHME le Luxembourg composé de deux bâtiments principaux à un niveau, comprend trois services principaux et vingt-quatre- (24) lits d’hospitalisation ; il s’agit d’un service gynécologique s’occupant du Programme élargi de vaccination (Pev). Un service de chirurgie avec 2 blocs chirurgicaux ; traumatologie ; stomatologie. Un service de médecine : cardiologie, pédiatrie, ORL, Ophtalmologie, Échographie, Laboratoire.
Depuis septembre 2018, l’hôpital « Mère –Enfant », Le Luxembourg, est doté de son unité de chirurgie cardiopédiatrique, dénommée André Festoc, l’époux d’une des plus grandes contributrices de l’ONG «Chaîne de l’espoir », partenaire de l’hôpital Le Luxembourg pour ce projet. Cette unité de chirurgie cardiologique inaugurée à l’Hôpital Mère-Enfant, Le Luxembourg, une infrastructure obtenue par les relations propres du couple présidentiel, en est la preuve palpable de son sens élevé du patriotisme hors pair.
La mise en œuvre de cette unité permettra de rendre un grand service aux enfants maliens et africains victimes des maladies cardiologiques. Selon l’OMS, le nombre de décès lié à cette maladie par an s’élève à 11%. De 800 à 1000 nouveaux cas pédiatriques sont détectés chaque année, mais sans aucune possibilité d’intervention. Cette nouvelle unité est dotée d’une capacité de prise en charge de 1000 enfants malades par an. Elle est équipée avec toutes les commodités nécessaires. Ainsi, le Mali évitera d’évacuer les bambins à l’étranger pour des chirurgies cardiopédiatriques.

ATT et l’équation sécuritaire
La réponse au défi sécuritaire aura certainement été le talon d’Achille de la présidence de Amadou Toumani TOURE. Pour certains pays, le Mali est le ventre mou dans la lutte contre Al Qaïda. L’Algérie attaque ouvertement : le Mali est le maillon faible de la lutte contre le terrorisme. En effet, jusqu’au début des années 2010, le Mali fait preuve de passivité contre les djihadistes, ce qui lui est fortement reproché par la Mauritanie, la France et l’Algérie. C’était une sorte de gentlemen agreement ; tu ne me touches pas, je ne te touche pas et chacun passe son chemin.
Pourtant, le 8 juin 2009, le Président malien TOURE promet des représailles après l’exécution d’un otage britannique ; Edwin Dyer. En réponse, dans la nuit du 10 au 11 juin 2009, AQMI assassine à Tombouctou le lieutenant-colonel Lamana Ould Bou, un agent des services de renseignements maliens. C’est alors la première fois que les djihadistes tuent un militaire malien. L’armée malienne décide de répliquer et attaque le 16 juin un repaire d’AQMI à Garn-Akassa, dans le Timétrine : une vingtaine de djihadistes sont tués. AQMI réplique le 4 juillet en mettant en déroute une patrouille de l’armée malienne près d’Araouane, où elle revendique la mort de 28 soldats maliens. Le pacte tacite de non-agression était donc rompu. L’on découvre que vivre en bonne intelligence avec les jihadistes n’est que pure chimère.
Outre la passivité louchonne, les voisins de notre pays, en l’occurrence l’Algérie et la Mauritanie, réprouvent également notre gestion des prises d’otages aux relents mercantilistes et de prime à l’impunité.
En 2003, les premières prises d’otages d’occidentaux commencent. En février et en mars, 32 touristes, majoritairement Allemands et Autrichiens, sont enlevés par Abderazak el Para, qui pour échapper à l’armée algérienne choisit de se réfugier au Mali. Les otages sont divisés en plusieurs groupes, certains sont délivrés par les militaires algériens, d’autres sont confiés à Mokhtar Belmokhtar. Des négociations sont engagées entre les ravisseurs et deux notables envoyés par le gouvernement malien ; Iyad Ag Ghali et Baba Ould Cheikh. À l’issue des discussions, les otages sont relâchés le 18 août en échange d’une rançon de cinq millions d’euros qui enrichit considérablement les djihadistes et va les pousser à poursuivre ce type d’action.
L’affaire CAMATTE, en est un exemple. La coopération de Bamako dans cette affaire de kidnapping avait permis la libération de l’otage français, Pierre CAMATTE, après plus de trois mois de détention… au prix de la libération de quatre islamistes, exigée par les ravisseurs. Parmi eux, figuraient deux Algériens et un Mauritanien: en signe de protestation, Alger et Nouakchott ont rappelé leurs ambassadeurs au Mali, alors considéré comme un maillon faible dans la lutte contre AQMI.

Le Président Amadou Toumani TOURE, dans une interview accordée au journal français libération, en octobre 2010, se défend de toutes les accusations portées contre lui. Le Mali n’est pas le pays qu’on veut faire croire, non. Ainsi, à la question ‘’craignez-vous qu’avec Aqmi l’image de votre pays soit entachée parce qu’il ne paraît pas déployer tous les efforts pour lutter contre les terroristes ?’’, il répond sans coup férir : ‘’Pas du tout ! Je le répète, mon pays est otage et victime. Ces gens ne sont pas Maliens. Ils sont venus du Maghreb avec des idées que nous ne connaissons pas. Notre islam, depuis le IXe siècle, est ouvert et tolérant. Il tient la personne humaine pour sacrée et inviolable. On nous fait un faux procès. En réalité, nous partageons avec nos voisins un territoire commun, le Sahel, qui couvre plus de 4 millions de kilomètres carrés, avec des menaces transfrontalières. Nous sommes, sur le plan géographique, au centre du dispositif : la partie désertique du Mali couvre 650 000 km2, un espace aussi vaste que la France. Nous devenons un pays de transit, confrontés à une histoire qui ne nous regarde pas. Le salafisme exacerbé n’est pas malien, il est maghrébin. C’est facile de dire que tout se passe au Nord-Mali. Mais le Nord-Mali, c’est aussi le sud de l’Algérie, l’est de la Mauritanie et l’ouest du Niger !’’ La réflexion est simple, sinon simpliste : ces gens-là, ne viennent pas d’ici, leur islam n’a rien à voir avec ce que nous pratiquons depuis des siècles, nous n’avons rien en commun avec eux et quand ils sont là, ils ne sont qu’en transit. Donc, il n’est pas question pour nous de déclarer la guerre à des hôtes avenants à notre égard et des populations envers lesquelles ils se montrent d’une générosité débordante, sans compter certains liens de mariage qui sont contractés. Et puis, après tout, le Mali, au même titre que ses voisins de l’Algérie, de la Mauritanie et du Niger, est à égalité de responsabilité dans la lutte contre les nuisibles de AQMI. Le Président ATT a également été interrogé sur une autre accusation qui revenait de manière récurrente contre son pays : ‘’Le Mali est souvent décrit comme un ventre mou dans la lutte antiterroriste. Pourquoi ?’’ Il répond avec le pragmatisme qui le caractérise : ‘’Nous avons déjà tenté la solution militaire, et nous l’avons estompée depuis dix mois. Nous sommes face à de petits groupes disséminés. Vous pouvez passer des mois à leur courir derrière, avec un nombre très important de victimes. En deux ans, nous avons perdu plus de 60 soldats, dont 10 officiers. Je ne vais pas engager l’armée malienne pour qu’en Occident on dise que je me bats contre le terrorisme alors que ça ne sert à rien ! Le problème, c’est le déficit de coopération régionale. Chacun se plaint du voisin, et les actions isolées sont vouées à rester ponctuelles. J’ai appelé, en septembre 2006, à une conférence sahélo-sahélienne pour la paix et le développement, en présence des chefs d’Etat. Les populations concernées vivent dans la précarité, dans des zones difficiles. Les jeunes n’y ont aucune perspective. Avant, ils volaient des chameaux. Maintenant, ils volent des véhicules. Face à une idéologie agressive, quelle est l’alternative ? Il faut élever la population vers nous. Or, personne ne m’a écouté depuis quatre ans, quatre années de perdues’’.
Pour le Président ATT, il est clair que le Mali seul, pas plus qu’aucun autre Etat seul, ne peut venir à bout de l’hydre terrorisme. «Il faut un plan sous-régional», a-t-il martelé alors que, jeudi 30 septembre, le quotidien algérien Al-Watan révélait la création d’un centre du renseignement qui doit réunir des officiers de haut rang d’Algérie, du Niger, de Mauritanie et du Mali pour lutter contre les activités régionales d’AQMI.
Le Président Amadou Toumani TOURE donne des gages de sa disponibilité à mettre en branle une coalition sous-régionale de lutte contre le terrorisme transfrontalier. «Nous avons permis à tous les pays riverains de faire des poursuites si éventuellement les assaillants rentraient en territoire malien», avait déclaré le Président Amadou Toumani TOURE, partisan d’une collaboration plus étroite entre les armées de la région pour traquer les contrebandiers. C’est dans le cadre de cette ouverture que les armées algérienne et mauritanienne ont effectué des incursions sur le territoire malien pour y mener des opérations militaires, sans la présence de l’Armée malienne.
Mais, à la fin de l’année 2012, les djihadistes tiennent l’essentiel du Nord du Mali dont ils se partagent le contrôle. Ansar Dine est maître des environs de Kidal et de la région allant de Tombouctou à Léré, MUJAO contrôle les environs de Gao, tandis qu’AQMI est surtout en force à l’extrême nord de la région de Kidal. Le 25 janvier 2012, la ville de Aguel’hoc est prise par Al-Qaïda au Maghreb islamique, Ansar Dine et le MNLA. 82 à 153 soldats maliens sont massacrés. Les djihadistes instaurent alors la charia, fin juillet un couple est mis à mort par lapidation pour avoir conçu plusieurs enfants hors mariage.

Selon certains analystes, le massacre de Aguel’hoc fait partie des facteurs qui ont précipité la chute du Président Amadou Toumani TOURE, en mars 2012. La défiance des femmes de militaires à son égard à Koulouba, après la perte de nombreux militaires sur le champ de bataille prétendument par faute de munitions, et, plus tôt, sa sortie prémonitoire dans laquelle il annonçait avoir connaissance d’un coup d’Etat en fomentation dont il entendait affronter les auteurs d’homme à homme, lors de la célébration de la Journée du 8 Mars, sonnaient le glas d’un régime qui a réussi plusieurs exploits, certes, mais qui n’a jamais véritablement réussi à trouver la réponse appropriée au casse-tête sécuritaire. La perspective d’une coalition sous-régionale semble avoir inhibée les initiatives nationales, laissant le terrain libre à Al Qaïda au Maghreb islamique qui a eu le temps d’implanter ses racines et de s’aliéner la sympathie d’une grande partie de la population frappée par la pauvreté.
Cependant, à la décharge de l’ancien Président de la République, de 2002 à 2012, l’équation sécuritaire reste toujours insoluble, nonobstant que l’alliance sous-régionale qu’il a vainement appelée de tous ses vœux soit remplacée par la Force française de lutte contre le terrorisme au Sahel, forte d’environ 4 500 hommes, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations-Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), forte de plus de 12 000 hommes, maintenant la Force Takuba qui fait ses premiers pas.
Au regard de la persistance de l’équation sécuritaire, faudrait-il jeter la pierre au vieux commando parachutiste dont l’amour pour son pays ne souffrait l’ombre d’aucun doute, en dépit de ses méthodes parfois discutables ? Le temps est le meilleur juge.
Dors en paix Général ! Que la terre te soit légère ! Amen !
La Rédaction

Source : INFO-MATIN

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