Ced Hesse, membre senior de l’IIED, se penche sur le personnage et le parcours de son ami et ancien collègue Adam Thiam.
Adam Thiam est décédé d’une crise cardiaque le 18 mars 2021, à l’âge de 67 ans. Mon ami et ancien collègue était un homme vraiment remarquable : penseur sans frontières ; journaliste d’investigation, chercheur, poète et communicateur doué qui combinait de manière transparente des faits concrets avec un esprit acéré.
Souvent considéré comme non conventionnel, Adam était très attaché à ses principes, déterminé à affronter l’orthodoxie et à défier le sectarisme tant au sein de sa communauté que dans le monde entier.
Il n’avait pas peur d’aborder des questions politiquement ou socialement sensibles – de la corruption d’État ou du VIH/sida aux manigances des gouvernements occidentaux et à l’intolérance religieuse – et son engagement en faveur de la justice sociale et sa volonté de demander des comptes aux personnes au pouvoir n’ont jamais faibli.
Sa nomination en tant que directeur de la communication et des relations publiques de la présidence malienne en 2019 n’a pas arrêté le flux d’articles pénétrants et souvent décapants dans le journal d’opposition, Le Républicain, et dans la presse internationale.
Adam a constamment remis en question les intérêts politiques et économiques bien ancrés, et était très apprécié pour ses articles toujours perspicaces et lucides dans Jeune Afrique et Le Monde, et ses interventions sur la BBC et RFI.
Ses recherches sur les origines de l’occupation djihadiste du centre du Mali publiées en 2017 – Centre du Mali: enjeux et dangers d’une crise négligée (PDF) – donnaient une analyse pénétrante et prémonitoire des raisons pour lesquelles le centre du pays était sur le point de s’embraser.
J’ai rencontré Adam pour la première fois en 1982, lorsque nous avons été engagés pour faire des recherches sur l’économie des ménages peuls dans une région éloignée du sud de Hombori, dans le nord du Mali.
Vivre avec cette communauté pendant l’une des pires sécheresses du 20e siècle a été une expérience formatrice pour nous deux. Le désir de justice et de respect pour les gens “ordinaires” qu’Adam a manifesté toute sa vie est né des exemples quotidiens de résilience et d’ingéniosité dont nous avons été témoins face à une forte adversité environnementale et politique.
La vie en brousse a également offert de nombreuses occasions d’aiguiser son sens de l’humour, qu’il a appliqué avec brio lorsque nous avons travaillé ensemble à Dakar (1991-94), en produisant le journal Baobab pour le Réseau d’information sur les terres arides.
Aucun sujet n’était tabou et aucune interprétation n’était trop cinglante, mais la présentation était si élégante et l’esprit si vif que l’on était rarement offensé lorsque le message faisait mouche. L’amitié que nous avions nouée en tant que jeunes chercheurs à Hombori s’est approfondie pendant ce séjour à Dakar, se transformant en un lien qui a perduré au fil des ans, tandis que nous avons vu nos familles respectives grandir et que nous avons suivi le destin de l’autre, même si c’était souvent à distance.
Avec la disparition d’Adam, nous avons perdu un défenseur éloquent et passionné de la justice sociale et une force exceptionnelle pour le bien. Beaucoup se souviendront d’Adam pour son intégrité, son humour et, surtout, sa grande humanité. Ce fut un plaisir et un privilège de l’avoir connu.
Ced Hesse (ced.hesse@iied.org)
Senior fellow in IIED’s Climate Change research group
Source: Le Républicain- Mali