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Herbicides : un couteau à double tranchant

De plus en plus, certains producteurs se laissent séduire par la facilité en utilisant massivement ces produits, dont ils ne maîtrisent pas toutes les procédures d’application. Les conséquences sont fâcheuses pour l’homme et la natureLes herbicides sont des produits conçus et utilisés dans l’agriculture pour lutter contre les mauvaises herbes de manière sûre et efficace. Mais leur usage abusif et incontrôlé a un impact sur la qualité du sol et la santé humaine. En cette période d’hivernage, les fournisseurs d’herbicides se frottent les mains.

 

Siby est un village situé à une quarantaine de kilomètres de Bamako. La population de cette localité est à plus de 90 % rurale. Nous sommes samedi, jour de la foire hebdomadaire du village. Parmi les étals à cheval sur le goudron, celui de Mamadou Coulibaly est bien visible. Ce commerçant d’une cinquantaine d’années est un habitant de la capitale.

Il vient une fois par semaine, proposer sa marchandise aux nombreux clients qui sont les paysans du village et environnants. Il s’agit des bidons de glyphosate, un herbicide puissant importé dans notre pays. Ce commerce, notre interlocuteur le pratique depuis des années. Il nous confirme avec fierté le caractère lucratif de son activité. Car, aujourd’hui, tous les paysans à travers le pays, ont perdu l’habitude du désherbage à la main et se sont résolument tournés vers ce produit qui, bien qu’étant efficace contre les mauvaises herbes, présente de réels dangers pour le sol, les animaux et la santé humaine.

L’utilisation des herbicides, selon les spécialistes, répond à des normes d’épandage bien précises. Il faut, en premier lieu, lire attentivement la notice sur le flacon et suivre les directives d’utilisation indiquées par le fabricant. Ce qui n’est pas le cas pour les paysans de cette localité. Ces derniers qui ne savent ni lire, ni écrire, se fient aux instructions du vendeur qui n’en n’est pas non plus.

Une fois le produit acheté, les propriétaires de champs font recours aux services des pulvérisateurs qui se contentent des mêmes instructions des vendeurs. Pour vérifier cette information, nous avons posé la question à Mamadou Coulibaly qui écoule ses produits sur le marché rural depuis des années. Il nous signale qu’une dose d’un litre de glyphosate, un produit fabriqué par la firme américaine, Monsanto, correspond à l’épandage d’un hectare de champ. Ce qui n’est pas indiqué sur la notice du flacon que nous avons pris le soin de vérifier. Cette dose qui doit être mélangée à plusieurs litres d’eau, est prévue pour pas moins de 5 hectares, donc réservée à de grandes surfaces cultivables.

Cette même quantité est utilisée sur les champs villageois de maïs ou d’arachide de moins d’un hectare souvent. Ainsi, la méconnaissance des utilisateurs, le coût abordable du produit (2.500 Fcfa le flacon) et la fin du désherbage manuel par les paysans, qui pourtant s’avère la meilleure méthode de préservation des sols, mettent en danger tout un écosystème. Guillaume Réméné est un expatrié français qui vit depuis plus de 5 ans dans le village de Siby.

Il se plaint à chaque début d’hivernage de malaises (maux de tête, nausée, etc. ) dû selon lui, à l’épandage d’herbicides dans les champs avoisinant sa maison. Un autre habitant rapporte la mort de plusieurs de ses moutons et chèvres, mais aussi de la volaille après avoir pâturer ou picorer dans des champs aspergés d’herbicides. Après usage, les contenants d’herbicides sont abandonnés sur place, à la portée des enfants.

Abdoulaye Traoré est pédologue de son état et a mené beaucoup d’enquêtes sur la qualité des sols. Il affirme qu’aujourd’hui, la plupart des sols cultivables en milieu rural, s’appauvrissent en oligoéléments, à cause de l’emploi abusif des herbicides dans les cultures. L’impact des herbicides sur l’environnement est d’autant plus perceptible que certains produits agricoles ne peuvent plus être conservés aussi longtemps qu’ils l’étaient, témoignent les producteurs. C’est le cas de l’arachide, du haricot par exemple qui sont généralement cultivés sur les champs villageois.

Tous ces facteurs convergent aujourd’hui pour interpeller nos autorités agricoles et celles du commerce et du contrôle de la qualité des produits. Les premières ont abandonné le terrain de l’encadrement des paysans qui est pourtant une de leurs principales missions. La majorité des paysans sont aujourd’hui laissés à eux-mêmes sans suivi, ni conseils pendant les semis. Les herbicides fournis sur le marché échappent à tout contrôle du point de vue de la qualité et de la date de fabrication et de péremption. Ainsi, chaque année, ce sont des milliers d’hectares de terres cultivables qui se dégradent à cause de l’épandage des herbicides. Si rien n’est fait, le thème de la Journée internationale de lutte contre la désertification de cette année qui a mis l’accent sur la restauration et la récupération des terres ne sera qu’un vain mot dans notre pays.

Cheick Amadou DIA

Source : L’ESSOR

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