Dons notre parution n°148 du jeudi 28 janvier 2016, dans la conclusion d’un article intitulé : Célébration du 55e anniversaire de l’armée malienne, nous avions écrit que l’équipement des FAMA est encore porté aux calendes grecques ! À l’époque, toute personne qui a écouté le discours d‘adresse d’IBK en 2016 à l’armée à l’occasion de son 55e anniversaire ne pouvait douter de sa détermination à mettre les FAMA non seulement dans les meilleures conditions aux fins de remplir leurs diverses missions, mais aussi à les équiper à hauteur de mission. Mais en réalité, cela faisait sa 3e adresse à la nation depuis son arrivée à la tête de l’État. Après cette promesse nous constatons qu’en 2019, le nord nous échappe totalement et le centre est en train de le devenir à son tour.
Le problème évoqué au sein de la grande muette depuis janvier 2014 qui est le problème d’équipement des FAMA persiste toujours en 2019. Même si nous étions dans le doute sur le montant volumineux de fonds injectés pour équiper les FAMA, l’interview d’IBK qui vient de paraitre dans le dernier numéro de Jeune Afrique de la semaine du 1 au 7 juillet 2019 nous convainc de l’existence du même problème après 6 ans de gouvernance en tant que chef suprême des armées. Dans cette interview le Président IBK répond à la question relative au niveau de rééquipement des FAMA, en ces termes :
«Lorsque j’ai été élu pour mon premier mandat, en 2013, il n’y avait aucun appareil en état de voler. Depuis, nous avons acquis auprès de la France un transport de troupes Casa et deux hélicoptères Puma, lesquels, hélas, sont encore cloués au sol faute de maintenance appropriée. Lorsque je me suis rendu dans les villages martyrs, j’ai fait le trajet Bamako-Mopti à bord de notre Casa, puis me suis rendu sur la zone avec un hélicoptère de l’ONU. Je n’en étais pas très fier, même si le Mali est membre des Nations-Unies ».
Alors quelles en sont les raisons doit-on se demander ? Nous pensons qu’il n’y a aucune raison possible à cela.
La première raison est que l’achat de l’avion présidentiel nous a coûté cher et jusque-là le peuple ne connait pas son prix exact. L’ancien deuxième Premier ministre d’IBK en la personne de Moussa Mara disait que l’avion a coûté 18 milliards F CFA. Son ministre des finances à savoir Mme Boiré Fily Cissoko disait qu’il a coûté 21 milliards F CFA, tandis que le ministre de la Défense à l’époque c’est-à-dire Soumeylou Boubèye Maïga, disait qu’il a coûté environ 7 milliards F CFA. Quant à IBK lui-même, il dit qu’il a coûté au trésor malien 17 milliards F CFA. Ces nombreux prix d’achat attribués à l’avion présidentiel de notre pays prouvent à suffisance qu’il y a eu surfacturation au détriment des FAMA et du trésor public. Nous sommes dans la théorie du savant chimiste Lavoisier qui dit que : « Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme ». Les auditeurs, vérificateurs, contrôleurs de l’État malien ont tous confirmé la surfacturation dans cet achat d’avion ayant entrainé une perte énorme pour le budget de l’armée malienne. Le surplus facturé dans l’opération de l’achat de l’avion présidentiel pouvait servir à payer d’autres équipements indispensables pour les FAMA, a servi à payer des immeubles au Canada, en France, Abidjan et Dakar.
Le contrat-bail était signé pour deux ans. Mais à la grande surprise générale, une structure a été créée à la présidence sous le nom de Groupement Aérien Présidentiel (GAPR) dirigé par le colonel Youssouf Diarra, en charge de la gestion du Boeing 737. Le Président IBK voyage beaucoup et aime parcourir le monde. Une base de données gérée par Mali Linkl Investigative Reporting Group (MIRG) nous révèle les lieux et dates des voyages du Président. Ces voyages sont couteux, et selon les estimations, ils avoisinent 10 milliards de francs depuis 2014. De 2015 à 2019, les voyages se font au rythme de3 voyages en 20 jours. Cette fréquence conduit aussi à un rythme de maintenance élevé. En février 2016, les premières failles du GAPR furent découvertes lorsque le Boeing était à Bâle en Suisse pour un entretien de routine. Le changement de prestataire et les soupçons de malversations ont rehaussé les coûts de maintenance également. Ces prestataires sont l’entreprise AMAC en Suisse et l’entreprise de maintenance KLMUKE, une filiale d’Air France Industries basée à Norwich. Les termes des contrats d’entretiens proposés au gouvernement malien par AMAC et KLMUKE sont connus. Les coûts de KLMUKE sont 5 fois plus élevés que ceux d’AMAC. Par exemple, une visite technique d’entretien lourd de type « D » chez AMAC coûte 153,8 millions de F CFA alors que le même service coûte 839,3 millions de F CFA chez KLMUKE. C’est là le trou noir des coûts d’entretien du Boeing 737 présidentiel du Mali. Plusieurs questions méritent d’être posées. Pourquoi le président IBK a fait un choix coûteux pour un pays pauvre comme le nôtre ? Pourquoi un choix délibéré d’un contrat cinq fois plus cher que le mieux-disant ? Existe-t-il des rétros commissions ? Par qui et pour qui ? La justice malienne devrait mener une enquête sérieuse pour situer les responsables de part et d’autre et mettre fin à cette gestion opaque de détournement du dernier public.
La deuxième raison évoquée par certaines sources est expliquée par certaines sources à savoir que : « ATT avait payé avant l’éclatement de la crise du nord en 2012, deux hélicoptères neufs à moins de 3 milliards F CFA. Ces deux engins devraient servir à surveiller et même apporter des appuis aux FAMAS pendant les batailles que le MNLA, les Djihadistes, les Terroristes voulaient livrer à nos troupes. Les deux hélicoptères n’étant pas vraiment faits pour les combats sont tous deux tombés en panne et bloqués au sol pendant toute la transition jusqu’en 2015 en attendant d’avoir mieux. En 2015, trois milliards F CFA ont été décaissés au niveau du trésor public malien dans le cadre de la loi de programmation militaire au motif que deux nouveaux hélicoptères de combat devraient être payés pour les besoins de sécurisation du pays. Une fois l’argent sorti, les deux anciens hélicoptères ont été transportés nuitamment en Europe pour aller les réparer au prix de deux nouveaux hélicoptères de combat au coût de 3 milliards F CFA. À l’occasion de la fête de l’armée le 20 janvier 2016 au moment où IBK assistait à la prise d’armes à Kati, les deux ‘’nouveaux anciens’’ appareils ont survolé ladite place. IBK a soulevé la tête en les montrant du doigt aux troupes en ces termes ‘’voilà que votre équipement a commencé’’. Mais, à quel prix et à quelle fin, si la réparation des deux anciens appareils coûte plus cher que l’achat de deux nouveaux plus performants aux combats?
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les jeunes pilotes ont refusé de monter dans ces appareils au motif, qu’ils n’ont pas confiance en leur degré de conformité. Il a fallu rappeler les anciens pilotes pour les faire voler le 20 janvier 2016 moyennant des primes de risque. Cette situation n’a jamais été tirée au clair. Elle est devenue un autre scandale de plus. Nous savons que malgré les dépenses faramineuses pour l’année 2015 relatives à la loi de programmation militaire se chiffrant à 104 milliards F CFA, les FAMA dans les zones de crises ne sont pas dans les conditions de travail et de séjour selon un des leurs. Dans ces conditions, que peut faire une armée peu équipée pour une telle mission délicate, si l’essentiel de son budget va dans les canaux de la corruption ?
La troisième raison est semble-t-il liée également à la surfacturation dans l’achat de matériel et d’équipements militaires dans lequel, une paire de chaussettes a coûté 30 000F CFA, et pour les autres équipements, n’en parlons pas. Si les vieux hélicos ont été surfacturés au prix du neuf, il va s’en dire que le coût de l’entretien lourd non prévu dans le budget d’État va poser problème par rapport à son délai d’amortissement. Alors le fond a été atteint certainement pour priver les FAMA de leur dotation réelle et efficace ?
Le chef suprême des armées maliennes, doit-il s’offusquer pour cela devant le peuple malien, puisque lui-même a été mis au courant de tous les engagements et il a donné son accord pour tous selon l’ancien ministre de la défense, surnommé le ‘’Hérisson Soumeylou Boubèye Maïga’’ lors d’une de ces sorties. Notre surprise a été que le Président IBK n’a jamais démenti cette version de son ancien ministre de la défense. Finalement les FAMA et le peuple malien n’ont que leurs yeux pour pleurer.
Badou S. KOBA