Humoriste à temps plein, Djely Moussa Kouyaté est convaincu que c’est seulement la formation qui permettra à l’humour d’obtenir ses lettres de noblesse au Mali. Diplômé de l’École nationale de l’humour du Canada, après sa maîtrise en philosophie et un master 2 en marketing et communication, ATT Junior nous parle de son parcours, de ses projets et de « notre humour ».
D’où vient le surnom ATT Junior ?
Lors de mon passage dans l’émission « Éclats de rire » de l’ORTM, j’ai imité le Président de l’époque, Amadou Toumani Touré ATT. En la diffusant, les réalisateurs ont choisi de sous-titrer ATT Junior, un nom que je porte depuis et qui m’a porté chance quelque part. Cela en a amené certains à me suivre et à découvrir ce que je fais. Depuis, je fais d’autres types d’écriture. L’imitation a été un point de départ, mais j’ai découvert d’autres choses, aussi belles et intéressantes, dans l’humour.
Comment êtes-vous arrivé à l’humour ?
Je fais du stand up, un art urbain créé aux États Unis par des élèves rejetés par le Conservatoire. Ils sont allés avec leur micro dans la rue et ont imposé leur style. Mais ces humoristes ont fini par trouver le temps de leur prestation court. Ils l’ont donc prolongé à une ou deux heures au lieu de cinq minutes, en forme de one man show. Le stand up peut être observé et suivi lors d’une formation. J’ai eu la chance d’obtenir un diplôme de l’École nationale de l’humour du Canada où l’on acquiert une formation de formateur.
À l’école nous avions une formation de théâtre, incluse dans le programme de l’établissement. Une matière à part entière, à laquelle j’ai pris goût. J’étais toujours premier. L’envie venue de là, mais mon premier professeur de théâtre, c’est mon père, qui a fait du cinéma aussi. Je m’inspirais de lui en reprenant ses blagues, ensuite je lui demandais conseil. C’est en 2003 que j’ai choisi de faire du stand up, parce que l’on n’a pas besoin d’attendre les autres pour jouer, comme au théâtre.
Vivez-vous de votre art ?
Oui, c’est le métier que je fais à plein temps. Je suis marié, j’élève mes enfants, j’ai construit ma maison… Aujourd’hui, je rends grâce à Dieu, mais pour demain j’ai peur. Si on ne professionnalise pas ce domaine, il va disparaître chez nous d’ici quelque temps. L’humour a évolué, il faut s’adapter et se former.
Existe-t-il un humour africain ou malien… ?
L’humour est culturel. Nos réalités ne sont pas les mêmes. Ce qui fait rire ici ne fait pas forcément rire ailleurs. Mais nous apprenons que nous pouvons puiser dans chacune des cultures pour faire rire. Il y a des thèmes qui intéressent tout le monde, comme la pauvreté, la scolarisation des filles, …
Comédien, humoriste, acteur, chroniqueur… Avez-vous envie de vous spécialiser ?
Quand on fait du stand up, on travaille avec plusieurs personnes, qui ont plusieurs spécialités. Des personnes qui apportent chacune leurs connaissances dans le spectacle. À force de travailler avec un ingénieur de son, un réalisateur, un chroniqueur, on apprend de tous ces métiers. Si je devais me spécialiser, je serais réalisateur. Je rêve de faire des films avec des effets spéciaux au Mali.
Quels sont vos projets?
J’ai donné un spectacle le 20 avril dernier à Paris. Ce n’était pas pour la communauté malienne, j’ai décidé de jouer pour la France. Un succès. Le spectacle, intitulé « Aller retour », a été bouclé à Bamako le 3 mai avec d’autres humoristes, afin de partager la scène pour contribuer à l’essor de la culture, selon ma philosophie. Un autre projet est un grand festival, que je prépare pour bientôt.
Je suis en train de mettre sur pied un spectacle gratuit à Bamako, prévu pour le 26 juillet, pour la paix et la réconciliation. Chacun contribue à sa manière à construire ce pays et ma bouche est une arme qui guérit et qui fait rire.
Je dois me rendre aussi en France pour la Nuit du Mali et au Canada pour le « Rire à Montréal ». Je suis également sur le tournage de Ma Grande famille et je prépare une nouvelle série. Je donne aussi une formation gratuite à des jeunes sur ce que j’ai reçu.
Comment se porte l’humour malien ?
Ça n’évolue pas. Il faut faire la différence entre faire des vidéos et faire un spectacle. Sans formation, les jeunes n’iront pas loin. Et si nous ne travaillons pas, il n’y a pas d’avenir.
Journal du mali