Les opinions sont partagées. Considérant le nombre grandissant de victimes, des voix s’élèvent contre le régime actuel, accusé de laxisme et d’incapacité à sécuriser les citoyens. D’autres estiment qu’il s’agirait de forces occultes tapies dans les buissons avec l’intention clairement affichée de saborder tous les efforts que le gouvernement entreprend pour stabiliser la situation au Mali. Ce qui rapproche les avis divers, c’est l’indignation profonde suite à des tueries ignobles et lâches qu’un esprit saint ne saurait comprendre. Environ 200 personnes massacrées en quelques jours, des dizaines de cases et de greniers brûlés. Ni les vieux, ni les femmes enceintes, ni même les bébés n’ont été épargnés. Après la plaie saignante du nord, une nouvelle crise est en train de gagner le centre. Il s’agit du conflit qui oppose les Dogons aux Peulhs. Qui souhaite l’embrasement?
Au Mali, on dit que quand vous voulez tuer quelqu’un, ne le laissez pas parler. Car dès qu’il parle, vous verrez que c’est votre parent. Il est difficile, voire impossible d’imaginer un Dogon tuer un Peulh pour la défense des intérêts de son ethnie. Et vice versa. Au-delà de l’appartenance ethnique, les relations parentales sont si profondément ancrées par le temps que nul n’oserait. Sur le terrain, les Peulh d’abord, ensuite les Dogon aujourd’hui, tous clament d’une seule voix qu’ils ne sont pas auteurs des attaques perpétrées régulièrement. Malheureusement, ces avertissements ont été très mal entendus ou pris à la légère. Coups de gueule sur les ondes de radio ou sur les réseaux sociaux, on a laissé la situation pourrir.
L’identité des assaillants a toujours fait l’objet de polémiques et de doute. Les tenues traditionnelles de chasseurs qu’ils portent, ainsi que les fusils de chasse sont à l’accès libre partout au Mali. Mais l’examen à l’oeil nu des blessures et des impacts de balles ou machettes sur les corps font dire que ce sont plutôt des professionnels qui agissent sous masques. En effet, ils sont en possession d’armes automatiques de guerre. Il y en a, avance-t-on, qui ne parlent aucune des langues nationales du pays ou qui ont un accent étranger. Qui sont-ils, d’ou viennent-ils? D’où ont-ils les armes et qui les guide ? Voilà le suspens.
Deux raisons principales peuvent être citées. La première et la plus importante, c’est l’absence totale de l’autorité étatique dans de nombreuses localités du Mali où les terroristes sont devenus véritables maîtres qui dictent leurs lois barbares. comme si de rien n’était, pendant ce temps à Bamako, l’ambiance est au top. Champagne à flot, tables bien garnies, le chef de la Sécurité d’Etat, Général Moussa Diawara, célèbre avec faste son anniversaire à coups de millions. Le président de la Commission de défense, Karim Kéïta, des ministres du gouvernement et d’autres personnalités démontrent tout leur talent de grands danseurs. Malgré ses discours démagogiques en français du 18-ième siècle, IBK a son clan, des gens qu’il ne touche jamais, peut-être qu’ils protègent et qui vivent dans l’insouciance du quotidien des citoyens. Les morts ne sont pas les leurs, les affamés ne sont pas leurs parents. IBK est un homme coupé des réalités du pays. Orgueilleux, gonflé, émotionnel et très rancunier, il n’écoute pas la voix des autres, ni celle de la raison humaine. Dès son arrivée au pouvoir, la gabegie a pris les ascenseurs. Toutes ses menaces de lutter contre des corrompus ou de punir les coupables rappellent un incendie au fond de du lac. Pendant son premier mandat, chaque fois qu’il voulait lever le ton, les médias français lui déversaient une portion de dossiers brûlants liée à l’affaire Tomi pour lui faire savoir qu’il n’est pas aussi propre.
Le deuxième mandat qu’il a volé en 2018 lui fera avaler sa langue définitivement. Désormais, c’est un homme politiquement fini, pris plus que jamais au piège, non libre de ses actes. Un guignol proprement dit, d’ailleurs comme tous les autres dirigeants «francofous» mal élus. Avec l’os de la fraude électorale dans la gorge, il ne peut que balbutier. Son champ d’action se limite à son subjonctif imparfait. Il est possible que les terroristes le sachent, et qu’ils donnent maintenant libre cours à leur nature d’une violence inouïe, parce que l’homme qui se fait passer pour un lion n’a plus de crocs.
La deuxième raison est la lutte entre les acteurs de la scène politico-religieuse malienne. Au moment où le pays est en flammes, au lieu de faire taire les divergences pour sortir de la crise, ils sont dans des querelles de sous-sol, de trafic d’influence, de sabotage et de millions à se partager. Pour bien «servir» le Mali, il n’y a que quatre fauteuils selon eux: celui de président, de ministre, de général ou de leader religieux. Tous les moyens sont bons pour arriver au but personnel, même si c’est au prix de centaines de vies innocentes. En ce qui est de la rivalité actuellement au Mali, celui qui cède ou souhaite faire preuve de sagesse est le perdant. Donc, il faut foncer jusqu’au bout. Si quelques arrestations ont montré qu’il n’y a plus de doute que les jihadistes ont des complices à Bamako, derrière les milices armées se trouveraient donc des mains politico-religieuses encouragées de l’extérieur, et attisant le feu tant que le vent ne souffle pas dans leur direction.
Quelles solutions ?
Au Mali, il urge de mettre fin au clivage ethnique devenu monnaie courante à travers les nombreuses associations, et à la stigmatisation des citoyens sur une base religieuse. Tous les actes que nous posons dans ce sens entraînent la division dont profite l’ennemi pour mieux régner. Nous avons beau parler d’unité ou d’une union sacrée, tant que nous ne renonçons pas à cette mauvaise pratique, cette union ne viendra jamais, mais c’est plutôt le pire qui pourra arriver. Aujourd’hui, ce sont les Dogons et les Peulhs aux prises ; demain ce serait d’autres ethnies ou même un conflit confessionnel pouvant faire encore plus de ravages.
L’Etat se doit impérativement d’établir le contrôle strict sur les lieux de culte. Tous savent bien ce qui s’y dit ou les meetings politiques qui s’y mènent. Les activités des mosquées et des imams devraient faire l’objet d’une autorisation délivrée avec des conditions bien précises qu’il faudrait respecter sous peine de son annulation. Dans un pays où plus de 10 mille mosquées échappent à l’autorité légale, c’est autant dire qu’on refuse de vérifier tous les camions qui entrent ou sortent du pays.
Il faut revoir l’Accord de paix signé, le statut de la Minusma et de l’opération Barkhane dont l’objectif est de lutter contre les terroristes. Il est impensable que ces derniers puissent agir en toute impunité sous le regard de 14 mille soldats étrangers déployés avec de gros moyens pour la paix. Autrement, ce sont des partenaires techniques et financiers le jour, et des complices la nuit venue.
Quoi qu’il en soit, IBK est le premier responsable de ce qui arrive aujourd’hui aux citoyens maliens. Il lui est nécessaire de sortir de son égo démesuré et de son clan mafieux pour prendre l’appel collectif. A part les laudateurs, la colère est générale. Maintenant, c’est la grogne dans les casernes. ATT a été renversé dans des conditions similaires. Un autre coup d’Etat propagera la crise à d’autres régions, nous faisant oublier le nord et perdre le centre. Si IBK a conscience qu’il ne peut plus rien, il vaut mieux qu’il s’en aille dans la dignité. Quelle utilité d’entrer dans l’Histoire par la porte, pour en sortir après par le vasistas ?
Sékou Kyassou Diallo, Alma-Ata, Kazakhstan.
Le Démocrate