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Guinée : Mamadi Doumbouya, l’apprenti économiste adepte de la méthode forte

En mettant la pression sur les miniers et en se hâtant de relancer les chantiers d’Alpha Condé en souffrance, le putschiste veut arracher des résultats rapides pour réussir sa transition. Omnipotent, il n’a malgré cela pas encore sacrifié l’équilibre des finances publiques.

 

Carrure imposante, béret, lunettes noires et treillis, depuis un an, le colonel Doumbouya incarne la figure martiale du changement. D’abord avec le soutien quasi unanime des Guinéens, et aujourd’hui de manière beaucoup plus contestée. Le 5 septembre, le chef de la junte est resté de manière surprenante totalement silencieux à l’occasion du premier anniversaire de son coup d’État.

C’est le Premier ministre par intérim Bernard Goumou qui, depuis le camp Alpha Yaya Diallo, l’une des plus grosses casernes du pays dans la banlieue de Conakry, a rendu hommage au chef de l’État, avant de se rendre le soir venu sur le plateau de Djoma TV pour défendre le bilan du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD).

Changement de tactique du putschiste ? En apparence au moins, le militaire semble vouloir s’appuyer davantage sur son Premier ministre. Depuis sa nomination définitive le 20 août, en remplacement de Mohamed Beavogui, l’ancien détenteur du portefeuille du Commerce et de l’Industrie assure le service après-vente des décisions prises au palais de Sékhoutoureya.

C’est aussi à lui que le président de la Transition a confié d’aller au-devant des miniers pour rétablir un contact qui, comme avec la rue, s’est profondément distendu. Le 2 septembre, tout le secteur extractif a répondu à la convocation de la primature pour faire part de ses doléances. Au lendemain de son arrivée au pouvoir, l’ancien chef du Groupement des forces spéciales de Guinée s’était presque immédiatement tourné vers les entreprises minières pour les rassurer. « La Guinée respecte et respectera les engagements, conventions et accords auxquels elle a souscrit », leur avait-il dit.

Les mois passant, le ton s’est pourtant durci. « C’est vrai qu’il n’a pas hésité à prendre des décisions téméraires quitte à croiser le fer, mais il pense que pour réussir la transition et laisser une trace, il ne peut pas faire l’impasse sur l’amélioration de l’exploitation des ressources naturelles », explique un de ses soutiens, qui préfère rester anonyme comme la plupart de nos interlocuteurs. Si le CNRD clame vouloir organiser un retour à l’ordre constitutionnel, la répression en juillet et en août derniers des manifestations du FNDC, mouvement transpartisan né en 2019, invite les Guinéens à rester prudents.

Bras de fer à répétition

Mais qui conseille le chef de la Transition sur ces enjeux économiques qui lui étaient totalement étrangers avant le 5 septembre 2021 ? Difficile à dire tant le mystère est entretenu. « Je n’ai pas connaissance qu’il ait des spécialistes des questions macroéconomiques autour de lui à la présidence », admet, dubitative, l’une de nos sources.

Pour gérer Simandou, l’État recrute actuellement des consultants sur les volets technique et financier afin d’accompagner Djiba Diakité, ministre directeur de cabinet de la présidence chargé du dossier, après avoir déjà retenu le cabinet d’avocat londonien Watson Farley & Williams pour les aspects juridiques. Le colonel Camara, secrétaire général de la présidence, est naturellement lui aussi impliqué sur certains dossiers économiques, même si ce n’est sans doute pas le point fort de ce gradé passé par l’École royale d’infanterie au Maroc et l’École de guerre à Paris. Les anciens Premiers ministres Kabiné Komara et Lansana Kouyaté apporteraient également leurs lumières.

Bloqué depuis des années, le projet Simandou a – au moins au début – profité du volontarisme politique de Doumbouya. En mars, le colonel envoie son conseiller Bocar Ly négocier avec l’anglo-australien Rio Tinto et le chinois Winning Consortium Simandou (WCS) la création d’une co-entreprise pour construire les infrastructures nécessaires à l’exploitation du plus grand gisement de fer du monde. Comme, malgré leurs engagements, les deux groupes tardent à passer des promesses aux actes, il reconvoque toutes les parties quelques semaines plus tard et parvient à faire démarrer les travaux.

LES ENTREPRISES NE REPRENDRONT PAS TANT QU’ELLES N’AURONT PAS L’ASSURANCE DE POUVOIR POURSUIVRE DE MANIÈRE PÉRENNE

Mais, début juillet, le ministre des Mines, Moussa Magassouba, annonce sur ordre de la junte l’arrêt du chantier. Les groupes privés trainent des pieds pour céder gracieusement 15 % du capital de cette joint-venture chargée de construire la ligne de chemin de fer qui reliera la mine au port. Du point de vue du Palais, cette quote-part se justifie notamment par les économies réalisées par Rio Tinto et WCS grâce au projet de coentreprise qu’il a imposé. Un accord a finalement été trouvé, mais la confiance est rompue.

Au moment où nous publions cet article, les travaux n’ont d’ailleurs toujours pas repris. « Arrêter le chantier coûte très cher, notamment à l’entreprise chinoise qui a des centaines d’engins sur le terrain. Il faut trouver des solutions pour les salariés, renvoyer les expatriés chez eux. Les entreprises ne veulent pas reprendre tant qu’elles n’ont pas l’assurance de pouvoir poursuivre de manière pérenne », explique un avocat impliqué sur le dossier. Quinze mille emplois dépendraient en effet de l’avancée du gisement Simandou.

Enjeux stratégiques

Source : Jeune Afrique
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