La méfiance cultivée par la tentative manquée de coup d’Etat contre Teodoro Obiang Nguema Mbasogo déjoué dans la nuit du 27 au 28 décembre est passée par là. Depuis le vote entériné en session extraordinaire par le parlement de la Guinée équatoriale, tous les députés et sénateurs devront désormais déposer une demande d’autorisation pour tout voyage à l’étranger. Une autorisation délivrée par la vice-présidence à la tête de laquelle on retrouve Teodoro Obiang Nguema Mangue, le fils du président. Une tutelle d’assurance pour le régime.
C’est désormais la signature la plus prisée de cet émirat pétrolifère d’Afrique centrale. La signature de Teodoro Obiang Mangue, premier vice-président de Guinée équatoriale, doit être apposée au bas de chaque autorisation de sortie du territoire national pour tous les parlementaires désirant se rendre à l’étranger.
Au nom de «l’intérêt national», sur signature de Teodorin Obiang
Cette nouvelle législation, décidée selon une note datée du 27 juillet 2017 et citée par l’AFP, a été entérinée par un vote en session extraordinaire avant d’être mise en application par décret présidentiel, d’où la lenteur avec laquelle l’information est parvenue à la presse. La nouvelle loi apporte des aménagements au droit de libre circulation des parlementaires, pourtant précédemment garanti par la Constitution.
Justifiée au nom de l’«intérêt national», la nouvelle législation dispose que tout député ou sénateur qui souhaite se rendre à l’étranger doit d’abord saisir par courrier écrit Gaudencio Mohaba Mesu, le président de l’Assemblée nationale, ou María Teresa Efua Asangono, la présidente du Sénat. La demande est ensuite transmise au Bureau de la vice-présidence dirigé par Teodoro Obiang Nguema Mangue, dont la signature est la seule qui a valeur d’approbation finale. Une procédure déjà appliquée à d’autres fonctionnaires de l’Etat.
«Toutes les autorisations de déplacement signées en faveur des membres du gouvernement, hauts fonctionnaires et fonctionnaires en général qui n’ont pas encore été utilisées doivent être retournées pour confirmation par la vice-présidence», indique une note en date du 13 juin 2018 émise par la vice-présidence à l’attention de tout ce que la Guinée équatoriale compte de ministères, commissariats, aéroports et ports. C’est donc cette mesure appliquée aux ministres et haut commis de l’Etat qui vient d’être étendue aux parlementaires.
Une signature pour une succession dynastique
Pour les analystes, en soumettant les hauts fonctionnaires, les diplomates et les parlementaires à un régime assidu de leurs voyages, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo tient une grille de lecture fidèle de tous leurs déplacements à l’étranger. Une précaution pour se prémunir sans doute de la «main étrangère» qui avait plané sur le coup d’Etat que le régime annonce avoir déjoué fin décembre.
La longue liste des putschistes établie par Malabo implique Enrique Nsue Anguesomo, le désormais ex-ambassadeur au Tchad, actuellement détenu à Bata, toujours sans procès. Il y côtoie, outre des opposants équato-guinéens en exil en Europe ayant supposément participé à la tentative de renversement du régime, de nombreux Français, des mercenaires originaires du Tchad et de Centrafrique, arrêtés in extremis au Cameroun et en Guinée équatoriale.
D’un autre côté, il ne peut pas être exclu qu’en donnant une «précieuse valeur» à la signature de son fils, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo soit en en train de lui tailler une stature dans le tableau d’une succession dynastique à la taille du pays. Son sceau de grâce pour les voyages à l’étranger lui assurerait une courtisanerie des plus hauts commis de l’Etat dont s’assure la loyauté via les faveurs d’une signature. Sauf si cette tutelle agaçante -même pour les voyages d’urgence ou les évacuations- ne lui vaut une rancune tenace qui viendront contrecarrer ses rêves de succession
La Tribune Afrique