Forte implication de la famille présidentielle dans les affaires de la République, des promesses non-tenues, des élections législatives prises en otage par le parti présidentiel, des nominations contestées, une souveraineté nationale toujours malmenée… La gestion du président plébiscité est aujourd’hui très critiquée et le nombre de ses inconditionnels d’hier se fond désormais comme du beurre de karité au soleil. Bref, pour nombre d’entre eux, Ibrim les «a tuer».
Disons-le tout de suite : l’expression «(…) m’a tuer» est une phrase d’accusation désormais célèbre pour la faute de grammaire qu’elle contient et faisant suite à l’affaire Omar Raddad en France (lire encadré). Elle s’emploie aussi pour marquer une certaine déception et un dépit certain.
La famille d’abord, le Mali dehors
La récente élection du beau-père de Karim Keïta, le fils de son père, au poste de président de l’Assemblée Nationale, aurait certainement été la goutte de trop. Non que M. Issiaka Sidibé ne soit pas digne du perchoir ! Que nenni ! La question est beaucoup plus d’ordre moral que politique. Son élection fait suite à celle de Karim Keïta, dans des conditions tout aussi discutables, voire «maliennement» incorrectes.
La candidature du fils a été littéralement imposée à la section RPM de la commune II, suivie de l’ouverture d’une chasse aux sorcières contre les adversaires potentiellement dangereux à l’image du maire Youssouf Coulibaly de Mamadou Fofana dit Mandjou, entre autres. Les deux personnages ont en effet fait objet d’un début poursuites judiciaires, juste avant l’ouverture de la campagne législative et, pour le second (Mandjou Fofana), entre le 1er et le 2ème tour du même scrutin. La démarche a été vite assimilée en commune II à une vulgaire tentative d’intimidation et a, par conséquent, quelque peu terni la victoire du fils.
C’est donc après cette maladresse sociopolitique, que l’on revoit, cette fois-ci, le beau père du désormais fils-député, au perchoir de L’Hémicycle. L’on dira que le vote a été régulier; peut-être bien. Mais la majorité parlementaire à l’origine de l’élection n’a pas été effectivement élue en toute régularité. On le sait : la quasi-totalité des requêtes introduites par le parti présidentiel ont reçu une suite favorable aussi bien à la faveur du 1er qu’au 2ème tour du scrutin. «Une majorité au forceps», ont clamé des confrères, à raison ! Une situation de nature à affaiblir dangereusement l’opposition politique et à créer un consensus de fait, avec ses corollaires.
Il faudra désormais ajouter à ces cas d’inélégance, la promotion familiale désormais à l’ordre du jour. Un phénomène nouveau au sommet de l’Etat quant on sait que les prédécesseurs se sont tous abstenus d’impliquer officiellement la famille dans les affaires de la République, du moins, à ce seuil. Signalons que la constitution du Mali désigne le président de l’Assemblée Nationale pour succéder au président de la République en cas d’incapacité de ce dernier. Que Dieu nous en éloigne ! Mais l’on ne peut s’empêcher de mener la réflexion sur le sujet. En clair, dans cette perspective douloureuse, le pouvoir restera toujours en famille.
Venant d’IBK, champion autoproclamé de la probité morale, de la justice politique et du respect des certaines valeurs, ses admirateurs ont toutes les raisons de se sentir floués par leur icône d’hier. Dans les faits, l’homme n’était nullement contraint d’impliquer la famille à ce niveau de l’Etat. Personne ne l’aurait d’ailleurs blâmé s’il l’avait empêché.
Le changement ? Mais quel changement ?
Entre autres motifs de déception de ses fans, figure l’impunité ou du moins, cette justice sélective. Tenez : les enquêtes promises à propos de l’inondation du quartier Banconi n’ont encore rien donné. Au même moment, le maire Adama Sangaré doit subir une forte pression du ministre de la justice pour ses gestions douteuses.
Dans le même registre ou presque, les décisions de justice sont presque foulées au pied. Celle de la cour suprême relative à la réintégration des 263 fonctionnaires de la fonction publique doit sagement attendre l’approbation de l’exécutif. Vous avez dit séparation des pouvoirs ? Hum !
Aussi, ses compatriotes s’interrogent sur son refus de rendre publiques les informations relatives à sa déclaration de biens.
Et Kidal demeure encore une épine dans tous les pieds maliens ; Kidal, objet de tant de promesses et de déclarations bellicistes !
En définitive, l’on se demande aujourd’hui si le changement tant prôné et au cœur de toutes chansons politiciennes lors de la campagne présidentielle s’avère une réalité. En tout cas, il n’en rien pour l’instant.
B.S. Diarra
Encadré
Lu dans «Le Sphinx » du Vendredi 25 janvier 2014
LA DYNASTIE FBI (famille Bourama et intimes)
– IBK président de la République ;
– Karim Keïta, député, fils d’IBK ;
– Issiaka Sidibé, Président de l’Assemblée Nationale ; beau-père du fils du président de la République, Karim Kéïta ;
– Moustapha Ben Barka, ministre délégué auprès du ministre de l’Economie et des Finances, chargé de la promotion de l’investissement et de l’initiative privée, fils de Lamine Ben Barka et de Lala, la grande sœur de lait de Madame la Première dame, épouse du président IBK ;
– Hamadoun Konaté, Ministre du Travail et des Affaires sociales, mari de Suzanne Maïga qui se trouve être la sœur de Madame la Première dame ;
– Ben Barka Zeïd, frère de Lamine Ben Barka, époux de la sœur de Madame la Première dame, s’occupe d’affréter les avions pour les voyages présidentiels.
– Dominique Boubou Cissé, ministre de l’Industrie et des Mines, est un ami intime de Karim Keïta ;
– Jean Mary Keïta, conseiller spécial du président de la république, est l’époux de Rokia Keïta, présidente intérimaire du RPM ;
– Frankaly Keïta ministre de l’Energie, est parent proche de la famille Keïta.
– Mahamane Baby, ministre de l’Emploi et Porte-parole du Gouvernement, est un beau-frère de la famille ;
– Vital Diop: Conseiller spécial (Neveu du président IBK)
-Léo TALL: ami intime de Karim Keita, chargé de mission à la Présidence de la République ;
– -Sidi Kagnassi: ami de Karim Keita, Conseiller spécial à la Présidence de la République.
«Omar m’a tuer»
Omar m’a tuer est une phrase d’accusation, dans le cadre de l’affaire Omar Raddad, célèbre pour la faute de grammaire qu’elle contient (l’accord correct eût été « Omar m’a tuée ») et la mise en scène dramatique de son inscription, en lettres de sang, près du corps de Ghislaine Marchal, découvert sans vie par les gendarmes dans la cave de son domicile le 24 juin 1991 à Mougins.
Elle semble imputer le crime à Omar Raddad, jardinier de Ghislaine Marchal. Son authenticité est cependant contestée, tant l’erreur de grammaire semble improbable de la part de la victime. En tant qu’indice terriblement ambigu, la phrase est devenue l’emblème de toute l’affaire criminelle, au point de servir de titre au film qui met à l’écran l’histoire de ce meurtre.
Son erreur de grammaire est imitée volontairement dans un grand nombre de pamphlets. Le premier détournement connu de l’expression date du 17 février 1994, dans une tribune publiée dans le journal Le Monde par André Rousselet, « Édouard m’a tuer » où il rend le Premier ministre d’alors, Édouard Balladur, responsable de son éviction de la présidence de Canal+1. Ces détournements ne semblent pas jouer sur l’ambiguïté énigmatique de la phrase originale et fonctionnent comme simple variation humoristique sur le thème de l’accusation d’outre-tombe2, l’infinitif fautif évoquant par métonymie les lettres de sang. En septembre 2011, il n’y a déjà pas moins de douze livres publiés dont le titre suit cette matrice syntaxique1, dont Sarko m’a tuer.