Une thèse confirme que lorsque la gouvernance accroît même de 1%, la performance augmente de 80%. D’où l’importance de la bonne gestion
Globalement, il faut l’admettre, les établissements hospitaliers cristallisent la colère des malades et autres usagers du fait de la qualité de l’accueil et de leur performance. Aujourd’hui, les spécialistes de la gestion, de la démarche qualité et autres observateurs rappellent l’urgence et la nécessité de repenser notre système de santé en vue de répondre aux exigences de l’heure.
La toute première thèse de doctorat de la Faculté des sciences économiques et de gestion (Fseg) sur cette problématique intitulée : « Analyse de la gouvernance sur la performance des hôpitaux au Mali, une application sur les cinq grands hôpitaux de Bamako », présentée et soutenue par Dr Mamady Sissoko, montre du doigt les insuffisances dans nos établissements hospitaliers, analyse les mécanismes d’amélioration de la gouvernance et invite à s’inscrire, désormais, dans une transposition de la gouvernance d’entreprise à la gouvernance des hôpitaux.
Le document rappelle aussi les différentes réformes entreprises dans le secteur de la santé, notamment celle liée à la conférence d’Alma Ata (Kazakhstan) sur les soins de santé primaires, la réforme de 1992 avec l’adoption de la Loi d’orientation de la Santé et de la loi hospitalière.
Entre ces réformes, les hôpitaux sont passés d’un statut d’établissement public à caractère administratif (EPA) pour une souplesse de gestion à celui de Centre hospitalo-universitaire (CHU), en passant par le statut d’établissement public hospitalier (EPH). Tout ceci visait à améliorer les performances de ces établissements de soins, notamment ceux de troisième référence.
L’impétrant dans sa démarche scientifique a pu arriver à deux hypothèses. Dans la première, il prouve avec les outils de sa discipline, notamment l’analyse en composante principale et le modèle logit de type Berkson que lorsque la gouvernance accroît de 1%, il y a plus de probabilité que la performance augmente de 80%, voire plus. Ce jugement bien fondé doit être intégré par les responsables des établissements hospitaliers, invités à se mettre plus dans la peau de manger que d’administrateur.
Dans la deuxième hypothèse, pour laquelle on pourrait se croire en train de rêver, Dr Mamady Sissoko explique que dans le mode d’organisation des hôpitaux et au regard du comportement du personnel, la corruption, le favoritisme, les ventes de médicaments, le vol des médicaments, entre autres, ont aussi des effets positifs sur la performance hospitalière en termes de gouvernance.
Il apporte les explications nécessaires à la compréhension de ce paradoxe. Selon lui, dans son étude, il a pu constater que plus le personnel a la possibilité de gérer les malades et autres usagers en marge du circuit de l’hôpital, plus il est motivé à les prendre en charge. L’impétrant invite les décideurs à tirer les leçons de cette hypothèse paradoxale. Lui non plus n’est pas prêt à encourager cette situation parce qu’il faut en finir avec certaines pratiques malsaines. Le vice-doyen de la Fseg, Pr Georges Hady Keïta, a mieux illustré cet état de fait. « Là où on est censé avoir de l’assistance nécessaire, c’est là où les malades et autres usagers souffrent le plus ».
Le scientifique qui met le doigt sur la plaie dans son étude recommande donc de repenser notre système de santé en vue de l’inscrire dans une logique d’anticipation des problèmes comme la gestion des catastrophes telle la Covid-19, de mettre l’accent sur la modernisation. Il recommande aussi aux hôpitaux d’intégrer la démarche qualité pour que chaque acte que l’on pose soit conforme à des normes ISO. Ce qui permettra de réduire les évacuations sanitaires pour lesquelles l’opinion nationale s’indigne parfois de voir des frais engagés dans la prise en charge de nos compatriotes qui en bénéficient.
Il pose une problématique, propose ses solutions et nous renvoie à une réflexion sur la question pour l’amélioration de la performance de nos établissements hospitaliers. Ceux-ci devraient s’employer aussi, dans leur mission de service public, à apporter les soins requis aux patients dans les meilleures conditions et dans un état d’esprit de performance au quotidien.
La qualité de la thèse fera dire au maître de conférence agrégé en sciences de gestion, Zakari Yaou Kaka, que le vent de l’histoire a frappé à la porte de l’impétrant et que c’est un cheval au galop à monter absolument. L’auteur de la thèse a obtenu mention très honorable avec les félicitations du jury.
Bréhima DOUMBIA
Source : L’ESSOR