Après quelques mois de grande adversité, dans la mouvance de l’élection présidentielle de 2017, les leaders ennemis jurés kenyans, Uhuru Kenyatta et RailaOdinga, ont fini par s’unir « pour le Kenya ». Certains observateurs avertis de la scène politique malienne appellent IBK à s’inspirer de ce schéma…
A la différence du Mali, les élections présidentielles kenyanes donnaient lieu à des violences meurtrières. L’opposition étant radicale et engageant souvent des bras de fer avec les pouvoirs publics avec des affrontements avec les forces de sécurité. Au Mali, même si l’élection présidentielle s’est bien déroulée, des centaines de bureaux de vote n’ont pu ouvrir privant des millions d’électeurs de leur droit de vote. Sans oublier le très faible taux de participation et certains résultats plutôt étonnants. Ce qui a fait dire à certains analystes que l’élection n’a pas été « non-incontestable ». Et la conséquence, ce sont des multiples contestations des résultats, donc de la réélection du président IBK, avec pour paroxysme les marches de protestations des opposants dans les rues. Et, si ces opposants déclarent ne pas « reconnaître le président réélu », il y a alors, comme un petit grain dans l’engrenage du fonctionnement normal des institutions. C’est déjà assez dommage que la célébration de la fête de l’indépendance du 22 septembre 2018 survienne dans ce climat de méfiance et de tension politique dans le pays. Si cette situation s’étend dans le temps, cela plombera à coup sûr la gouvernance du pays. Surtout que les opposants menacent même de boycotter les prochaines élections législatives…Cela déteindrait négativement sur la quiétude et la « fréquentabilité » du pouvoir IBK II. C’est pourquoi, des personnes ressources conseillent un dialogue IBK-Soumi pouvant s’inspirer du modèle kényan. En effet, c’est à la surprise générale, que le président et l’opposant kenyan ont annoncé en mars 2018, après des mois d’une âpre bataille politique, leur souhait de travailler à la réunification du pays. Terminées, les invectives méprisantes, les accusations de « dictature », les menaces d’arrestation d’un côté et de renversement de l’autre. À la surprise générale, Uhuru Kenyatta, réélu en octobre 2017, et RailaOdinga, qui avait boycotté ce scrutin « illégitime », avaient annoncé vendredi 9 mars 2018 s’unir « pour le Kenya ». Au terme d’une rencontre à Harambee House, les bureaux de la présidence, le chef de l’Etat et l’opposant historique avaient fait une déclaration commune, tout sourire, apostrophes fraternelles et poignées de mains appuyées. « Mon frère et moi sommes ici aujourd’hui pour dire que les dissensions doivent stopper. Nous refusons que nos différences tuent notre nation », a déclaré le même RailaOdinga qui, un mois plus tôt, rassemblait des milliers de partisans dans le centre de Nairobi pour prêter serment en tant que « président du peuple du Kenya ». Une cérémonie symbolique qui aurait pu lui valoir d’être arrêté pour trahison et qui avait fortement tendu le climat politique et sécuritaire (les principales télévisions privées avaient été coupées pendant plusieurs jours). L’épisode avait beaucoup ému mais a été ensuite rangé aux oubliettes. «Aujourd’hui démarre un processus qui vise à rassembler le peuple et nous espérons le soutien de chaque Kényan afin de construire ensemble une nation unie, harmonieuse et stable, où personne ne se sentira laissé de côté », a poursuivi Uhuru Kenyatta, le président réélu, alors que la police avait été très critiquée durant ces mois chauds pour sa brutalité. Au moins 100 personnes avaient été tuées depuis août 2017 au cours d’affrontements, principalement du fait des policiers. « Ce qui s’est passé aujourd’hui est très significatif, car ces deux leaders ont une grande influence auprès de leurs partisans, il ne faut pas sous-estimer l’événement », estime MurithiMutiga, chercheur à l’International Crisis Group (ICG), pour qui chacun trouve un avantage à ce rapprochement : « Uhuru Kenyatta va gagner en stabilité pour son second mandat, ce qui va bénéficier à l’économie, et RailaOdinga pourrait obtenir les réformes structurelles qu’il réclame depuis longtemps, notamment donner moins de pouvoir au président. »