« On a aucune ambition politique. Nous sommes des soldats. Nous avons d’autres prérogatives. Notre objectif, c’est transmettre rapidement le pouvoir pour une transition civile ». Ces propos sont du Président du CNSP, Assimi Goïta, tenus lors de sa rencontre avec les secrétaires généraux des départements ministériels. Aujourd’hui, les militaires semblent avaler leurs langues au regard de la tournure des évènements politiques en cours dans notre pays.
En effet, les militaires sembler déterminer à jouer les premiers rôles dans la gestion de la transition. Leurs faits et gestes prouvent à suffisance leur volonté manifeste à vouloir diriger la transition, quitte à mettre sur leur dos le M5-RFP et la CEDEAO.
Depuis la démission du Président de la République, les responsables du M5 RFP restent convaincus que c’est leur lutte qui a conduit à ce résultat. Du coup, ils se sont positionnés comme « les interlocuteurs privilégiés du CNSP ». Cette thèse est soutenue par les militaires eux-mêmes qui affirment être intervenus pour, disent-ils, parachever l’œuvre du mouvement de contestation. D’ailleurs, la présence des membres de la junte au monument de l’indépendance lors du meeting du vendredi 21 août corroborait cela. On était donc en droit de s’attendre à une entente parfaite entre ces deux entités pour la gestion de la transition.
Mais, c’était sans compter avec les intérêts des uns et des autres, devenus très divergents à cause de la gestion du pouvoir. Au fil des jours, des soupçons de trahison ont commencé à apparaître entre les deux alliés putatifs. Si le CNSP, dans sa première déclaration, avait formulé le vœu de remettre le pouvoir aux civils dans un bref délai, aujourd’hui force est de constater que les militaires ont évolué par rapport à cette position. Les hommes en tenue semblent avoir pris goût à l’exercice du pouvoir. Apparemment, ils ne veulent plus retourner dans les camps. Au point qu’ils sont en train de tomber dans la manipulation pour tenter de se donner une légitimité populaire concernant la gestion de la transition. Conséquence : certains mouvements politiques sont mis à contribution pour asseoir cette légitimité. En effet, c’est presque une lapalissade de dire que c’est le CNSP qui est derrière la manifestation organisée par le MP4 le mardi 8 septembre dernier, au monument de l’indépendance, pour un prétendu soutien à l’armée. Personne n’est dupe.
Lors de cette manifestation, les messages étaient clairs. On entendait les manifestants scander : « Nous voulons que les militaires soient maintenus au pouvoir le temps qu’il faudra. Pourquoi pas trois ans, d’ici la fin du mandat de l’ancien président IBK ». Selon l’un des manifestants, les partis politiques ne sont plus dignes de confiance. « Ils sont à la base de tous les problèmes de ce pays. On ne leur fait plus confiance. Qu’ils attendent d’abord là où ils sont et patientent le temps que les militaires mettent un peu d’ordre », revendique Djibril Cissé, un manifestant.
Par cette posture, le CNSP file du mauvais coton. Il se livre à un jeu dangereux dont les conséquences pourraient déboucher sur une nouvelle crise politique. En effet, en voulant coûte que coûte se donner une légitimité populaire, la junte militaire risque de provoquer une confrontation entre les populations. Le mieux, c’est de rester derrière l’ensemble des forces vives du pays. Ce qui pourrait leur donner la légitimité dont ils ont besoin pour peut-être fléchir la position de la CEDEAO. Il ne sert à rien de créer des mouvements partisans ou contre la junte. En réalité, depuis la démission du Président IBK, le CNSP tente d’asseoir son autorité. Les multiples nominations dans la précipitation à des postes clés de l’appareil d’Etat en sont le témoignage éloquent. Sinon les militaires pouvaient attendre la mise en place des organes de la transition pour nommer leurs hommes aux postes qu’ils veulent. Attendons donc voir ce qui se passera lors des concertations annoncées pour les 10, 11 et 12 septembre.
Youssouf Diallo
Source : Lettre du Peuple