L’idée de doter la force Barkhane de davantage de Véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI), qui avait été retirés du Mali en 2014 car leur présence avait été jugée peu pertinente pour faire du contrôle de zone, est un signe que la situation sécuritaire se dégrade. Et cela, malgré les coups portés contre les groupes jihadistes qui y sévissent.
D’ailleurs, un rapport récemment remis au Conseil de sécurité par le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, s’en était inquiété, notant une détérioration « préoccupante » dans les régions de Mopti et de Ségou.
Ce constat a été partagé par le chef d’état-major des armées (CEMA), le général François Lecointre. « L’évolution de la situation au Mali n’est guère satisfaisante et nous n’en partirons pas demain, sans qu’il s’agisse pour autant d’un enlisement », a-t-il dit lors de son audition devant la commission de la Défense nationale, à l’Assemblée nationale.
« Les militaires, attachés à l’histoire et au temps long, sont en quelque sorte des éléments de conservation dans une Nation qu’ils ont la charge de protéger. Je n’imagine donc pas que passer dix ans dans un pays dans le cadre d’un engagement opérationnel puisse être considéré comme un enlisement. Cette durée fut celle de notre engagement dans les Balkans, en Côte d’Ivoire ou en Afghanistan et je ne pense pas qu’il soit possible de régler le problème au Mali en moins de 10 à 15 ans, si tant est que nous le puissions », a expliqué le CEMA aux députés.
Aussi, a-t-il ajouté, « ma tâche consiste à expliquer au politique, qui demande un résultat rapide et facilement identifiable conforme au rythme de la vie démocratique, que seul le temps long produit des résultats durables en géopolitique et dans le domaine militaire. »
Aussi, le dispositif de la force Barkhane est adapté en permanence afin de « calibrer notre action en fonction de l’évolution de la situation », a assuré le général Lecointre. Cela étant, et outre la Mission des Nations unies au Mali (MINUSMA), il faudra compter aussi la Force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S), dont Barkhane appuie la montée en puissance. Mais il ne faut s’attendre à ce qu’elle fasse des miracles, au regard de ses effectifs (5.000 hommes), de ses moyens et de ses capacités.
S’agissant des moyens, le député Alexis Corbière (La France insoumise) a demandé au général Lecointre si « l’état d’obsolescence du matériel mettait en danger la vie de nos soldats en opérations. »
« J’ai toujours des scrupules à dire à la représentation nationale : ‘C’est parce que vous n’avez pas donné assez d’argent que nos soldats meurent’. C’est à la fois vrai et faux », a répondu le CEMA.
C’est faux parce que la « guerre est une confrontation de volontés » et que « résister, c’est s’adapter en permanence à un ennemi qui, lui-même, s’adapte en permanence à nos modes d’action et à nos équipements », a continué le général Lecointre. « Quand bien même nous accélérerions significativement nos programmes d’équipements, le rythme des mutations technologiques est tel que nous serons toujours confrontés à un ennemi qui trouvera des moyens pour contourner notre supériorité opérationnelle et nous porter des coups », a-t-il souligné.
Même si les blindés sont « renforcés dans le cadre de procédures d’adaptation rapides », avec l’intégration de moyens de détection, de brouillage, de renforcement du blindage », ce « n’est jamais suffisant » car « malheureusment, les charges de ces explosifs improvisés sont sans cesse augmentées tandis que les moyens de les mettre en œuvre sont sans cesse affinés et diversifiés « , a déploré le CEMA.
En revanche, a poursuivi le général Lecointre, on « ne peut pas dire non plus qu’il n’y a aucun lien entre les besoins financiers et l’indispensable adaptation réactive à laquelle il faut procéder. » En outre, a-t-il précisé, « face à au renforcement de menace constituée par l’usage de tels IED au Sahel, nous avons affecté nos matériels dernier cri et les mieux protégés sur ce théâtre. »