Les cogitations et supputations vont bon train sur le maillage d’une nouvelle transition, qui est passée de simple schéma hypothétique à la réalité avec le renversement du régime d’IBK par une junte de colonels. Hassimi Goïta et ses compagnons n’ont d’ailleurs pas tardé à évoquer un pouvoir transitoire dès leur toute première déclaration, en indiquant dans la foulée qu’elle pourrait être gérée par un militaire comme par un civil. Il ne fallait pas plus que cette ouverture pour aiguiser les appétits au point d’agacer la junte militaire, qui a dû se fendre d’une déclaration pour mettre en garde les courtisans.
Pendant ce temps, la Cedeao n’a pas encore dit son dernier mot. À défaut de parvenir à son objectif chimérique de réinstaller IBK dans ses fonctions, son émissaire, Goodluck Jonathan, se démène comme un beau diable pour le retour à un ordre constitutionnel semblable au schéma de 2102. Ce n’est pas sans rencontrer la farouche résistance d’une junte très différente du Cndre par le relief intellectuel de ses éléments et vraisemblablement déterminée à passer l’éponge sur les traces du régime IBK.
Tout converge, en définitive, vers la plausibilité d’une confiture transitionnelle faite de représentants de la société civile, de la classe politique malienne et d’éléments de la junte. Qui pour diriger le sommet du maillage ? Tout porte à croire, à défaut d’entente sur un arbitrage de l’armée, que les rênes de l’Etat au plus haut niveau pourraient temporairement revenir à la personnalité qui se sera illustrée ces derniers temps par une enviable hauteur de vue et une sagesse à déjouer tous les préjugés, soit à un acteur que l’imam Mahmoud Dicko aura désigné. L’autorité morale du M5 jouit en tout cas de la confiance et de l’écoute en adéquation avec les tâches d’un président de transition, quoiqu’il ait levé les équivoques sur ses ambitions en annonçant que sa mission arrive à terme avec la fin du régime qu’il a combattu.
Une réussite de la transition n’est pas moins tributaire d’un gouvernement à la hauteur des nombreux défis à relever ainsi que des jalons à poser pour le redémarrage du Mali nouveau annoncé par la junte. Ainsi, pour la succession de Boubou Cissé et la conduite de l’équipe gouvernementale de transition, ce ne sont pas les ambitions qui font défaut. Elles s’annoncent pour la plupart des rangs du M5-RFP où les tentatives de récupérer les dividendes de la lutte anti-IBK provoquent des batailles rangées entre composantes. Tandis que certains se crêpent le chignon pour figurer parmi les membres du gouvernement, d’autres n’ont le regard rivé que sur un destin primatorial. Sur les lèvres revient constamment le nom d’un jeune loup aux dents longues, en l’occurrence Clément Dembelé, dont l’ambition était à peine voilée tout le long des manifestations anti-IBK. Il pourrait le disputer à une personnalité qui le lui ravit sans doute sur le terrain de l’expérience d’Etat. Il s’agit notamment du porte-parole du Comité scientifique du M5, Choguel Maïga, auquel la proximité évidente avec l’autorité morale de ce mouvement confère autant de faveurs des pronostics. Sauf qu’il pourrait manifestement être défavorisé par son titre de président de formation politique pour une fonction dont la nature et la vocation commande d’allier neutralité, impartialité et équidistance vis-à-vis des différents protagonistes du jeu politique. Autant de caractéristiques qui amènent nombre d’observateurs à glaner en dehors des organisations politiques pour trouver la perle rare. Il se susurre ainsi les noms d’anciens ministres comme Malick Coulibaly et Mamadou Igor Diarra. Le premier s’est fait la réputation d’homme intègre à toute épreuve pour avoir jadis démissionné de ses fonctions de procureur à Kati et naguère marqué de son empreinte le dispositif répressif de la corruption à travers diverses actions judiciaires contre des personnalités impliquées dans nombre de dossiers sulfureux. Une transition paisible est-il cependant le terrain propice aux relents de chasse aux sorcières que pourrait dégager une transition conduite par l’ancien ministre de la justice ?
L’autre personnalité citée est un autre ancien ministre pétri de talents brillamment révélés dans divers secteurs : des institutions financières au département de l’Economie et des Finances en passant par celui de l’Eau et de l’Energie, il aura affronté et relevé assez de défis pour prétendre en 2018 briguer la magistrature suprême avec un programme révélateur de sa bonne maitrise du pays et de ses problèmes. Alors question : auquel de ces potentiels «premier-ministrables» reviendra le lourd héritage des attentes ayant conduit à la chute d’IBK et l’exaltante mission d’y faire face par des approches mieux adaptées ? Wait and see.