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Friperie ou casse-boutique : Un mal nécessaire pour nos populations !

Autant, la friperie et les objets de secondes mains profitent  au plus grand nombre, autant elle ne doit pas nuire ni à la santé, ni à l’environnement et encore moins  au développement du secteur de l’industrie textile. L’équation est bien difficile à résoudre, faute de moyens pour des gens ayant une foule très nombreuse à leur charge.
Quel est l’impact de l’importation anarchique de la friperie sur notre population et le commerce ? Que faire ? Ce sont là une série de questions que s’est posée M. Maïga. «La question mérite d’être posée», précise-t-il. Le constat est réel, puisque que même les autorités reconnaissent l’impasse qui existe aujourd’hui autour de l’importation incontrôlée et anarchique de la friperie au Mali. Autrefois, la notion de friperie ou «yougou yougou» en bambara, pour le commun des Maliens, renvoyait systématiquement à l’habillement moins cher ou à l’achat de vêtements usés. Aujourd’hui, cette notion, à bien des égards, a évolué face au phénomène de prolifération et d’envahissement de la ville de Bamako, des centres urbains de l’intérieur et même des villages les plus reculés, par les innombrables boutiques de casse et points de vente de friperie. Aussi, dans les marchés, les quartiers périphériques, les coins de rue, au bord des routes, partout, sont exposés des produits de friperie de tous genres.

Prolifération

 

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À Bacodjicoroni ACI ce commerce fleurit. Un propriétaire de magasin qui n’a pas voulu décliner son identité, nous a confié ce qui suit : «Je suis Malien d’origine, mais je suis né et j’ai grandi au Congo. Je suis arrivé pour la première fois au Mali en 2005, à cause de la guerre au Congo. Après mon arrivée, la boutique de friperie de ma famille était la seule à Lafiabougou Hamdallaye ACI. En 2008, j’ai ouvert une annexe dans la zone de Bacodjicoroni Golf. Aujourd’hui, on compte au minimum une cinquantaine de boutiques de friperie dans cette zone. Je suis issu d’une famille très pauvre. Tout jeune, je n’ai porté que la friperie. Au Congo, la friperie est un gros business. Et cela nous a inspiré. Nous faisons ce travail, parce qu’on n’a pas autre chose. L’écoulement est très lent. Mais, ça nous fait vivre».

Par ailleurs, il a attiré l’attention sur le fait qu’actuellement, ce commerce est en pleine expansion à Bamako. «Aujourd’hui, nous possédons une entreprise familiale dans le domaine de la friperie regroupant au total cinq boutiques de vente de casse américaine. Mon souhait est qu’un jour, je puisse ouvrir un grand magasin commercial digne du nom», espère-t-il.

Devant l’ampleur du phénomène de prolifération de la friperie, plus d’un s’interroge sur le bien-fondé de la chose. Les opinions divergent. Beaucoup estiment que la friperie est une chance pour le plus grand nombre. D’autres estiment qu’il faut s’en méfier. Pour notre interlocuteur, la friperie nourrit beaucoup de personnes parce qu’elle  fournit des emplois. Les lieux de provenance de la friperie varient et on peut trouver des produits normalement consommables. Autre constat : cet immense marché attire aujourd’hui la majorité de la population. Mais, il convient de souligner que si autrefois la friperie était destinée aux «pauvres», aujourd’hui, face à la diversité de l’offre, tout le monde (nantis et moins nantis) y trouve son compte. La gamme de marchandises est très variée, allant d’objets flambants neufs aux vieilleries.

Il y a la friperie dans tous les domaines maintenant.  M. Maïga en dit plus : «La friperie a une clientèle variée. Les prix sont accessibles à toutes les bourses. Les offres varient des traditionnels vêtements usés aux véhicules, en passant par les objets ménagers : marmites, couverts poêles, louches, torchons, verres et assiettes de tous genres en porcelaine et en plastic. L’éventail couvre tout ce dont la ménagère peut rêver : vélos, matelas, téléviseurs, frigos, draps et couvre lits, oreillers, berceaux et jouets pour bébé, matériels pour équiper les jardins d’enfants, pour ne citer que ceux- ci. Notre interlocuteur ajoute: «Ma boutique a évolué et ressemble aujourd’hui à un super marché. Elle est fréquentée par des personnes très respectables, par des nantis et des moins nantis. Chacun y trouve son compte. Les futures mamans et les propriétaires de jardins d’enfants figurent parmi mes plus gros clients. Ils viennent s’équiper en berceaux, jouets pour enfants, linge pour bébé, balançoires, toboggans, petits vélos, voitures électroniques etc. Je revends même des livres. Avant le coup d’Etat de 2012, je pouvais faire venir 2 à 3 conteneurs par mois des USA. Maintenant, je peine à faire venir un conteneur en deux mois».

Un autre propriétaire de magasin explique qu’au lieu de payer un téléviseur neuf au marché (écran plat) à 250 000 Fcfa, les gens préfèrent payer à la casse à 80 000 ou 150 000 Fcfa. Tout ce qu’on vend à la «fripe», est moins cher. Au-delà du prix, les gens payent pour la qualité. Par exemple, à la veille de la rentrée scolaire, de nombreux parents d’élèves préfèrent acheter les sacs à la «fripe» parce qu’ils sont solides par comparaison aux sacs moins chers en vente sur le marché. La vente de matelas à ressort est florissante sur le marché de la «fripe». Un revendeur a expliqué qu’il peut écouler une cinquantaine de matelas. Les commandes continuent. Dans ce milieu, un matelas à ressort de 3 places se vend entre 100 000 et 120 000 Fcfa. Une femme indignée devant un tapis sale et déchiqueté, a fustigé le laxisme de l’Etat face au problème.

Cette femme  laisse entendre ses déboires en ces termes : «Je pense, et je ne suis pas seule à croire, que les Blancs ont trouvé en nos pays un dépotoir pour leurs ordures. Même les objets ayant appartenus à leurs chiens, sont déversés ici et achetés par nos pauvres populations qui n’ont aucune idée du danger qu’elles encourent».

Danger pour la santé

Le Directeur de la Direction nationale du commerce et de la concurrence (Dncc), Modibo Keïta, explique que la libéralisation est une bonne chose, mais qu’il faut une politique commerciale nationale cohérente. Il a mis l’accent sur le fait que la libéralisation n’est pas contraire à la préservation de la vie des personnes et à la protection de l’environnement. Ce n’est pas une entrave au commerce. Il estime que, si la friperie profite au plus grand nombre, elle ne doit pas nuire à la santé, à l’environnement et au développement du secteur industriel. Par ailleurs, elle tue le commerce. Et le Directeur de la Dncc de conclure : «Le commerce de la friperie ne doit pas créer des problèmes de santé. Mais, il n’est pas évident que ce soit le cas au Mali, puisque la seule unité de traitement (avant mise vente) existante, ne fonctionne plus. Les vieux réfrigérateurs, ordinateurs…peuvent contenir des produits dangereux pour la santé et créer des problèmes environnementaux. Les pneus d’occasion payés et jetés au bout de trois mois dans la nature, deviennent des nids de prolifération des moustiques parce qu’en hivernage, ils se remplissent d’eau».

M.Maiga ne s’est pas arrêté en de si bon chemin, il apporte des preuves concrètes « Selon les données de la Direction nationale du commerce et de la concurrence (DNCC), les intentions d’importation de friperie en 2010 sont estimées à 3. 261 453 427 FCFA, en 2011 à 3. 460 118 474 et en 2012, à 3. 404 769 803 FCFA soit plus de 10 milliards de FCFA. Les pays de provenance de la friperie sont : les USA, l’Allemagne, la Pologne, la Hollande, la France, le Canada, la Chine, la Belgique, l’Italie, l’Espagne, la Bulgarie, l’Arabie Saoudite, le Sénégal, la Tunisie, le Maroc, le Togo, le Pakistan, la Corée du Nord, l’Afrique du Sud, le Liban, la Guinée, le Ghana. Il faut aussi noter que les gens profitent de toutes les situations pour amener la friperie. Par exemple, les importateurs de voitures ou autres articles profitent de l’occasion pour bourrer les véhicules de toutes sortes de friperies sans déclaration. Evoquant la question, le Directeur commercial de Fofy industrie, Lassine Koné, souligne que les importateurs de friperie livrent une concurrence déloyale à l’industrie du matelas. Cela se ressent au niveau des clients et des revendeurs qui ne parviennent plus à écouler leurs marchandises « made in Mali ». « Pour la plupart des cas les vendeurs de « fripe » cèdent des matelas usés à bas prix, douteux pour la santé. Mais la population ne comprend pas. Ils vendent des matelas à 50 000 – 70 000FCFA alors que nous vendons les matelas orthopédiques à 180 000FCFA (2 places). La casse tue le commerce et le marche. Elle concurrence illégalement les entreprises nationales ».

M.Maïga a aussi touché du doigt les effets négatifs du commerce de la friperie qui reste l’apanage exclusif des privés. « Il faut y mettre fin», a t-il insisté. «L’Etat doit prendre des mesures réglementaires pour protéger la population. Et il revient au Secteur privé de s’organiser  concrètement, pour réduire l’importation de friperie», M. Keïta propose de sensibiliser la population sur les dangers pour la santé. Personne ne sait d’où viennent ces nombreux matelas et draps ayant peut-être appartenu à des personnes malades. Il s’agit aussi pour l’Etat de prendre des mesures pour décourager l’importation de la friperie en demandant, à l’importateur d’apporter la preuve que les produits ont fait l’objet d’un prétraitement.

B.C

 

Source : L’œil du Mali 

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