Benoît Hamon a été désigné ce dimanche candidat de la gauche pour la présidentielle de 2017, à l’issue du second tour de la primaire qui l’opposait à Manuel Valls. Si la route reste longue jusqu’à l’Élysée, le socialiste a déjà parcouru du chemin, du Finistère à Solferino en passant par Dakar et SOS Racisme. Portrait d’un socialiste pur jus.
Au soir du premier tour de la primaire de la gauche, dimanche 22 janvier, les partisans de Benoît Hamon, vainqueur scrutin devant Manuel Valls, s’étaient sentis un peu à l’étroit dans la péniche louée pour l’occasion sur la Seine. Trop exigu, le bateau n’avait pu contenir la meute des journalistes et la foule des soutiens de l’ancien ministre de l’Éducation. Un bon signe.
Ce dimanche 29 janvier, l’équipe de Hamon n’a pas refait la même erreur. C’est à la salle de la Mutualité, plus vaste, qu’elle a convié ses supporters, pleins d’une confiance qui, si peu osaient l’afficher ouvertement, était pourtant bien présente. Sorti largement en tête du premier tour devant Manuel Valls, renforcé par le soutien d’Arnaud Montebourg, arrivé en troisième position, Benoît Hamon n’avait, il est vrai, pas grand-chose à craindre.
Lorsqu’il a lancé sa campagne, en août 2016, l’ancien ministre n’était pas le favori de cette primaire. Néanmoins, de bonnes prestations médiatiques et une bonne dose de rejet du bilan de François Hollande et de son Premier ministre par les électeurs ont petit à petit changé la donne. Avec 58,88% des suffrages, contre 41,12% pour Manuel Valls, voilà Benoît Hamon candidat de la gauche pour 2017.
Du Finistère à Dakar
A-t-il, au soir de sa victoire, pris le temps d’une rapide introspection, d’un regard en arrière sur le chemin parcouru ? S’est-il imaginé fêter ses cinquante ans, le 26 juin prochain, au palais de l’Élysée ? A-t-il pensé à Lionel Jospin, dont il a été le conseiller à la Jeunesse entre 1995 et 1997 ? Les pensées ont en tout cas dû se bousculer dans sa tête.
Né en 1967 à Saint-Renan, dans le Finistère, Benoît Hamon a passé une partie de son enfance au Sénégal, à Dakar, où son père, ouvrier puis ingénieur naval, a été muté en 1976. Il y découvre la mixité, qu’il défend toujours aujourd’hui, entouré, à l’école du Cours Saint-Marie-de-Hann d’élèves sénégalais et d’enfants d’expatriés, musulmans ou chrétiens.
Alors qu’il est de retour en France après le divorce de ses parents, il s’engage avec SOS Racisme durant ses années de lycée. Par la suite, il étudie l’histoire, et obtient une licence à l’université de Brest, dans le Finistère.
Benoît Hamon a déjà tout du futur pur produit de l’appareil socialiste, mais il peine à se faire remarquer. Issu de la génération « Michel Rocard » de la fin des années 80, il milite au sein du mouvement des jeunes rocardiens, mené par un certain Manuel Valls.
Président du mouvement des jeunes socialistes
Il n’était « ni le plus ambitieux, ni le plus volontaire », glissera par la suite à Libération son colocataire parisien de l’époque, Olivier Faure, d’un an son cadet et aujourd’hui président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale. Mais le maigre Breton, qui fume cigarette sur cigarette, finit par décrocher un poste d’assistant parlementaire du député de la Gironde Pierre Brana, de 1991 à 1993. Dans la foulée, il devient président du mouvement des Jeunes socialistes (MJS), poste qu’il occupe jusqu’en 1995, mais dont il détient en réalité toujours les rênes aujourd’hui.
Alors que la présidentielle voit l’accession au pouvoir de Jacques Chirac, et que Michel Rocard quitte le parti socialiste (PS) après des élections européennes perdues, Benoît Hamon devient délégué national du Parti socialiste chargé des problèmes de jeunesse puis rejoint Lionel Jospin comme conseiller à la jeunesse en 1995. Proche de Julien Dray, notamment au sein de SOS Racisme, il continue de s’appuyer sur la jeunesse pour aider son ascension, notamment au sein de l’Union des étudiants de France (Unef).
Mais c’est surtout dans le cabinet de Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, « mère » de la réforme des 35 heures, qu’il va fourbir ses armes. Conseiller technique puis chargé des Affaires politiques, Benoît Hamon se prépare dès 1997 un destin ministériel, avant de retourner dans l’opposition, à la défaveur de la défaite socialiste du 21 avril 2002.
« Rénovateur » puis « frondeur »
Opposant farouche au ministre l’Intérieur Nicolas Sarkozy et à Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre de 2002 à 2005, Hamon se rapproche du devant de la scène. Député européen de juin 2004 à juin 2009, secrétaire national du PS chargé des affaires européennes en 2005, et porte-parole du Parti Socialiste en 2007, il en devient l’un des cadres, l’un de ses éléphanteaux étiquetés « rénovateurs » et qui, déjà, voient se lever le vent de la relève au sein du parti.
Alors que François Hollande accède au pouvoir en 2012, Benoît Hamon intègre le gouvernement au poste de ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire et à la Consommation. Il rejoint ensuite l’Éducation nationale en avril 2014 mais renforce son image de frondeur en quittant le gouvernement avec fracas, tout comme Arnaud Montebourg, quatre mois plus tard.
Député des Yvelines, Benoît Hamon est parvenu, en 2012 , à se faire élire à Trappes, en région parisienne, en partie grâce à l’influence qu’y exerce un ancien militant du MJS et de l’Unef, l’adjoint au maire Ali Rabeh, fils d’immigrés marocains. Après son départ du gouvernement, il retrouve son siège à l’Assemblée, et y devient naturellement l’un des chefs de file des « frondeurs ».
Le révolté du fond du bus
Opposé à la loi Macron (puis à la loi Travail) sur le travail, défenseur d’une forte intervention de l’État dans l’économie, partisan de la nationalisation des établissements bancaires, d’une limitation du temps de travail et d’un revenu universel pour tous, le natif de Saint-Renan cherche à incarner l’aile gauche du PS, en opposition au bilan de François Hollande et Manuel Valls.
Ce père de deux filles, marié à une cadre du groupe de luxe LVMH et lui-même aîné d’une fratrie de quatre enfants, a désormais moins de quatre mois pour rassembler chez les écologistes et à l’extrême-gauche. La tâche est rude pour le Breton, « coincé » entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. Mais l’homme a de l’expérience. Il y a quarante ans,… La suite sur jeune Afrique