La deuxième économie de la sous-région y voit l’opportunité d’accélérer l’adoption de la monnaie commune, mais rejette l’idée d’une parité fixe à l’euro.
Près d’une semaine après l’annonce officielle de l’abandon du franc CFA pour l’éco, par les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), le gouvernement du Ghana a tenu à clarifier sa position. Il faut souligner que la réaction du pays était très attendue autant que celle du géant nigérian. Car le Ghana ne fait pas partie de l’Uemoa, composée principalement d’anciennes colonies françaises, qui utilisent le franc CFA. Le pays possède sa propre monnaie, le cedi. « Il s’agit d’une décision bienvenue, que le Ghana applaudit chaleureusement. C’est un bon témoignage de l’importance qui est attachée non seulement à la mise en place d’une union monétaire, mais aussi au programme plus large de l’intégration ouest-africaine », peut-on lire dans un communiqué rendu public dimanche 29 décembre.
« Au Ghana, nous sommes déterminés à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour nous permettre de rejoindre les États membres de l’Uemoa, bientôt, dans l’utilisation de l’éco, car, selon nous, cela contribuera à éliminer les barrières commerciales et monétaires, à réduire les coûts de transaction, à stimuler l’activité économique et élever le niveau de vie de nos populations », poursuit le texte.
Cependant les autorités ghanéennes ont exhorté les membres de l’union monétaire à abandonner la parité fixe à l’euro pour « l’adoption d’un régime de change flexible ». « Nous avons une opportunité historique de créer une nouvelle réalité pour les peuples de la Cedeao, une réalité de prospérité générale et de progrès. Alors, saisissons-le », écrit encore le gouvernement ghanéen.
En route vers l’éco
Le 21 décembre dernier, le président français Emmanuel Macron en visite en Côte d’Ivoire a annoncé avec le dirigeant ivoirien Alassane Ouattara que les huit pays de l’Uemoa cesseraient d’utiliser le franc CFA au profit d’une nouvelle monnaie commune, l’éco, en cours d’adoption par l’ensemble des 15 pays de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest. Il est prévu que la nouvelle monnaie soit dans un temps arrimée à l’euro, la monnaie commune des pays de l’Union européenne, tandis que les réserves de change actuellement en France seront déplacées. L’ancienne puissance coloniale n’aura plus de siège au conseil d’administration de la banque centrale, la Bceao.
Comment le Ghana s’est débarrassé de la monnaie coloniale
Depuis cette annonce, les réactions se multiplient, notamment dans les pays qui n’utilisent pas le CFA. Car l’abandon du CFA signifie que les sept autres pays de la Cedeao devront eux aussi abandonner leurs monnaies respectives et adopter « l’éco », comme convenu par les dirigeants au début de l’année. Aucune date n’a été fixée pour l’instant même si le mois de juillet 2020 est régulièrement évoqué. L’histoire monétaire du Ghana va donc encore évoluer. En 1957, la Gold Coast (Côte de l’Or) est le premier pays d’Afrique noire à accéder à l’indépendance. Le pays prend le nom de Ghana sous l’autorité de Kwame Nkrumah. Celui qui a pensé le panafricanisme et a été le précurseur de l’Unité africaine coupe le cordon avec le système monétaire colonial britannique. Son gouvernement choisit la livre ghanéenne, utilisée de 1958 à 1965.
L’introduction du nom « cedi », qui signifie « coquillage de cauris » en langue akan, est intervenue entre 1965 et 1967. Les coquilles de cauris étaient autrefois utilisées comme monnaie dans l’ancienne Gold Coast. Mais après le coup d’État militaire de février 1966, la vague anti-Nkrumah a introduit le « nouveau cedi », qui a circulé de 1967 à 2007. Entre-temps, le pays a expérimenté les sikas, qui veut dire or toujours en langue akan, mais l’expérience s’est arrêtée en 2003. En 2007, sous la direction de l’ancien président Kufuor, il a fallu six mois pour que les nouveaux billets et pièces remplacent les existants. Il faut dire aussi que le « nouveau cedi » a été mis à mal par des décennies d’inflation. Même s’il était facilement reconnaissable dans la sous-région à cause de ses multiples zéros et ces coupures de 1 000, 2 000, 5 000, 10 000 et 20 000 cedis – cette monnaie devenait risquée pour des transactions commerciales et financières.
Ces dernières années, le cedi a été sous pression, il est même tombé à un niveau record ce mois-ci (1 cedi est égal à 0,16 euro). Pour la banque Renaissance Capital, cité par Bloomberg, le cedi est désormais l’une des devises les plus sous-évaluées d’Afrique.
La faute à un dépassement du déficit budgétaire et au creusement de la dette. Sans compter que la banque centrale est dans l’incapacité à constituer rapidement des réserves de change en raison d’un déficit du compte courant. Pourtant, il y a bien une constante dans l’histoire monétaire du pays qui fait sa fierté : depuis 1958, la Banque du Ghana est la seule chargée d’émettre toutes les devises ghanéennes.
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