La CEDEAO rebelotte aujourd’hui sur la crise malienne en sommet extraordinaire par visioconférence, après la médiation en demi-teinte conduite jeudi à Bamako par Cinq chefs d’Etat de la région. Il faut saluer le doigté de la mission de Haut Niveau qui, à défaut d’apporter une solution, s’est gardée d’envenimer la situation comme un certain Goodluck Jonathan qui s’est lancé ici dans des polémiques stériles par péché d’orgueil face au constat évident de l’échec de sa médiation.
Pourtant, on a craint de frôler la catastrophe lorsque RFI (la voix de la France avec France 24) dans son édition d’Afrique soir, 48 heures avant la venue de la mission à Bamako, prêtait à la Présidence ivoirienne une menace à peine voilée : “nous ne venons pas au Mali pour négocier mais pour faire appliquer les recommandations de la CEDEAO”!
Nous nous demandions alors l’intérêt de faire déplacer cinq chefs d’Etat pour si peu et surtout ce propos désobligeant attribué à un homme (ADO) qui a soutenu des mutineries, parrainé une rébellion armée à plusieurs milliers de morts pour arriver au pouvoir. Un parcours bien différent de la trajectoire du M5-RFP qui se bat à présent les mains nues et compte ses morts.
On va finir par croire que Alassane Ouattara a un agenda particulier pour le Mali. Il est le principal bailleur de fonds de la campagne de IBK en 2013, rôle qu’il partagera avec l’ex président Abdelaziz de Mauritanie en 2018, allant jusqu’à faire dire à Soumaïla Cissé d’attendre son tour en 2023.
Si cette flamme pour le Mali visait à préserver les intérêts exclusifs de la Côte d’Ivoire, on n’y verrait rien d’anormal. Mais tout indique que notre puissant voisin et cousin Senoufo est en mission commandée de la France qui se bat sans doute pour notre pays mais qui n’aura jamais l’honnêteté de reconnaître qu’elle a obtenu de IBK des facilités pour le contrôle du Mali et de l’espace sahélien qu’aucun autre chef d’Etat malien ne pourra lui offrir encore d’ici un siècle.
IBK plaît aux autres (voisins, puissances tutélaires) pour les mêmes raisons que les Maliens n’en veulent plus: les premiers se satisfont de sa gouvernance pour le faire à sa place, les seconds n’en peuvent plus de voir le Mali se déliter dans l’indifférence et l’insouciance.
Alassane Ouattara a reçu mercredi (veille de la médiation) en audience la ministre des Affaires étrangères du Ghana pour à coup sûr lui donner les derniers éléments de langage à soumettre à son frère Nana Akufo-Addo. On ne doute pas que les lignes téléphoniques ont également chauffé entre Abidjan et Dakar ainsi qu’entre Abidjan et Niamey. Le président ivoirien s’est investi dans ce dossier pas seulement pour sauver IBK mais aussi dans une volonté évidente de venir humilier le M5-RFP à Bamako au moyen d’une admonestation paternelle pour l’irresponsabilité de la demande de démission de IBK.
Ce schéma n’avait de chance de prospérer qu’en fissurant le front de la contestation. Les premiers mots de l’imam Dicko n’ont laissé le moindre doute sur l’échec de cette stratégie. Qu’Alassane Ouattara soit précipitamment rentré à Abidjan n’a rien avoir avec une alerte sécuritaire dans son pays, il était plutôt informé après des tentatives infructueuses de ses émissaires auprès de l’imam que la médiation des chefs d’Etat était vouée à l’échec.
Examinons maintenant la fameuse “ligne rouge” du collège des chefs d’Etat pour mettre en exergue l’absence remarquée de Roch Marc Christian Kaboré de la médiation. Il est président d’un pays proche du Mali et lui-même très lié personnellement à IBK, mais le président burkinabè est le mauvais exemple qu’il faut cacher parce que son ascension au pouvoir est le fruit d’une révolution qui ressemble étrangement au soulèvement en cours au Mali.
Les Burkinabè ont fait partir Blaise sans tirer une balle, au contraire c’est la police de Compaoré qui a tué et blessé sans atteindre le bilan de IBK. Conscient de son rejet irrémédiable, Blaise s’est sauvé et ses compatriotes ont mis en place une transition exemplaire dans le cadre d’une charte qui a permis d’organiser les élections générales dont est issu le président Kaboré.
C’est quoi donc cette abominable “ligne rouge” devenue un passeport pour supporter la mauvaise gouvernance d’un président mal élu dont eux tous, chefs d’Etats voisins, se plaignent en silence de la gestion en raison de son impact négatif sur leurs pays, mais redoutent que son départ ne produise un effet dévastateur dans la région ? Le Protocole de la CEDEAO visé parle de démocratie et de bonne gouvernance. Ont-ils besoin de preuves supplémentaires de la mal gouvernance au Mali ? C’est à croire que pour les médiateurs, le Bon Mali, le Mali Désiré ce n’est même plus un Mali à genoux, comme Blaise Compaoré le disait pendant la transition, mais un Mali par terre et piétiné. La tournure prise par la rencontre de jeudi prouve que tous les ressorts de la dignité et du refus ne sont pas cassés dans notre pays !
Sambou Diarra