Les recommandations formulées à l’issue de Dialogue Inter-maliens pouvaient davantage toucher à la vie des Maliens en touchant à certaines de leurs préoccupations quotidiennes majeures. C’est pour dire que si certains problèmes avaient été résolus pour assurer à la population une vie plus tranquille et plus rassurante, le pouvoir militaire de la transition n’aurait pas besoin de tous ces subterfuges et autres détours pour imposer sa vision, même sur la durée de la Transition.
Jamais, dans la vie d’une nation, un coup d’état a été aussi bien accueilli par la population. Preuve qu’elle était dans une impasse et attendait donc des auteurs de la rupture de l’ordre constitutionnel, la mise en place de conditions d’un mieux-vivre. Mais si avec le temps cette confiance s’effrite, c’est parce que, quelque part, l’espoir aussi est en train de s’effriter. Parfois nous nous demandons si le Mali que vit la population est bien le Mali perçu par les plus hautes autorités. En d’autres termes, est-ce qu’ils reçoivent les bonnes informations pour savoir ce qui ne va pas et ce qui fâche cette population pour y apporter des réponses adaptées.
En tout cas, le message à retenir est très clair : les militaires sont encore là pour tenir les rênes du pouvoir au nom de la Transition qu’ils vont prolonger et ont la possibilité de troquer leurs treillis et vareuses avec des costumes après avoir légitimé le contrôle du pouvoir, pour encore dix ans au moins, à travers des élections.
L’on comprend maintenant, aisément, la suspension des activités de ces empêcheurs de dérouler ce programme, notamment les partis politiques qui avaient commencé à donner de la voix pour dénoncer une transition ayant pris fin depuis le 26 mars 2023.
Si ce Dialogue prétendait unir les Maliens, à ce niveau, c’est la cassure parce que, privés de paroles et d’actions, les partis politiques n’adhéreront pas à certaines des recommandations taillées sur mesure. Une camisole de force pour eux. L’avenir en dira plus.
Cependant, la recommandation demandant d’ouvrir des négociations avec les groupes dits djihadistes – pas ceux indépendantistes – redore le blason de l’imam Mahmoud Dicko. Le chef religieux n’a cessé, depuis le coup d’état perpétré par le groupe du capitaine d’alors, Amadou haya Sanogo, de prôner ce rapprochement. Il avait conduit, en son temps, en 2012, une mission au cours de laquelle il avait rencontré Iyad Agali. Ce dernier avait même laissé l’imam Dicko diriger la prière de groupe à laquelle lui et ses hommes avaient participé. Un grand signe de respect.
Cet épisode à tout son sens puisqu’il rappelle bien que l’imam Dicko, au nom du Mali placé au-dessus de tout, peut jouer un rôle important dans le processus de paix et de réconciliation de ce côté-là. Reste maintenant aux dirigeants de la Transition de décider du sort qu’ils lui réservent, après toutes les accusations portées contre lui ces derniers temps.
A présent, les regards sont tournés vers l’avenir, notamment avec la prolongation de la Transition. Ceux qui prétendent s’y opposer occupent les réseaux sociaux pour jacasser. Mais, apparemment, ils n’y peuvent rien. Il faut donc commencer, dès à présent, à réfléchir sur la gestion de cette nouvelle phase de la Transition. Laquelle doit être la plus inclusive possible. En d’autres termes, il faut faire appel à des filles et des fils du Mali qui ont des compétences avérées et une certaine crédibilité, pour accompagner les hauts dirigeants dans la gestion des affaires nationales.
Il s’agira donc de mettre en place un nouveau gouvernement avec beaucoup de technocrates et des personnalités reconnues pour le patriotisme. Cela sonnerait bien comme la manifestation d’une volonté de réunification nationale, voire de renforcement de la cohésion nationale, après tant d’années d’incompréhension et de tiraillements.
Evidemment, un nouveau gouvernement avec un nouveau Premier ministre au-delà de la démarche partisane et se situant au-dessus des polémiques. Plus précisément un Premier ministre de mission pour s’attaquer aux maux qui minent actuellement le bonheur el bien-être des Maliens. C’est pour être dans l’esprit de l’annonce faite il y a quelque temps par le président du Conseil national de Transition (CNT) notamment le colonel Malick Diaw, qui en appelait à éviter de poser des actes qui divisent les Maliens, mais de privilégier plutôt ce qui contribue à la construction de l’unité nationale.
Il suffit donc, pour rendre le pays stable et gouvernable pendant cette période de prolongation de la transition, en obtenant l’accompagnement sincère de la population, toutes couches confondues, de créer les conditions de réunir les forces vives de la Nation autour de l’essentiel. Parvenir à mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut doit être un souci principal de la Transition. Elle ne peut substituer le népotisme tant décrié auparavant, le fait partisan tant dénoncé, à une démarche fondée sur des liens de proximité, d’appartenance à une catégorie socioprofessionnelle ou des préjugés. Tous les actes que posent la Transition doivent porter, en eux-mêmes, les germes du changement positif tant promis à la population, après le renversement du régime de Feu le président IBK.
Seulement, on a trop tendance à mettre en avant les questions institutionnelles et politiques, oubliant que ce que ressentent les populations au quotidien, c’est d’abord du registre économique. “Ventre qui a faim n’a point d’oreille !” disent nos parents de l’Afrique centrale. Ce qui est vrai ! Car taraudés par la faim à cause de l’effondrement du pouvoir d’achat ou des difficultés d’approvisionnement ; par la soif à cause de manque d’eau ; par la chaleur et l’absence d’éclairage faute d’énergie électrique ; bref par des difficultés touchant son existence quotidienne, une population vivant dans ces conditions ne pourra accorder du crédit à des discours, fussent-ils les plus beaux ; à des promesses fussent-elles les plus mirobolantes.
Avec la crise énergétique qui plombe les activités économiques et les difficultés notées dans plusieurs secteurs de la vie nationale, en plus du manque de ressources budgétaires suffisantes pour le bon fonctionnement de l’Administration publique dans toutes ses composantes, il relèverait de la pure démagogie que d’annoncer la bonne santé du Mali. Au contraire, il faut parfois avoir le courage de reconnaître les difficultés rencontrées dans la gestion du pays dans un contexte particulièrement difficile imposé par la conjoncture internationale.
Par cette démarche, il s’agira de se faire comprendre par la population et au besoin l’inviter à participer à la résolution desdits problèmes rencontrés. C’est d’ailleurs cela la meilleure démarche d’un régime de Transition qui ne peut se prévaloir d’avoir des solutions clés en main ou l’obligation de tout régler en un tour de magie. Les autorités de la Transition ne sont pas venues avec un programme d’activités sanctionné par l’approbation du peuple à travers des élections. Il est donc normal de reconnaître, au fur et à mesure que la Transition évolue, qu’elle rencontre des difficultés. Mais il faudra les partager avec la population qui verra ses sacrifices au quotidien justifiés, au lieu de souffrir stoïquement.
Il faut donc rassembler toutes les compétences qui désirent travailler pour leur pays, le Mali. Ce qui ne manque pas. C’est à cela que doivent s’atteler ceux qui détiennent les rênes du pouvoir pour bien gérer la Transition, précisément ce qu’il en reste, dans un climat apaisé.
Amadou DIARRA