Les autorités nigériennes ont dénoncé, le samedi dernier, l’accord militaire entre leur pays et les États-Unis d’Amérique.
« Le gouvernement du Niger, prenant en compte les aspirations et les intérêts de son peuple, décide, en toute souveraineté, de dénoncer avec effet immédiat l’accord relatif au statut du personnel militaire des États-Unis et des employés civils du département américain de la Défense sur le territoire de la République du Niger », a annoncé le Colonel-major Abdourahamane Amadou, porte-parole du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), dans un communiqué lu à la télévision publique. Après cette décision, tout porte à croire que le Niger devrait renforcer son alliance militaire avec la Russie.
Comment vont réagir les USA qui ont dépensé des millions de dollars pour leur base de drones de la CIA à Agadez ?
Cette décision des autorités nigériennes fait suite à une rencontre de trois jours entre des officiels nigériens et une délégation américaine à Niamey.
«Le gouvernement du Niger tient à informer l’opinion nationale et internationale que les 12, 13 et 14 mars 2024, ses représentants, sous l’autorité de Son Excellence Ali Mahamane Lamine Zene, Premier ministre, ont eu une série de réunions de travail avec une délégation américaine composée de la Sous-secrétaire d’État aux affaires africaines, cheffe de délégation Mme Molly Phee ; du secrétaire d’État adjoint aux affaires internationales Dr Céleste Wallander ; du Commandant de l’Africom, le Général Michael E.Langley ; du Directeur adjoint de l’Afrique de l’ouest Skye Justice et de l’ambassadrice des États-Unis au Niger, Kathleen FitzGibbon», ajouté le porte-parole du CNSP, déplorant que l’arrivée de la mission américaine « n’a pas respecté les usages diplomatiques ».
Selon le Colonel-major Abdourahamane Amadou, les discussions ont essentiellement tourné autour du retour de l’ordre constitutionnel au Niger, ainsi sur le choix des partenaires du Niger sur le plan diplomatique, militaire et stratégique.
Il a poursuivi en dévoilant que la délégation américaine s’est notamment focalisée sur les relations que le Niger entretient avec la Fédération de la Russie et la République Islamique d’Iran.
« Sur le choix des partenaires diplomatiques, stratégiques et militaires, le gouvernement du Niger regrette la volonté de la délégation américaine de dénier au peuple souverain du Niger le droit de choisir ses partenaires et le type de partenariat à même de l’aider à mieux lutter contre le terrorisme, alors que les États-Unis ont décidé unilatéralement de suspendre toute coopération entre nos deux pays», a déploré le porte-parole du CNSP.
Précisant que le Niger « n’a signé aucun accord secret sur l’uranium avec la Russie et l’Iran », il a dénoncé « l’attitude condescendante, assortie des menaces de représailles, de la cheffe de la délégation américaine vis-à-vis du gouvernement et du peuple nigérien ».
Pour rappel, Les États-Unis d’Amérique disposent d’une base militaire au Niger dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Jusqu’au coup d’État du 26 juillet dernier contre le Président Mohamed Bazoum, une partie des soldats américains étaient stationnés au sein de l’Escadrille militaire de Niamey.
Quelques semaines après le coup d’État, ces soldats ont rejoint la principale base située à Agadez, dans le nord du Niger et près des frontières libyenne et algérienne. Les autorités militaires nigériennes avaient déjà dénoncé l’accord militaire avec la France dont les soldats ont définitivement quitté le Niger depuis fin décembre.
En plus du millier de soldats américains stationnant près de l’aéroport de Niamey, Washington dispose d’une vaste base de drones à Agadez d’une superficie de 25 km2 et classée deuxième en Afrique après celle de Djibouti.
La base d’Agadez sert de principal centre de surveillance et de renseignement pour les Américains au Sahel. Selon des sources, les Américains ont dépensé 110 millions de dollars pour sa construction et la maintiennent pour 30 millions de dollars pour la préserver.
Cette dénonciation intervient après le Niger et la Russie ont décidé « intensifier » leur coopération militaire en janvier. En visite à Moscou, le Premier ministre nigérien et son ministre de la Défense ont eu des échanges avec les autorités russes pour développer les partenariats en vue de stabiliser la situation sécuritaire au Niger et mieux former leurs forces armées.
En marge de cette visite, la Russie a annoncé avoir convenu d’« intensifier » sa coopération militaire avec le Niger. En effet, Moscou ambitionne depuis des années de renforcer son influence en Afrique aux dépens des Occidentaux.
Le 16 janvier 2024, les vice-ministres russes de la Défense Iounous-bek Evkourov et Alexandre Fomine ont rencontré dans la capitale russe le ministre nigérien de la Défense Salifou Modi, en marge d’une visite en Russie du Premier ministre Ali Mahamane Lamine Zeine.
« Au cours des entretiens, les parties ont noté la dynamique positive dans le développement de la coopération militaire (…) et ont identifié des domaines de coopération prometteurs », a rapporté le ministère russe de la Défense.
Une délégation russe s’était également rendue à Niamey en décembre pour discuter avec les militaires arrivés au pouvoir à l’issue d’un coup d’Etat fin juillet. Des accords sur le renforcement de la coopération militaire avaient alors été signés.
C’est dire que diplomatie russe se trouve en position favorable au Niger alors que la France, une alliée privilégiée du régime déchu, est devenue la cible des nouvelles autorités qui ont dénoncé des accords de coopération militaire et obtenu le départ de ses 1 500 soldats.
PAR MODIBO KONÉ