Quelques jours après le décès de son frère aîné, Foutanga Babani Sissoko, des suites d’une longue maladie, Fily Sissoko dit Yayi nous a accordé un entretien exclusif dans lequel il parle des œuvres que son grand frère a réalisées, les 186 millions de Fcfa qu’il a offerts aux joueurs de l’équipe nationale de football après leur sacre à la coupe Amilcar Cabral, ses relations avec ses frères et sœurs et enfin pourquoi ils ont décidé de l’enterrer dans son village natal à Dabia.
ujourd’hui-Mali : Pouvez-vous nous parler de votre grand frère, Babani Sissoko?
Yayi Sissoko : Vous savez, les gens parlaient de Foutanga Babani Sissoko avant qu’il soit né et cela est une autre chose dont nous ne finirons d’en parler. Dans les années 1980, il est venu au Mali avec beaucoup d’argent que nous estimons à des milliards de Fcfa. La première chose qu’il a faite, c’était de réunir tous ses frères et sœurs afin de leur demander de lui proposer un projet qu’il va financer. Quelque temps après, chacun lui a proposé son projet parmi ses frères.
Quant à moi, je suis frigoriste de formation. J’ai appris ce métier à Dakar, au Sénégal. Donc mon projet était d’ouvrir un grand magasin d’électroménager ou je pouvais pratiquer mon métier. Après la proposition de différents projets, il nous a rassurés qu’il va financer les projets plus tard, mais que dans immédiat son rêve était de reconstruire tout notre village natal, “Dabia”.
Finalement, c’est ce qui s’est passé. Il a reconstruit plus de 380 maisons dans le village entre 1983 et 1986. Après la construction, il a équipé chaque maison avec des télévisions en couleur et magnétoscopes. En plus de cela, l’électricité et l’eau étaient gratuites pour le village et ses environnants. Chaque année, pendant trois (3) ans, il envoie 100 personnes du village à la Mecque pour accomplir le 5ème pilier de l’islam. Vous savez, ce qui est incroyable dans l’histoire de notre grand frère Babani Sissoko, ce qu’il a été dit des années avant qu’il soit né qu’un jour il y aura un homme qui va casser et reconstruire tout Dabia. À la suite de la réalisation de ce projet, il a eu tous les hommages du monde.
En 1984, un Prince de la famille royale d’Arabie Saoudite a appris la nouvelle qu’un Malien aurait cassé et reconstruit son village. Du coup, il a pris son avion pour venir voir ce que Babani avait réalisé dans son village. Très étonné, le Prince a fait des bénédictions pour lui et prier dans la mosquée avec lui avant de retourner dans son pays. C’est sûr que Baba avait des défauts comme tout le monde, mais il avait en lui quelque chose de pas humain. Il était exceptionnel et très spécial. Un jour, je lui ai demandé pourquoi il fait trop d’assistance, il m’a répondu qu’en donnant de l’argent à quelqu’un, il dégage une telle joie sur son visage et c’est cette joie qui lui plait beaucoup.
En 1997, votre grand frère avait donné 186 millions de Fcfa aux joueurs de l’équipe nationale du Mali après leur sacre à la coupe Amilcar Cabral. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qui l’avait motivé ?
C’est vrai, il était en Gambie et un soir, il a décidé de partir voir les joueurs et les membres de l’encadrement technique de l’équipe nationale dans leur hôtel. Du coup, il a promis aux joueurs que s’ils gagnaient la Coupe, il allait leur donner chacun 8 millions de Fcfa. Heureusement, l’équipe a remporté le trophée et à leur retour à Bamako, Baba était à Abidjan pour ses affaires. Les gens ont commencé à dire qu’il ne va rien donner aux joueurs. Étant à Abidjan, il m’a envoyé un chèque de 186 millions de Fcfa. Après avoir récupéré l’argent, je me suis dirigé vers le ministère des Sports. Ce jour-là, Ibrahim Diombélé de l’Ortm était présent et il peut même témoigner. Lorsque le ministre est revenu de Koulouba, je lui ai remis les 186 millions de Fcfa devant Bani Kanté. Ensuite, le Ministre a appelé les joueurs et chacun a reçu ses 8 millions de Fcfa. La remise de l’argent a été diffusée sur la télévision nationale.
En plus de cela, dans les années 1992, lorsque nous étions au Nigéria, l’équipe de basket du Djoliba AC était en déplacement à Lagos. Après avoir éliminé l’équipe nigériane, les filles ont été abandonnées à leur sort dans le stade. Sur le champ, quelqu’un est venu informer Babani Sissoko et il a immédiatement envoyé des voitures pour aller chercher les joueuses. Il a logé les joueuses et les membres de l’encadrement dans sa maison à Lagos. Ensuite, il a donné une importante somme à chacune des joueuses afin qu’elles achètent quelque chose pour la famille au marché avant de les retourner au Mali.
Vous savez, Foutanga Babani Sissoko était quelqu’un de très bien, il aimait assister les gens en difficulté. Lors de la guerre du Zaïre, l’actuelle République démocratique de Congo (RDC), quand Kabila père venait de chasser Mobutu pour prendre le pouvoir, nous étions à Miami aux États-Unis. Nous regardions la chaîne CNN. Il a pris son téléphone pour appeler un de ses amis, Doucouré, qui habitait au Congo, en le convaincant de vite quitter Kisagani avant que le chaos s’installe.
Deux jours après, il a envoyé un avion spécial pour rapatrier les Maliens vers le Mali. Après ce premier convoi, il a demandé au président des Maliens de Kinshasa de s’organiser pour le rapatriement des Maliens qui veulent revenir au pays. Du coup, il a envoyé deux Boeings 727 et ensuite il a envoyé un autre Boeing 747. À quelques jours de rotation, il a pu envoyer à Bamako plus de 7 800 personnes. Après le rapatriement, il a donné une somme de 100 000 Fcfa à chacun des rapatriés pour les petites dépenses. Dans cette dynamique, il a également rapatrié plus de 150 Sénégalais à Dakar et plus de 100 Guinéens à Conakry.
Et ses relations avec ses frères et sœurs ?
Foutanga avait de très bonnes relations avec les membres de sa famille. Dans la famille, nous sommes quatre personnes, dont trois hommes et une femme. Il s’agit de Fountaga Babani Sissoko, Douga Sissoko, Fily Sissoko, Balla Sissoko et Mah Sissoko).
Douga et Balla vivaient ici dans la grande famille. Baba et moi, nous vivions ensemble. Dans la famille, nous avons vécu comme au village. C’est le grand frère qui prend toutes les décisions et les jeunes frères exécutent sans demander.
Avec toutes ces actions de bienfaisance, est-ce que Babani Sissoko a été distingué?
À ma souvenance, il a été ami avec tous les chefs d’État du Mali. Lorsqu’il a reconstruit son village Dabia, le Général Moussa Traoré l’a félicité. Au cours de cette rencontre, le Général Moussa Traoré lui a donné le drapeau national qui est la plus grande distinction du Mali. Ce drapeau est toujours dans son salon, à Dabia.
C’est pour vous dire que Babani a été ami avec tous les présidents du Mali, à savoir Alpha Oumar Konaré, Amadou Toumani Touré et même Ibrahim Boubacar Kéïta. D’ailleurs, c’est le président Amadou Toumani Touré qui l’a poussé à se présenter aux élections législatives afin qu’il devienne député à l’Assemblée nationale. Je me souviens également qu’il a reçu une distinction des Nations-Unis à travers le Programme alimentaire mondial (PAM).
Pourquoi avez-vous décidé d’enterrer son corps à Dabia, son village natal?
Ce n’est pas pour rien que nous avons amené son corps chez nous à Dabia. Sinon, nos parents se reposent au cimetière de Kati et Douga, et Balla Sissoko se trouve au cimetière de Djélibougou. Nous avons décidé d’aller enterrer Babani Sissoko à Dabia afin qu’il ne soit oublié par les générations futures. En plus de cela, l’un de ses souhaits était d’amener son corps à Dabia. Aujourd’hui, je peux vous dire que l’histoire de Foutanga Baba Sissoko vient de commencer.
Avez-vous bénéficié d’un appui du gouvernement pour les obsèques?
En tout cas, à Kéniéba, les autorités locales lui ont rendu un vibrant hommage parce que le Préfet de Kéniéba, Drissa Kané, a effectué le déplacement à Dabia pour les obsèques. Les éléments de la gendarmerie, de la garde nationale, de la police et de la protection civile étaient également présents à Dabia pour assurer la sécurité. Je profite de l’occasion pour remercier les uns et les autres qui ont effectué le déplacement à Dabia.
Réalisé par Mahamadou TRAORE
Source: Aujourd’hui-Mali