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Faits divers : LE CHEVAL, LA DAME, LE GARÇONNET ET LE CHARLATAN

Y. tenait à son cheval comme à la prunelle de ses yeux. Aussi son revers de fortune lui a fait chercher des coupables

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Notre histoire du jour porte sur un fait comme nous n’en avons jamais rapporté dans cette rubrique. Mais ce type de fait n’est pas très rare si on se réfère à certains us et croyances qui ont cours dans notre pays. Les faits sont totalement rocambolesques et lorsque les protagonistes ont fini par se retrouver devant un officier de police judicaire, l’exposé de l’affaire a plongé dans l’embarras ce dernier qui est pourtant un spécialiste chevronné des cas embrouillés.
Les faits viennent de se passer dans un des quartiers populaires de la Commune VI. C’est là que loge Y., une dame qui a fait fortune dans les affaires. Véritable « touche à tout », notre dame s’est lancée dans des activités aussi éloignées l’une de l’autre que le commerce de tissus et le transport en commun. Pourtant elle a connu une réussite foudroyante dans les deux domaines. D’après ce que nous avons appris, Y. possède une véritable flotte de véhicules qui relient la capitale à plusieurs localités de l’intérieur du pays. Et ses magasins font l’envie de la concurrence. Comme cela se passe généralement dans ces cas là, les gens ne se privent pas de creuser pour savoir ce qui se trouve à l’origine d’une réussite aussi insolente. Les curieux finirent par trouver l’explication qui ne les a pas trop étonné.
Les enquêteurs ont en effet découvert que la chance en affaires de la dame était liée à un superbe cheval blanc qui se trouvait dans sa cour. L’animal était nourri, abreuvé et entretenu avec un soin particulier. Il disposait d’un enclos spécialement aménagé à son bénéfice et dans lequel bien des chevaux auraient aimé se trouver. D’après certaines langues bien pendues, le cheval avait été recommandé à Y. par un homme bien versé dans les sciences occultes. Celui-ci avait indiqué à sa cliente que l’équidé lui porterait bonheur dans toutes ses entreprises. Elle, de son côté, devait se soucier que l’animal se trouve dans les meilleures conditions possibles, qu’il ne tombe pas malade et qu’il ne soit affecté à aucune tâche pénible. Si jamais le cheval devait subir une quelconque incommodité, la répercussion en serait immédiate sur les affaires de la dame.
PAR UN PUR HASARD. Comme beaucoup de nos lecteurs le savent, ce genre de situation n’est pas une rareté chez nous. Même à Bamako où l’élevage de chevaux n’est pas de tout repos, il est très fréquent de voir ces animaux attachés devant ou à l’intérieur des domiciles. Les propriétaires viennent de toutes les couches socioprofessionnelles (artistes, commerçants, charlatans, sportifs, voire des hauts cadres). Et tous croient dur comme fer aux vertus protectrices de leur animal mystique. Y., elle, avait d’autant plus de raisons de protéger son cheval que sa propre fortune était là pour indiquer que l’animal lui portait effectivement chance.
Tout allait donc bien pour notre dame jusqu’au jour où son chemin croisa celui de O., un garçonnet de treize ans. Ce dernier était connu dans la zone pour la passion folle qu’il portait aux chevaux. Il lui arrivait de sécher les cours pour trouver un animal à monter et pour se promener, fièrement perché sur la bête. Les gens étaient étonnés par cette passion bizarre, mais même les parents de O. avaient fini par se résigner à cette attraction de leur fils pour les équidés. C’est par un pur hasard que le bambin rencontra la dame Y. Un jour en passant dans la rue et devant la porte de la femme d’affaires, le petit amoureux des chevaux entendit par hasard le hennissement de l’étalon de la dame. Il rebroussa aussitôt chemin et fit irruption dans la cour de la propriétaire. Là O. fut littéralement fasciné par la beauté de l’étalon blanc. Son entourage rapporte que pendant des jours, le garçon ne parlait plus que du fantastique animal. O. n’avait plus qu’un rêve : chevaucher le plus beau cheval qu’il n’avait jamais vu.
Mais ce projet n’était pas gagné à l’avance pour lui. Le jour où il était entré pour admirer la bête, il était tombé sur Y. Surprise de voir cet étrange visiteur dans sa cour, la dame lui avait demandé ce qui l’avait conduit chez elle. O. expliqua comment il avait été attiré par les hennissements du cheval et il exprima son admiration pour la bête. Cela n’attendrit pas Y. En effet, elle avait déjà entendue parler de lui et surtout de son principal défaut. Il arrivait en effet au petit « jockey » de s’oublier lorsqu’il se trouvait sur un cheval. Pour inciter la bête à se lancer au galop, il n’hésitait pas à la cravacher avec violence. Y. n’avait aucune envie de voir son « porte-bonheur » subir un tel traitement. Aussi elle rejeta brutalement la proposition du gosse d’aller promener un peu l’animal dans le quartier.
La mort dans l’âme, O. quitta le domicile de Y. Mais il était loin de s’avouer vaincu. Plusieurs jours passèrent sans qu’il ne se manifeste chez la propriétaire de l’étalon. Puis il revint la voir la semaine dernière. La femme d’affaires, qui avait pratiquement oublié sa rencontre tumultueuse avec le garçonnet, fut surprise de revoir encore ce dernier chez elle. O. réitéra sans ciller sa demande de faire sortir le cheval pour le faire marcher dans le quartier. La dame comprit alors que le garçon ne lâcherait pas prise jusqu’à ce qu’il obtienne ce qu’il cherchait. Elle lui accorda donc la permission de promener son cheval. Ce que s’empressa de faire le petit jockey avant que la propriétaire ne change d’avis.
UN DOSSIER CLASSÉ SANS SUITE. Ce fut un véritable jour de gloire pour O. qui paradait sur le magnifique cheval. Une foule de curieux était sortie pour admirer la maîtrise avec laquelle il dirigeait sa monture. Quand le garçon revint avec l’animal chez Y., cette dernière put constater que son superbe porte-bonheur lui était revenu non seulement intact, mais apparemment heureux de sa course à travers le quartier. O. reçut donc la permission de sortir à nouveau la bête. Ce qu’il fit sans problème pendant toute une semaine.
Puis un beau jour, il revint en catimini avec le cheval, l’attacha sans rien dire à la propriétaire et s’éclipsa à toute vitesse. Son manège intrigua Y. qui alla jeter un coup d’oeil à son cheval, mais qui ne vit aucun préjudice apparent sur la bête. Cependant dans les jours qui suivirent, notre dame subit une série de déboires. Plusieurs de ses magasins se mirent à péricliter. Quelques-uns de ses véhicules de transport en commun connurent des accidents inexplicables. En un très bref laps de temps Y. subit des pertes qui se montaient, selon ses estimations, à environ une vingtaine de millions de francs CFA. Prise d’un mauvais pressentiment, elle alla examiner plus soigneusement son cheval. Elle s’aperçut alors que quelqu’un lui avait coupé une partie importante de la crinière de l’animal. Pour la femme d’affaires, il ne pouvait avoir d’autre coupable que O. Ce dernier sera très vite recherché et retrouvé avant d’être conduit dans les locaux du poste de police le plus proche du quartier.
Interrogé sans ménagement le garçon avoua très vite. Il expliqua au commissaire et à la propriétaire de l’animal avoir coupé la crinière du cheval sur la demande d’un charlatan du quartier. Sans perdre de temps, les policiers ont fait venir l’homme en question. Ce dernier nia d’abord avec véhémence sa participation dans cette affaire. Il soutint qu’il n’avait que faire de la crinière du cheval de Y., car lui-même possédait un cheval blanc chez lui comme animal mystique. Les investigations policières confirmèrent les assertions du charlatan. Mais les agents découvrirent aussi que l’homme avait effectivement chargé le petit jockey de lui chercher la crinière d’un autre animal.
L‘officier de police, qui a été saisi du dossier, a été obligé de classer l’affaire sans suite judiciaire à donner. La raison. Aux yeux du droit, aucun des mis en cause ne peut être retenu sur la base d’une quelconque faute ayant entrainé la chute des affaires de la dame Y. Et par ricochet, de la perte de la vingtaine de millions de francs CFA qu’elle semblait réclamer.
En somme, pour le policier, certaines réalités de notre société ne sont prises en charge par aucun texte. Le charlatan et le petit jockey ont dans l’esprit agi avec l’intention de nuire aux intérêts de Y. dont ils connaissaient l’attachement à son cheval. Mais dans l’état actuel de la législation, même cette intention ne peut être retenue contre eux. Entretemps, il ne reste à la femme d’affaires à souhaiter que la spirale de la perte de chance s’arrête aux (lourdes) pertes qu’elle a subies.

MH.TRAORE

SOURCE / L ESSOR

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