Il est bien de dénoncer chez les autres mais c’est encore mieux de le faire quand ça se passe chez-soi. Quand un juge tombe sous le charme du sensationnel ou du buzz, il n’est plus juge mais moins qu’un bourreau.
Les règles de procédure sont d’ordre public et de ce fait, n’admettent nullement les considérations d’ordre personnel. Elles s’imposent à tous et à chacun et certainement plus au juge qui a la charge de les appliquer. Un juge n’est rien sans la loi. Il y tient sa légitimité. Il se doit de la respecter à l’absolu et à tous égards. Faisons attention à ne pas jouer avec la liberté, l’honneur et la dignité des autres juste pour se dire « c’est moi qui ai placé un tel sous mandat».
Les conditions de la détention provisoire sont limitativement énumérées par le code de procédure pénale. L’une des plus déterminantes est moins la gravité des faits reprochés que la garantie de représentativité. C’est d’ailleurs ce qui donne un sens au principe de la liberté et de la détention comme exception. Aussi à raison de leurs qualités, des privilèges sont accordés à certains justiciables, faisant qu’ils échappent à la compétence de certaines juridictions. Vouloir ignorer ou passer outre ces règles de procédure, c’est délibérément violé la loi, auquel cas le juge tombe sous le coup de la forfaiture et des poursuites pour faute disciplinaire ou professionnelle.
Faisons attention à la dérive judiciaire. L’application erronée du droit laisse des bleus dans une vie qui sont autant de bleus à l’âme et très souvent de façon indélébiles. Un homme qui passe par la case prison même à juste raison à fortiori à tort ou d’une application erronée du droit, n’est plus jamais le même.
L’erreur judiciaire, disait l’autre, condamne à des plaidoiries à renouveler sans cesse, pour un crime ou un délit dont vous ne cesserez jamais de purger la peine. Oui, une condamnation à perpétuité. Jamais vous ne vous defairez de ce sceau de l’infamie, des regards embarrassés, de la suspicion des autres, de ce vilain petit air de la calomnie.
Ayant la lourde charge de juger nos concitoyens, l’on se doit de nous rappeler constamment que celui en face est le père, le fils, le frère, l’ami etc à quelqu’un; qu’il a un honneur et une dignité que l’on peut à jamais bafouer par un petit bout de papier appelé «mandat de dépôt» et que l’on ne voudrait certainement pas être à sa place, sans être peut être plus vertueux et plus méritant de la loi.
Notre justice en quête du sensationnel ou du buzz ne rassure nullement, et cela doit être dit et dénoncé par nous-mêmes d’abord.
Idrissa Touré
Procureur de Bougouni
INFO-MATIN